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Articles, témoignages, infos sur la psychiatrie, la psychanalyse, la clinique, etc.

dimanche 3 avril 2011

Déstigmatiser la maladie mentale.

En-date du 27 Mars, une chronique de Monde.fr s'attache à donner la parole à la folie. Là est sans-doute manière efficace de déstigmatiser la maladie mentale.

Chronique d'abonnés. Vous pouvez la conserver en document si utile.
texte                    

Psychanalyse de la folie.
par th fd B., 'écrivain occasionnel
27.03.11 STRUCTURATION de la Folie.


"La folie n'est pas linéaire ; ça m'est venu comme une évidence récemment.
Non pas à force de la contempler, mais d'y réfléchir encore et toujours, depuis des ans. À force d'en avoir été malade - de la folie - et d'avoir accepté le peu de choix de m'en ab-straire... et dans la psychanalyse, où le point important fut de l'objectiver en tant que sorte de nécessité partielle.

Qu'est-ce que veut dire qu'elle n'est pas linéaire ? ... Cette évidence-là vient, je crois, de son développement si ce n'est sa logique interne, plus que de son aspect de renoncements alternés à des brisures, en son évolution.
Cette folie à plus d'un titre a la logique des éruptions volcaniques aux chambres à magma insondables... Parce qu'il y eu et qu'il reste à être la Forclusion, indispensable mécanisme de résurgence vitale à une avalanche de Dénis. Alors : (c'est à dire) dans l'enfance, un attentat, une guerre. Le traumatisme si se dit se dénoue parfois, comme dans la thérapie d'enfant. La torsion qui perdure s'oublie dans le forclos. Et ressurgit apparentée dans les Mythes des croyances adultes des grands pans de délires.

L'imprégnation psychotique eut lieu dans une cellule familiale muette d'une névrose affolante. Ce repli en l'imaginaire n'est pas une fuite, mais une Construction : tout simplement parce qu'il est des âges où particulièrement l'on se construit. Construction dans les champs du Langage : relier l'objet au désignant, articuler les nœuds d'espaces symboliques... et c'est là une fort belle affaire qui tient du miracle. Appelons cela le miracle de cette psychose, qu'elle permette une exogénèse (comme le crustacé a un exosquelette) au milieu d'origine. Attention, les valeurs familiales sont nombreuses et fortes, mauvaises bancales ou meilleures ou bien meilleures.
Alors s'explique dans les âges où l'on structure bien moins les choses à s'approprier comme (on le fit) petit les termes... les âges d'adulte, s'explique la survenue de l'impasse dans les méandres d'une succédante à la Névrose familiale, des impasses dirions-nous, avec toutes ces petites torsions qu'assène une névrose. Sans que l'on sache pourquoi alors ainsi un jour le sujet avance sa quête propre du parfait en poussant le mur de la névrose... comme il le fit bien auparavant. Mais là c'est énorme et ça envahit à le submerger : première crise de folie.
Souhaitons-lui de parvenir au plus tôt et durablement à gérer un soin médical indispensable, mais qui tend dans l'erreur à revendiquer des valeurs de contrainte.

Voilà de cette Historique, explicatif.

Reste à préciser que pour le commun
s'inversent les termes de psychose et folie, ou leur poids, la première étant pourtant bien plus fiable comme émergence de l'Analyse (la psychanalyse) et enfoncée profondément dans le langage. C'est peut-être dans le miracle de la psychose, qui arrache à la folie, qu'est la main de Dieu (ou de l'analyste) sur votre épaule à « aider d'aller ».

