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Articles, témoignages, infos sur la psychiatrie, la psychanalyse, la clinique, etc.

vendredi 13 avril 2012


Les artistes se mobilisent pour les Bluets


La chanteuse Catherine Ringer milite pour la naissance libre.
L’ex Rita Mitsouko Catherine Ringer, le réalisateur Cédric Klapisch ou encore le slameur Grand Corps Malade ont participé, mercredi 11 avril, à une soirée débats-concerts pour le maintien de cette maternité de l’est parisien.  

‭A l’approche du premier tour de l’élection présidentielle, la mobilisation pour le maintien de la maternité des Bluets ne faiblit pas. L‭'‬association‭ «‬ Touche pas aux Bluets »‬ organisait,‭ ‬dans la soirée du mercredi‭ 11‭ avril,‭ ‬un débat-concert à l'espace Reuilly‭ (‬Paris‭) ‬mêlant professionnels de santé,‭ ‬élus,‭ ‬représentants syndicaux et artistes. Tous engagés dans la lutte pour la survie de cette maternité de l’est parisien, dont les importants déficits pourraient entraîner la fermeture.
Malgré une forte attractivité‭ ‬due à la qualité de l'accompagnement des naissances,‭ ‬la maternité des Bluets affirme en effet vivre depuis quelques temps une descente aux enfers, provoquée par les règles de la convergence tarifaire imposée par l'ARS. C'est sur scène,‭ ‬en échos aux tables rondes où les nombreux intervenants se sont exprimés sur les effets dévastateurs de la financiarisation‭ qui pousserait les professionnels à faire « de l'abattage des naissances ‭»‬,‭ ‬que‭  ‬des‭  ‬artistes, comme le réalisateur Cédric Klapisch,‭ la chanteuse ‬Catherine Ringer,‭ le baryton ‬Vincent le Texier ou l'auteur Grand Corps Malade, sont venus apporter leur soutien.

« On passe à côté de la vie »
‭«‬ On avait un bon système de santé, qu'on est entrain de détruire pour des questions économiques et financières, mais pas seulement », ‬affirme Catherine Ringer.‭ Avec la chanson Nos maternités, l'artiste s'est engagée sur la naissance libre pour, dit-elle, « montrer que, bien au-delà des contraintes financières, il faut s'interroger sur l'essence même de la naissance. On est aussi dans une logique où la technologie doit prendre le pas sur tout. Déclencher les naissances,‭ ‬programmer une césarienne lorsque ce n'est pas nécessaire nous fait rater des moments importants,‭ ‬on passe à côté de la vie. »
Une idée partagée par le barython Vinçent Le Texier qui, à travers son combat pour les Bluets, défend un certain idéal de société. ‭« Je tiens à exprimer mon opposition face à la politique de ce gouvernement. J'en mesure les conséquences sur le système de la santé, mais pas seulement. J'ai de la chance de faire un métier que j'adore,‭ ‬mais je ne suis pas heureux car je constate que tout se dégrade autour de moi.‭ ‬Un pays qui commence à rentabiliser les naissances, cela devient dangereux car cela veut dire que tout le monde ne pourra pas accoucher dans les mêmes conditions. Le choix de la naissance libre, ce n'est pas juste une question de société, c'est aussi une question de civilisation. Il faut sortir de ces logiques terribles. »

Manifestation à Paris samedi
Arrivé tardivement dans la soirée,‭ ‬Grand Corps Malade ne peut s'empêcher, dans un slam, de faire le parallèle entre l'enseignement et la santé en France. ‭«‬ Les institutions publiques sont malmenées en France,‭ ‬je suis là pour défendre les métiers de prof ou d'infirmier, qui sont d'une grande noblesse et ne sont pas considérés à leur juste valeur. »
Les professionnels de la santé espèrent que la voix des artistes sera entendue par l'opinion publique, appelée à descendre dans la rue pour manifester et demander aux prétendants à Élysée de prendre position, notamment sur la question des maternités de proximité. Un rassemblement régional est prévu ce samedi 14‭ avril, place Gambetta, à Paris.