Restait à revenir sur la non-linéarité de la folie : car il s'agit en trois dimensions d'un parcours de nébuleuses de Langage qui se déforment s'entrecroisent s'inversent s'estompent ou se renforcent... et

JUSQU'A DIRE LE SYMBOLIQUE : ÊTRE."
source LeMonde.fr
Psychiatrie - Interview de Bernard Bruant, CGT Sainte-Anne : « la résistance s’organise »
01-04-2011

Les attaques contre la santé publique se poursuivent. Le gouvernement a récemment annoncé une réforme du secteur de la psychiatrie. D’après la CGT, elle « ne vise qu’à privilégier la rentabilité financière au détriment de la qualité des soins ». Le texte gouvernemental prévoit de créer une « communauté hospitalière de territoire parisien pour la psychiatrie », afin de regrouper des services et supprimer des postes.

Entretien avec Bernard Bruant, infirmier de secteur psychiatrique et secrétaire de la CGT à l’hôpital Sainte-Anne.


En quoi consiste la « communauté hospitalière de territoire parisien pour la psychiatrie » ?


Bernard Bruant :
Une « convention constitutive » décrit la mise en place de cette communauté hospitalière. C’est un prolongement de la loi Patient-Santé-Territoire (dite loi Bachelot) signée il y a environ un an. La loi Bachelot a été fortement contestée par les syndicats et les partis de gauche, à l’époque. Cette convention n’est que la déclinaison de cette loi dans le secteur de la psychiatrie.


Cette « communauté hospitalière », à Paris, est constituée de trois grands hôpitaux psychiatriques (Sainte-Anne, Maison Blanche et Perray-Vauclus), de l’hôpital d’Esquirol et de l’association ASM13. L’objectif est de regrouper les services pour faire des économies, sans tenir compte de la réalité du travail.


Par exemple, le service des tutelles de Sainte-Anne, qui s’occupe au quotidien de gérer l’argent des patients, va être transféré à Belleville pour être regroupé avec celui de Maison Blanche. Avant, à Sainte-Anne, une quinzaine d’employés s’occupaient de 5 à 600 patients. Il y avait un vrai lien entre le patient et son tuteur. Maintenant, ils vont avoir à faire à des gestionnaires qui ne les connaitront pas. En conséquence, beaucoup de nos patients y renonceront.


Quel est l’objectif de cette réforme ?


Bernard Bruant :
Clairement, il s’agit de faire des économies en supprimant du personnel. Ils ont déjà commencé. En deux ans, ils ont regroupé 32 centres hospitaliers en 8 groupes avec, évidemment, la fermeture de certains sites. Il n’y a plus d’embauche dans les hôpitaux sous le statut de la fonction publique. Il y a de moins en moins de personnel ouvrier, du fait du non-renouvellement des départs à la retraite. Le but avoué est la suppression de 4000 postes en deux ans. Après l’Assistance Publique, ils s’attaquent aux hôpitaux psychiatriques.


L’article 4 de la convention affirme qu’il n’y aura pas de suppression de personnels. Mais l’article 14 précise que, lorsque les médecins auront présenté un projet médical commun, les établissements « s’engagent à modifier la convention initiale » et « envisager des délégations ou transferts d’activité ». Ils pourront donc supprimer du personnel sans problème, au moyen d’avenants à la convention !


Quel sera l’impact de ces mesures ?


Bernard Bruant :
Les conditions de travail – mais surtout, ce qui va de pair, la qualité des soins – risquent de se dégrader. Nous sommes déjà dans une logique de gestion. Aujourd’hui, on passe autant de temps avec les malades que sur des ordinateurs, pour acter ce qu’on vient de faire. En psychiatrie, notre référence, c’est le temps, l’écoute, la présence... Tout ça ne rentre pas dans les logiciels ! On nous demande de plus en plus avec de moins en moins de personnel. Tous les salariés ont fait beaucoup d’efforts, pendant des années. Mais ils n’en peuvent plus.


Dernièrement, sous prétexte de reconnaître, enfin, nos 3 ans d’études après le Bac, les infirmiers viennent de perdre 7 ans de retraite ! Et les salaires sont trop bas. Sur Paris, de nombreux infirmiers sont obligés de cumuler deux emplois.