Texte et photo: Elisabeth Cosimi


Des propositions pour réduire les inégalités d'accès aux soins

Plusieurs études et rapports relèvent le développement des inégalités sociales dans l'accès et l'utilisation des services de santé. Le renoncement aux soins pour raisons financières et la progression des déserts médicaux dans nombre de zones rurales et dans certains quartiers déshérités étant deux déterminants essentiels. Pour contrer cette progression, des think tanks proposent des pistes de réflexion attribuant à l'Etat et au secteur privé le coût des soins et la couverture sanitaire de façon plus ou moins importante.

Ainsi, Agnès Verdier-Molinié et Philippe François (Fondation Ifrap), et Angèle Malâtre (Institut Montaigne) se rejoignent lorsqu'ils proposent de faire participer davantage les assurés, les mutuelles ou les complémentaires santé dans la prise en charge des dépenses. La Fondation Ifrap souhaitant casser le "monopole" de l'assurance-maladie et l'Institut Montaigne proposant la mise en place d'un plafonnement des restes à charge (autrement dit "franchise" ou "bouclier sanitaire"), avec une prise en charge à 100 % par l'assurance-maladie au-delà du plafond (déterminé en fonction des revenus). Alors que Willy Pelletier (Fondation Copernic) prône la transformation des cliniques privées en hôpitaux publics ou encore le remboursement à 100 % des dépenses de santé, et que Daniel Benamouzig (Terra Nova) insiste, notamment, sur la limitation des dépassements d'honoraires.

Pour contrer la désertification médicale, plusieurs think tanks proposent la création de maisons de santé, comme la plupart des candidats à l'élection présidentielle. Mais là encore, les divergences apparaissent. La rémunération des médecins dans ces centres de santé doit-elle être mixte (Institut Montaigne et Terra Nova) ? Faut-il inciter les jeunes médecins à s'installer dans des zones sous-dotées, voire les y obliger (Fondation Copernic) ? D'autres pays comme l'Allemagne ont expérimenté un tel système, avec des effets mitigés, répond l'Institut Montaigne.

Plusieurs questions sont ainsi soulevées qui exigent "une volonté et une action d'envergure" (Terra Nova) et auxquelles le futur président de la République devra apporter des solutions après "un large débat" (Institut Montaigne), sans oublier de développer la prévention (Fondation Copernic) et en ouvrant la problématique à toutes les inégalités sociales de santé (Terra Nova).