A force de tout regrouper, ils surchargent les services. Avant, dans les Centres Médico-psychologique (CMP), les consultations duraient 20 minutes. Aujourd’hui, ils enchaînent parfois 15 consultations en une heure. Il y a des CMP où 15 infirmiers s’occupent de 2 à 3000 patients ! Le rythme des visites à domicile est passé de une toutes les deux semaines à une tous les deux à trois mois.


Il faut comprendre la particularité de la psychiatrie française. L’idée de la psychiatrie de secteur, qui régit les soins psychiatriques depuis 1960, était de mettre en place une continuité dans le soin autour d’un maillage géographique. Il s’agit d’un travail continu de prévention, de soin et de suivi, à travers les hôpitaux et tout un réseau de petites structures locales. Les dernières réformes détruisent 50 ans de travail !


Aujourd’hui, le temps d’hospitalisation a beaucoup diminué. Les patients qui ont des pathologies lourdes sont de moins en moins pris en charge, à Paris. Ils sont envoyés en province ou en Belgique. L’hôpital devient un centre de gestion de crise où les patients restent au maximum deux ou trois semaines.


Les syndicats ont-ils été consultés ?


Bernard Bruant :
Non. Les textes nous ont été présentés en janvier, lors des conseils de surveillance de chaque établissement. Il n’y a eu aucun groupe de travail, aucun vote... Lors des conseils, on avait juste le droit « d’émettre des vœux » ! Le paradoxe est que les présidents des conseils de surveillance qui ont voté ce texte sont des élus socialistes qui s’étaient opposés à la loi Bachelot. Le seul qui a voté contre est le PCF Jean Vuillermoz, ce qui lui a valu d’être convoqué par Bertrand Delanoë ! Ils sont passés en force, en deux mois.


Quelle a été la réaction des médecins ?


Bernard Bruant :
Les médecins réagissent peu, pour le moment. Mais certains commencent à exprimer leurs craintes. Par exemple, le sous-directeur de Sainte-Anne a démissionné. Ceci dit, depuis la loi Bachelot, les directeurs des hôpitaux sont nommés par l’Agence Régionale de Santé, et ces directeurs nomment les chefs de service et/ou de pôle. Donc, si les médecins espèrent diriger un service, il leur est difficile de contredire la direction.


Les syndicats sont-ils soutenus ?


Bernard Bruant :
C’est de plus en plus dur, pour les syndicats. Avec la souffrance au travail, on se transforme en assistants sociaux ! Et comme les gens sont à bout, ils ont du mal à s’engager dans la lutte avec nous. Dès qu’on lance une grève, la direction réquisitionne en masse. Ils essayent également de nous mettre « hors jeu » avec la création d’un ordre infirmier. Mais pour le moment, il est boycotté par 80 % du personnel. Et la résistance s’organise, car les attaques d’aujourd’hui sont trop graves.

*
Mobilisation, le samedi 2 avril : journée nationale d’action "Notre santé est en danger".

Cotisation à l'ordre infirmier, Nora Berra évoque le principe d'une adhésion facultative

30.03.11

Répondant mercredi après-midi à une question concernant l'ordre des infirmiers, posée par Etienne Blanc, député UMP de l’Ain, Nora Berra, secrétaire d’État chargée de la Santé, a tout d'abord considéré que le maintien pour les infirmiers libéraux d'une cotisation annuelle à 75 euros était trop élevé. "Ce n'est pas la cotisation symbolique demandée en 2006", a-t-elle déclaré. Elle a aussi estimé que cet ordre n'avait pas réussi à convaincre les infirmiers de son utilité et, malgré les efforts continus de concertation, n'était pas parvenu à susciter l'inscription du plus grand nombre. Concernant la diminution de la cotisation des infirmiers salariés à 30 euros, elle a qualifié cette avancée de "partielle, peu étayée et surtout tardive". Un peu comme un ultimatum, elle a ensuite ajouté que si l'ordre ne parvenait pas à convaincre la majorité des infirmiers, "il nous faudra envisager le principe d'une adhésion facultative pour tous les infirmiers".
L.W.


Ordre national des infirmiers, Le conseil départemental de Paris demande la démission du bureau national

01.04.11
Le Conseil départemental de l'ordre des infirmiers (CDOI) de Paris épingle dans un communiqué les choix de gestion du bureau national de l'instance ordinale des infirmiers. "Beaucoup de problèmes sont le résultat de décisions inadaptées du bureau national, qui n'a pas su être à l'écoute des infirmières de terrain, des élus départementaux et qui a refusé la main tendue des parlementaires lors de la médiation de juin 2010", écrit le CDOI parisien. Il demande donc "la démission du bureau national, responsable de cette gestion qui met en péril la pérennité de l'ordre". Le CDOI dénonce "les dépenses excessives, envisagées sur un calcul erroné de rentrées de cotisation".

Il estime que les problèmes de gestion du bureau national occulte le travail et les actions réalisées par les conseils départementaux et régionaux en direction des professionnels. "Pour que les infirmières se reconnaissent dans leur ordre, il est indispensable de lui donner un souffle nouveau, un élan qui ne peut être porté que par une équipe nationale renouvelée", indique-t-il.
De leurs côtés, les syndicats qui se sont toujours positionnés contre l'ordre des infirmiers poursuivent leurs appels au boycott et fustigent certains employeurs qui feraient pression sur les infirmiers pour qu'ils s'inscrivent au tableau de l'ONI. La fédération des personnels des services publics et des services de santé FO déclare dans un communiqué que rien légalement n'oblige les infirmiers à s'inscrire. Et la fédération CFTC santé sociaux ajoute de son côté dans un communiqué que la baisse de la cotisation à 30 euros pour les salariés ne règlera pas les difficultés financières de l'ordre.
L.W.

31 mars 2011
 Depuis bientôt 10 ans, c’est devenu un rituel : une à deux fois par an, un représentant du gouvernement (souvent proche de Nicolas Sarkozy) annonce un nouveau dispositif de lutte contre le décrochage scolaire. Il y a quelques semaines, c’était la suspension des allocations familiales (texte proposé et défendu par Eric Ciotti) qui était réinstaurée (après avoir été abrogée à la demande… de Nicolas Sarkozy en 2004). Ce lundi 28 mars, c’est la Secrétaire d’Etat à la jeunesse et à la vie associative, Jeannette Bougrab, qui montait au créneau sur la thématique, en annonçant un énième dispositif, lequel devrait être considéré comme une réponse aux affrontements entre jeunes survenus ces dernières semaines à Asnières et Gennevilliers (92).

Compte tenu des résultats peu significatifs, voire contre productifs, des précédents dispositifs (références en fin d’article), il est plus que douteux qu’il faille espérer des améliorations à l’avenir. Cette annonce mérite en revanche que l’on s’y attarde un instant car elle est emblématique de la construction politico-médiatique de la question du décrochage scolaire depuis 10 ans. Suivons ainsi la dépêche AFP qui a été reprise par presque tous les médias et par de très nombreux sites Internet.

L’évidence supposée du lien entre décrochage et délinquance

Le plus étonnant pour les professionnels de l’éducation comme pour les chercheurs est bien cette association systématique entre d’une part les questions d’absentéisme scolaire, de décrochage ou de déscolarisation et d’autre part les questions d’ordre public, de sécurité ou de délinquance. En effet, toutes les recherches empiriques attestent que ce lien décrochage/délinquance n’a rien de mécanique. Mais rien n’y fait. Les titres annonçant la mesure de cette semaine sont sans équivoque : « Violences à Asnières : un dispositif pour décrocheurs scolaires », titraient aussi bien Le Monde que Libération. Les articles de presse (par exemple Le Point) ont même parfois été illustrés par une photo montrant des CRS en tenue de combat !