Le blues du Rased

Qui se souvient encore des Rased ? C’était en 2008 : les maîtres spécialisés et les psychologues regroupés derrière cet acronyme (Réseau d’aides spécialisées aux élèves en difficulté) avaient bruyamment battu le pavé pour s’opposer aux velléités ministérielles de tailler dans leurs effectifs et de les remplacer par une "aide personnalisée" (effectuée par en dehors du temps scolaire par les instituteurs). Quatre ans plus tard, la réforme a fait son œuvre : au nombre de 15 000 en 2008 sur l’ensemble du territoire, les Rased ne devraient plus être que 10 000 à la rentrée 2012, d’après le Snuipp-FSU, le principal syndicat du premier degré.
Dans le département de l’Indre-et-Loire, 15 postes seront supprimés en septembre, dont deux à Saint-Pierre-des-Corps. Lionel Laboudigue fait partie des "victimes". Et le moins qu’on puisse dire est qu’il le vit mal. Très mal.
Lionel Laboudigue dans la salle adaptée d'une école de Saint-Pierre-des-Corps.©Helene Jayet
Lionel Laboudigue dans la salle adaptée d'une école de Saint-Pierre-des-Corps.©Helene Jayet
Lionel Laboudigue a 40 ans, dont quinze années de carrière en tant que professeur des écoles. Il a bourlingué aux quatre coins du département (La Ville-aux-Dames, Neuillé-le-Lierre, Château-Renault, Bléré, Amboise…), s’est frotté à pratiquement tous les niveaux existants dans le primaire avant de décider, il y a un an, de devenir "maître G", nom donné aux enseignants spécialisés dans l’aide éducative. A l’Institut universitaire de formation des maîtres (IUFM) de Tours, il était seul en formation l’an dernier. Diplôme en poche, il a ensuite été nommé dans plusieurs écoles de Tours et des environs, notamment à Saint-Pierre-des-Corps. C’était sa première affectation. Ce sera sa dernière.
Quand l’Inspection académique lui a signifié, il y a un mois, que son poste ne serait pas reconduit, les sentiments se sont bousculés. "Etonnamment, je n’ai pas été surpris, raconte-t-il. Révolté oui. Très en colère également. Mais pas surpris car cela était dans l’air depuis le début de l’année scolaire. En faisant cette formation de maître G, je savais également que la perspective de rester longtemps en poste était hasardeuse. Mais je m’étais lancé là-dedans à la manière d’un acte militant."
La lettre de l'inspection académique confirmant la suppression du poste de Lionel Laboudigue.©Helene Jayet
La lettre de l'inspection académique confirmant la suppression du poste de Lionel Laboudigue.©Helene Jayet
La désillusion est d’autant plus grande que Lionel Laboudigue a – ou plutôt "avait" - le sentiment d’avoir "trouvé sa voie". Redonner confiance à des élèves perdus dans le champ des savoirs, utiliser des jeux et des voies détournées pour y parvenir, travailler les ressources affectives comme on malaxe une pâte, faire le lien avec les familles… Lui qui, lorsqu’il était "simple" instituteur, se sentait démuni face à des élèves en difficulté n’aura eu qu’une petite année pour vérifier de lui-même l’utilité du système Rased.
Quand on lui demande si des enfants ont progressé lors des séances hebdomadaires d’une heure maximum qu’il effectue dans une salle de classe adaptée, il répond "oui"sans ciller. "On est la soupape qui fait diminuer la pression entre ces enfants et leurs appréhensions face à l’école. Sans cette soupape, le risque d’imploser devient énorme. Que deviendront-ils si on arrête de les aider ? On peut imaginer qu’ils seront éjectés du système scolaire à un moment ou un autre." 
©Helene Jayet
©Helene Jayet
A sa déception personnelle d’arrêter si tôt son nouveau métier se mêle une sensation plus sournoise, indicible, "comme l’impression d’avoir été un peu lâché", dit cet ancien "désobéisseur". A Saint-Pierre-des-Corps, une mobilisation locale avait pourtant pris forme dès l’apparition des premières menaces sur les deux postes. Enseignants, parents d’élèves, élus avaient lancé des pétitions, quémandé des rendez-vous en haut-lieu, accroché des banderoles aux grilles des écoles, distribué des tracts au marché, alerté les médias… Et puis les vacances de février sont passées par là. Le soufflet est retombé.
Etonnamment, la perspective de l’élection présidentielle a également joué un rôle dans le découragement ambiant. Comme l’expliquait une de ses collègues il y encore un mois, "la campagne ne nous aide pas. Les gens se disent : 'pourquoi continuer à manifester alors que tout peut changer en fonction du vote ?' C’est un peu paradoxal, mais c’est comme ça."
Contraint de revenir à son premier job, Lionel Laboudigue formule actuellement ses vœux en vue d’un poste d’instituteur pour la rentrée de septembre. Retourner à l’ordinaire d’une salle de classe a tout d’"un renoncement", confie le maître spécialisé, inconsolable d’avoir pratiqué trop peu de temps un "métier qui disparaît".

Le plan psychiatrie et santé mentale 2011-2015 critiqué par la CNS

13 avr. 2012
HOSPIMEDIA - Présenté le 29 février dernier en conseil des ministres, le Plan psychiatrie et santé mentale (PPSM) 2011-2015 n'est, selon la Conférence nationale de santé (CNS), qu'en "version V0".
HOSPIMEDIA - Dans son avis du 5 avril dernier, la CNS n'y voit en effet qu'"un cadre de référence, une déclaration d'intentions louables" sans ligne de conduite, conceptions clarifiées ni objectifs opposables. "Ces objectifs généraux sont présents depuis quinze ans dans les rapports successifs et plan psychiatrie de santé mentale", se désespère la CNS, plaidant pour des éléments de méthode et un guide d'opérationnalité.

Par ailleurs, le rôle des contrats locaux de santé est insuffisamment mis en exergue, tout comme les besoins de prise en charge et d'accompagnement des enfants et adolescents. La CNS déplore également que les responsabilités nationales ne soient pas clairement énoncées, l'organisation de la recherche et de l'évaluation en psychiatrie et santé mentale non précisée. En outre, les travaux précédemment effectués par le Haut conseil en santé publique (HCSP) ou la Cour des comptes ne sont nullement évoqués, s'étonne la CNS, qui constate aussi qu’il n’y a "aucune donnée sur la prévalence, sur l'incidence des maladies psychiques, et seulement vingt lignes sur l'enjeu que représentent la psychiatrie et la santé mentale".