Rappelons en quelques mots ce que montrent pourtant les recherches : le décrochage est le produit d’un long processus toujours collectif, impliquant autant l’élève et sa famille que l’institution scolaire elle-même. Il se noue dans et autour de l’école, le plus souvent en lien avec des difficultés dans les apprentissages, lesquelles se forgent durant les premières expériences scolaires et s’accentuent au collège, à travers des verdicts scolaires négatifs, des exclusions répétées, des situations familiales marquées par la précarité économique et des horaires de travail des parents décalés, le renforcement parallèle d’une inscription des jeunes dans une socialisation de quartier en partie contradictoire avec les exigences scolaires. Mais cette inscription dans la socialisation du quartier ne rime pas pour autant automatiquement avec délinquance et ne concerne pas uniquement les quartiers dits sensibles des grandes agglomérations. Ce repli sur la socialisation extrascolaire est avant tout synonyme de recherche d’une façon d’exister socialement malgré l’échec scolaire, de retrouver une image de soi et une valeur personnelle autre que celle du « cancre », du « nul » ou du « raté ». Est-ce si difficile à comprendre ? Pourtant, rien n’y fait.

Les gentils et les méchants décrocheurs

La dépêche AFP précise que la « cible principale de cet accompagnement » sont « les jeunes qui “tiennent les murs” et qui ne tombent pas dans ces situations par de désir ou par envie (…) l’Etat ne laissera pas tomber ceux qui sont en difficulté mais qui ne causent aucun trouble à l’ordre public, a affirmé Jeannette Bougrab ». Le terme de « cible » utilisé dans cette déclaration est déjà un peu suggestif. Mais alors que dire de celui employé à un autre endroit dans la dépêche : « ce dispositif sera mené au laser » ? Traiter les décrocheurs au laser est clairement plus subtil que de les passer au karcher. Mais n’est-ce pas un peu la même logique… ? Cette volonté de distinguer les bons et les mauvais décrocheurs ne fait que réactualiser un manichéisme qui fut très présent dans les commentaires des émeutes de 2005, à travers la partition entre la « racaille » et les « vrais jeunes ». Suivant le raisonnement proposé aujourd’hui, deux profils de décrocheurs pourraient être identifiés selon la même logique : d’un côté, ceux qui sont en difficulté mais ne sont pas dangereux, plutôt des victimes, potentiellement méritants, bref les gentils qu’on veut aider, et de l’autre côté les décrocheurs délinquants, ceux qui ont « choisi cette situation par désir ou par envie », les mauvais garçons, les irrécupérables, bref les méchants, qui ne méritent pas un quelconque accompagnement.

Ces présupposés manichéens et surannés pourraient faire sourire s’ils ne déterminaient pas des politiques publiques et des représentations aux effets bien concrets. Outre la violence symbolique qu’ils infligent aux jeunes supposés « moins méritants » que les autres, ces préjugés ne peuvent qu’accentuer les antagonismes, les ressentiments et l’esprit de concurrence déjà bien ancrés dans notre société contemporaine et jusque dans nos écoles censées assurer « l’égalité républicaine ».
par Étienne DOUAT et Laurent MUCCHIELLI

Pour aller plus loin :
M. Esterle-Hedibel, « Absentéisme, déscolarisation, décrochage scolaire, les apports des recherches récentes » (Déviance et Société, 2006).
E. Douat, L’école buissonnière (éditions La Dispute, 2011).

Défaillances du suivi des délinquants sexuels : le diagnostic des inspections générales

Tandis que le gouvernement souhaite renforcer le suivi des délinquants sexuels, un rapport des Inspections générales des Affaires sociales (IGAS) et des Services judiciaires (IGSJ) pointe les dysfonctionnements d’un dispositif d’injonction de soins, confronté à un sérieux manque de moyen et d’organisation.
FRÉQUEMMENT critiqué à la suite de faits-divers dramatiques, le dispositif médico-légal d’injonction de soins et de suivi des délinquants sexuels reste aujourd’hui mal connu, faute de statistiques suffisantes. Une mission menée conjointement par l’inspection générale des Affaires sociales (IGAS) et son homologue des Services judiciaires (IGSJ) chiffre à environ 3 800 le nombre d’injonctions de soins en cours d’exécution en France. Selon un recensement effectué par la mission auprès des tribunaux de grande instance (TGI), 10 % d’entre elles concernent des infractions autres que sexuelles.