La CNS réclame donc "un dispositif d'élaboration d'une version V1 du plan" et juge "opportun" que les retours d'expériences formulés par les ARS constituent "un programme régional de psychiatrie et santé mentale". Enfin, la CNS réitère son vœu de voir "prochainement" élaborée une loi d'orientation et de programmation en santé mentale.
LE TELEGRAMME.com

Autisme. Les pédopsychiatres veulent élever le débat

13 avril 2012
Une polémique nationale oppose les tenants d'une prise en charge comportementale de l'autisme et les psychanalystes. À l'approche de la Journée de l'autisme, les pédopsychiatres veulent élever le débat.
«Ce que nous souhaitons, c'est le débat et non la polémique». Les pédopsychiatres de l'EPSM Gourmelen àQuimper, ont assez mal vécu certaines «caricatures» véhiculées sur leur approche thérapeutique de l'autisme. La polémique est arrivée du Nord, en janvier dernier, avec le député Daniel Faskelle. Soutenu par une association de parents, il remettait en cause «la prégnance de la psychanalyse» dans le traitement de l'autisme. Il prenait clairement fait et cause pour les méthodes comportementales, qui, «a contrario, ont fait leurs preuves. Les lignes doivent impérativement bouger, c'est l'un des combats de mon mandat de député», expliquait-il récemment au journal La Croix.
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Une appli iPhone pour étudier et contrôler les rêves

Freud, à son époque, a tenté d'interpréter les rêves par le biais de la psychanalyse. Le XXIe siècle semble opter pour l'iPhone et une application, pour entrer dans le monde de l'inconscient.
A chaque époque ses moyens pour étudier et tenter de déceler le mystère de ces rêves qui occupent nos nuits, de ces cauchemars aussi. Un psychologue britannique, Richard Wiseman, a participé à la création d'une application sur iPhone, Dream:On, qui a pour vocation de contrôler les rêves. Avec une telle application, il serait possible de ne faire que de jolis rêves. D'après le psychologue, passer de bonnes nuits permettrait aux rêveurs de se sentir en meilleure forme, de gagner en productivité, ou encore de voir la vie un peu plus belle. Bref, de mettre les rêveurs dans de bonnes dispositions au réveil pour entamer une journée sous les meilleurs auspices.
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Un militant en « garde à vue psychiatrique »

Dix jours d’hospitalisation forcée pour une action de protestation dans la mairie de Loupian (Hérault). C’est le traitement de faveur auquel a eu droit Jean-Pascal, militant écologiste habitué des actions sur le terrain.

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mercredi 11 avril 2012


La mort à l’heure des réseaux

La lecture de la semaine, il s’agit d’un entretien paru dans la revue américaine The Atlantic, entretien avec un philosophe australien du nom de Patrick Stokes, auteur d’un récent travail de recherche sur la mort dans les réseaux. Le titre du papier :"Comment Facebook permet de vivre après la mort, enfin en partie". Je n’ai traduit que des extraits de cet entretien.
"Mon point de départ pour penser cette question m’est venu de Facebook. Facebook propose sur la droite de notre profil des gens que nous sommes supposés connaître, et dans la liste des suggestions qui me sont faites, il y a au moins deux personnes qui nous ont quittés – Facebook sait que ces gens sont morts, et inscrit donc une petite mention qui indique "en mémoire de", le profil concerné étant transformé en une page mémorial. Je me suis dit qu’il était un peu étrange que dans la liste de mes amis potentiels, des gens que je connais, certains d'entre eux soient déjà morts. Qu’est-ce que cela signifie ? Qu’est-ce que cela dit de la présence des gens après la mort ? J’ai commencé à réfléchir au fait qu’il y une scission entre le moi tel que nous l’expérimentons dans le présent et cette sorte d’être physique et social augmenté que nous sommes par ailleurs.
Le philosophe australien Mark Johnson parle beaucoup de cela, et il dit que lorsqu’on craint la mort, ce dont on a peur, ce n’est pas la disparition de cet être social et physique augmenté, mais le fait que le sentiment de soi que l’on expérimente dans le présent va s’éteindre. Et c’est cette scission qui m’intéresse particulièrement - la scission entre notre première vision personnelle projetée sur la vie et ce sens du moi en tant qu’être qui dure dans le temps. En regardant ces pages Facebook de gens morts, ce qui m’a frappé, c’est la manière dont les gens continuent d’interagir avec eux, et cela parce que Facebook est une des principales technologies que nous utilisons pour communiquer notre identité. Vous allez sur la page Facebook de quelqu’un et vous dites "je suis là", "voici ce que j’aime", "voici quelques photos de moi", "voici quelques interactions entre mes amis et moi". Quand cette personne meurt, tout cela demeure et, même si le profil est devenu en quelque sorte non réactif, il continue d’exister, et les gens continuent d’interagir avec lui. L’identité sociale de la personne survit."
Image : sur Facebook, les morts ne meurent jamais vraiment tout à fait. Finirons-nous tous en Zombies numériques ? Une image de Scabeater sur Flickr.