Rappelant que la prise en charge des délinquants sexuels débute en détention, la mission note qu’un tiers des auteurs de violence sexuelle est accueilli dans l’un des 22 établissements pénitentiaires spécialement conçus pour proposer des soins adaptés à ce type de personne. De plus, « si les équipes soignantes de ces établissements ont été renforcées, cette augmentation masque de notables disparités », relève le rapport. « On sait que la récidive intervient souvent dans les mois qui suivent la sortie de prison et il est donc crucial que le suivi socio-judiciaire et l’injonction de soins soient effectifs dans les jours qui suivent, ce qui n’est pas toujours le cas », considère la mission, qui met en cause un manque de coordination récurrent entre les différents acteurs du dispositif (juge de l’application des peines, agent de probation, médecins coordonnateur et traitant).

S’agissant des médecins coordonnateurs – essentiellement psychiatres –, le rapport met en exergue leur inégale répartition sur le territoire. Si, globalement, le nombre de ces professionnels (220) apparaît suffisant au regard des 3 800 personnes à suivre, 16 départements et 32 tribunaux de grande instance en sont totalement dépourvus.

En matière de structures de prise en charge, l’accès aux centres médico-psychologiques (CMP) pour les auteurs de violence sexuelle « n’est pas toujours facile », note le rapport. Quant aux centres de ressources régionaux pour la prise en charge des auteurs de violence sexuelle (CRAVS), ils sont loin d’avoir tous lancé « une politique dynamique d’appui aux médecins coordonnateurs ».

61 recommandations.

Afin d’améliorer l’opérabilité du système de suivi socio-judiciaire et d’injonction de soins des délinquants sexuels et/ou violents, la mission IGAS-IGSJ propose aux ministères de la Santé et de la Justice pas moins de 61 mesures. Parmi lesquelles le recrutement de 100 coordonnateurs supplémentaires, la suppression du plafonnement du nombre de cas suivi par le médecin coordonnateur (actuellement limité à 20) et la possibilité de désigner, dans cette fonction, « un médecin ayant expertisé le condamné au cours de la procédure judiciaire ». L’élaboration de protocoles permettrait par ailleurs de clarifier les rôles entre médecin coordonnateur, juge, agent de probation et praticien traitant. La mission appelle aussi à développer les outils statistiques autour de ce dispositif, pour « adapter les moyens nécessaires à la mise en œuvre de l’injonction de soins ».
DAVID BILHAUT

Jacques Boisumeau a écrit un roman sur le milieu psychiatrique - Saint-Christophe-du-Bois

mardi 29 mars 2011
Jacques Boisumeau.

Jacques Boisumeau habite Saint-Christophe-du-Bois depuis 1981. Il est connu pour avoir écrit et joué pour des associations locales. Il a adapté et interprété une pièce de Feydeau avec le Théâtre de la Doue. Il a également écrit les dialogues d'une comédie musicale qu'il a jouée avec la troupe Cré-Scène-Do.

Après une carrière d'infirmier, il a éprouvé le besoin de faire connaître le milieu psychiatrique où il a exercé pendant 34 ans. « Dans mon métier, j'ai toujours essayé de faire partager mon expérience. Arrivé à la retraite, je souhaite transmettre ce vécu ».

Pour ce faire, il met en scène des personnages imaginaires dans une histoire librement inspirée de son propre vécu de soignant qui aura pour titre Double Appel. Il a choisi un mode qui puisse intéresser un large public : « J'espère que mes lecteurs prendront autant de plaisir que j'en ai éprouvé à écrire cette histoire à la fois romancée, policière, tout en étant divertissante ».