Selon Patrick Stokes, ces pages mémorial de Facebook peuvent aider au deuil. La sœur d’un soldat australien tué en Afghanistan lui a dit que c’était presque comme si ça le ramenait un peu à la vie, on peut presque entendre le son de sa voix. Pour Stokes, "ces pages peuvent préserver quelque chose de la manière dont la personne était présente au monde – la manière dont elle disait les choses, à quoi elle ressemblait, la manière dont elle communiquait. Dans la mesure où ces pages préservent cela, elles peuvent aider au deuil, de la même manière que des vieilles lettres ou d’autres objets de la sorte. Une des premières choses que l’on fait à la mort de quelqu’un, c’est de raconter des histoires concernant sa manière d’être, des anecdotes sur des choses qu’elle avait faites, ou dites. Ce qu’on fait là, je pense, c’est tenter de préserver la présence distinctive de cette personne. On tente de préserver ce qui la rendait aimable ; c’est la manière dont on garde les morts en vie à un niveau moral, et je pense que des choses comme les profils en ligne peuvent être très utiles à cette préservation. Pas une aide à la mémoire au sens où il y aurait un risque d’oubli de la personne, mais une aide à la mémoire au sens où quelque chose que vous pouvez regarder vous donnera un précipité dense, proustien, de mémoire et vous rendra la personne sous la forme de l’être distinct qu’elle était."
Et Stokes pense même que ces morts qui continuent de vivre en ligne doivent devenir des objets de droit. "A un certain niveau, notre identité en ligne a capté une bonne part de notre identité sociale et relationnelle et l’a préservée, et cela continue d’exister d’une certaine manière. C’est très important parce que je pense que nous avons un devoir moral continu envers les morts. Même quand ils n’existent plus, ils existent comme des objets de devoir. Kierkegaard en parle, le fait que nous ayons un devoir envers les morts, comme le devoir de s’en souvenir, ou le devoir de ne pas les diffamer. Nous vivons dans une ambiguïté ontologique profonde envers nos morts : d’une manière absolue, ils n’existent plus, mais ils existent toujours en tant que personnes que nous devons aimer et dont nous devons prendre soin.
Image : Image du film Poltergeist de Tobe Hooper (1982). Ce n'est pas la première fois que nous imaginons que les morts vivent dans nos médias électroniques.