Tout au long de sa démarche, Jacques a toujours eu le soin de valoriser le travail réalisé dans le milieu de la psychiatrie : « En livrant ma perception de la détresse humaine, je veux contribuer à sensibiliser à la souffrance morale et souligner l'indispensable permanence de l'attention soignante portée à la personne ».

Ceux qui veulent rencontrer Jacques Boisumeau pourront le voir à l'occasion du Grand Défi du dimanche 3 avril, à la salle des fêtes. La sortie de son livre Double Appel (Éditions Hérault de Maulévrier), est fixée au vendredi 20 mai à partir de 18 h 30 à la bibliothèque Attir'lire (près de la mairie). Contact : 02 41 56 92 46.

Un bouclier social pour les sans-abri

Jeudi 31 mars, l'hiver est considéré comme terminé. Les sans-abri peuvent retourner à la rue !

Dès le 1er avril à Paris, 600 personnes actuellement hébergées dans le cadre du plan hiver seront mises dehors. D'autres centres fermeront dans les jours suivants, et on atteindra plus de 1 000 personnes rendues à l'errance à Paris. Dans le Val-de-Marne, ils seront plus de 800 dans la même situation et près de 1 000 en Seine-Saint-Denis. Au total, ce seront près de 3 000 personnes qui n'auront plus de lieu couvert où dormir dans les prochains jours dans l'agglomération parisienne. C'est un drame. Et nous sommes tous concernés.

Ce n'est pas le froid qui tue les sans-abri. Le Collectif Les Morts de la rue, qui recense chaque année le nombre et l'âge des sans-abri qui meurent en France, le montre bien : on disparaît tout autant l'été que l'hiver, au printemps qu'en automne.

C'est l'usure qui tue ! Usure due à l'incertitude permanente : où vais-je m'installer, cet endroit est-il sûr, est-ce que je risque d'être attaqué, comment vais-je manger demain, tout à l'heure, y aura-t-il une association qui me donnera un repas, devrai-je le trouver dans une poubelle, comment réussir à réunir les documents qu'il me faut alors que je n'ai plus de papiers d'identité depuis longtemps ?... Usure de devoir une fois encore expliquer avec de pauvres mots pourquoi on ne trouve pas de travail dans un pays où tant de gens qualifiés et bien intégrés ont du mal à retrouver un emploi. Usure liée à la solitude et aux ruptures affectives en tous sens, avec la tentation des addictions... L'hébergement n'est pas une garantie de réinsertion, mais c'est un premier pas. Imaginez cette quête incessante pour réaliser les opérations les plus simples de la vie : se laver, dormir, manger, aller aux toilettes...

En dehors même du plan hivernal, rien que ces huit derniers mois, l'Association Emmaüs a été contrainte, faute de financements, de fermer trois centres d'hébergement "pérennes" et de remettre dans la rue plus de 150 personnes. Nous retrouvons donc dans les rues les personnes que nous hébergions dans nos centres et que nous ne pouvons plus abriter. Dans quelques jours, nous aurons sous les yeux la misère la plus crue que nous aurons refusé de secourir. Nous ne pouvons pas accepter cette solidarité réduite au plan hiver.

Au même moment vient d'être votée une loi qui oblige les personnes sans papiers à payer 30 euros pour bénéficier de l'aide médicale d'Etat. Or, même si cette somme est pour beaucoup de gens acceptable, nous savons qu'un certain nombre de personnes sans papiers ne pourront pas la payer. Un rapport de l'administration démontre que c'est une fausse bonne idée, les personnes qui ne se soigneront pas verront leur santé se dégrader et elles seront prises en charge un jour dans un état sanitaire très dégradé qui occasionnera des dépenses bien plus importantes. Nous propose-t-on de les laisser mourir sans être soignées, pour faire des économies ?