Mais survivre comme un objet de devoir moral, ce n’est pas survivre en tant que soi. Si je vous disais "Voudriez-vous vive sous la forme d’un profil Facebook ?" Vous diriez certainement "Non, ce n’est pas cela la vie après la mort, je n’en veux pas". Quel que soit le genre de survie que permet la présence en ligne, c’en est une forme infime ; mais c’est encore une survie, et cela suffit pour construire une sorte de communauté autour d’elle, et pour servir de centre à l’activité de deuil. Même si ça n’est jamais aussi riche que la présence active d’une personne en vie dans le monde. C’est une forme de survie radicalement réduite. Il n’y a pas donc pas cette tension qui surgit entre le moi conçu comme identité sociale et physique qui existe dans le temps, même après la mort, même dans une forme réduite, et votre sens du moi comme être dans le présent, car ce moi ne peut pas survivre à la mort. Facebook vous laisse survivre pour les autres, mais vous ne pouvez pas survivre pour vous, ce qui en un sens est décourageant. Cela renvoie à la vieille phrase de Woody Allen : "Je ne veux pas survivre dans le cœur de mes concitoyens, je veux survivre dans mon appartement. Je ne veux pas atteindre l’immortalité grâce à mes écrits, je veux atteindre l’immortalité en ne mourant pas.""
Xavier de la Porte
Xavier de la Porte, producteur de l’émission Place de la Toile sur France Culture, réalise chaque semaine une intéressante lecture d’un article de l’actualité dans le cadre de son émission.
L'émission du 24 mars 2012 était consacrée au portrait psychologique et à la fonction politique du Troll en compagnie du psychologue et psychanalyste Yann Leroux(@yannleroux) ; du sociologue Antonio Casilli(@bodyspacesoc) maître de conférences en Digital Humanities à Paris Tech, chercheur en sociologie au Centre Edgar Morin de l’EHESS, auteur des liaisons numériques et d'une courte sociologie du troll ; et dePacôme Thiellement (@pacomethiel) écrivain, essayiste. Son dernier livre s’intitule Tous les chevaliers sauvages, sous-titré Tombeau de l’humour et de la guerre.

La vieillesse au-delà des clichés d’un autre âge

Un jury publie aujourd’hui ses conclusions, après six mois de débats sur les personnes âgées.

Par ERIC FAVEREAU
«Et si les vieux vivaient encore ?» Interrogation iconoclaste. Ils sont là, nombreux : près de 9 millions de Français ont plus de 75 ans. Ils vivent pour la plupart à domicile ; chez les plus de 80 ans, près de 20% sont en institution. Mais voilà, ce qu’ils disent (ou ce qu’ils taisent) est loin d’être conforme aux clichés.
C’était le thème d’un cycle de débats mensuels, organisé depuis octobre par le Centre d’éthique clinique de l’hôpital Cochin, à Paris, avecLibération et France Culture. Avec, en arrière-plan, cette question : «Quelle médecine pour quelle vieillesse ?» Un jury de personnalités (le président de la Mutualité, une aide-soignante, un gériatre, un philosophe, une ancienne directrice des hôpitaux de Paris, une usagère) les a tous suivis : à charge pour lui d’émettre des recommandations, rendues publiques aujourd’hui (1).
Envie forte. Personnalité historique de la gériatrie, Geneviève Laroque, a trouvé les mots justes : «On a le sentiment que les vieux sont vus comme des membres d’une tribu exotique. Alors que nous, les vieux, nous avons le sentiment de ne pas avoir changé, et d’être toujours ce que nous sommes.» «La vieillesse a de multiples visages, insiste Véronique Fournier, directrice du Centre d’éthique clinique. Mais c’est d’abord une perception subjective. On ne se sent pas vieux tant que l’on ne souffre pas de vieillesse.»
Comme l’a montré l’enquête sur les «directives anticipées» (Libérationdu 11 octobre 2011), la majorité des personnes très âgées montre une envie forte : celle de vivre. Très rares sont ceux qui anticipent leur mort et, par exemple, écrivent ces «directives» qui expriment leurs souhaits quant à leur fin de vie, en cas de perte d’autonomie.
Deuxième constat : les vieux parlent peu. Etre vieux, c’est aussi faire un pas de côté. «La vieillesse se définit aussi par un peu plus de repli sur soi», note le professeur Olivier Saint-Jean. Comment éviter de parler à leur place ? Troisième idée fausse : beaucoup d’experts s’inquiètent d’une médicalisation trop forte. «Or, les personnes, même très âgées, sont plutôt demandeuses de médecine», affirme le professeur Olivier Saint-Jean.
Fragile. Enfin, le coût de la vieillesse. Ces derniers mois, un leitmotiv s’est installé : on va vers une implosion des comptes sociaux, en raison du vieillissement. Il n’en est rien. «Les coûts de santé induits par le vieillissement ne sont pas si lourds», a expliqué l’économiste Jean de Kervasdoué. Et ce rappel : «Les solidarités individuelles et familiales font beaucoup plus qu’on ne le pense.» Au gré des débats, un monde de la grande vieillesse est apparu, nuancé et fragile. Avec, en face, une société réticente à le saisir.
(1) Hôtel de ville de Paris, à 19 heures.