On nous annonce également que le budget des associations qui hébergent les sans-abri est réduit de 3 % environ en 2011 et que la même réduction s'appliquera les années suivantes. Nous ne pourrons pas, dans ces conditions, maintenir le nombre de places actuel. Ce n'est plus seulement la sortie du plan hiver qui est en cause, c'est le coeur de notre mission permanente. On peut nous demander de faire des économies, c'est notre rôle d'améliorer notre service aux personnes accueillies et hébergées au meilleur coût pour la collectivité. On ne peut pas nous demander de diminuer nos ressources tout en augmentant en permanence le niveau d'exigence de l'Etat.

Au nom du "logement d'abord", on nous dit qu'il ne faut plus augmenter le nombre de places d'hébergement. Mais en région parisienne, quand prévoit-on un nombre de logements sociaux suffisant pour accueillir les 30 % de personnes hébergées prêtes à entrer dans un logement HLM ? Et dans l'attente de cette date hypothétique, comment fait-on pour abriter les personnes dépourvues de toit ?

Au nom des difficultés budgétaires, on nous dit que la réduction du budget social est inévitable. Nous demandons que la réforme fiscale en préparation se construise sur des objectifs de justice sociale et de redistribution assurant à toute personne la possibilité de vivre sur notre territoire dans la dignité. En particulier, nous demandons que soit supprimé tout avantage fiscal au logement locatif privé sans contrepartie sociale et, plus généralement, toute aide à l'accession à la propriété sans plafond de ressources, afin que les moyens ainsi dégagés soient reconvertis vers le logement social, l'hébergement et l'action en direction des plus défavorisés.

L'Association Emmaüs demande instamment à l'Etat de respecter la loi française et les directives européennes, c'est-à-dire d'assurer les besoins élémentaires (toit, nourriture, santé...) de toute personne vivant sur son territoire, quelle que soit sa situation administrative. L'Etat est en faute lorsqu'il contraint les associations à remettre les personnes à la rue sans solution. Il ne respecte pas la loi de mars 2009 qui pose le droit des personnes accueillies dans un centre d'hébergement d'urgence de s'y maintenir tant qu'une autre solution d'hébergement ne leur a pas été proposée, il ne respecte pas la loi DALO qui instaure un droit au logement opposable.

Emmaüs demande instamment à l'Etat de garantir aux associations, sur la base de l'année 2010 et pour plusieurs années, des budgets de fonctionnement et de modernisation qui leur permettent de s'adapter aux exigences nouvelles de l'administration, aux changements de leurs missions et à l'évolution de leurs publics.

Depuis plusieurs mois, en son nom ou au sein du Collectif des associations unies pour une nouvelle politique publique du logement, qui regroupe trente et une associations, Emmaüs en appelle au président de la République, qui s'était engagé en 2007 à ce qu'il n'y ait plus personne à la rue. Après avoir voté un "droit au logement opposable", voter un "bouclier social pour les sans-abri".

Nicolas Clément et Claude Chaudières, respectivement directeur général et vice-président d'Emmaüs
  Le travail, c’est pas la santé

Tribune

Les enjeux de 2012 par La Fondation Copernic


Par ERIC BEYNEL secrétaire national de l'Union syndicale Solidaires, MARTINE BILLARD député, coprésidente du Parti de Gauche, ALAIN CARRE vice-président du SMTIEG-CGT, ODILE CHAPUIS médecin du travail, YUSUF GHANTY médecin du travail, SANDRA DEMARCQ comité exécutif du NPA, GERARD FILOCHE inspecteur du travail, DOMINIQUE HUEZ président de l'association Santé et Médecine du Travail, WILLY PELLETIER coordinateur général de la Fondation Copernic

Certains raillent ce gouvernement ou sa majorité parlementaire. Il vaut mieux prendre la mesure de son action, d’une constance inouïe. Au détriment des salariés, mais d’abord des ouvriers et des employés. Le démantèlement de la médecine du travail s’inscrit dans ce programme, prophétiquement annoncé par l’ex-vice-président du Medef, Denis Kessler, en octobre 2007, dans Challenges : «Il s’agit aujourd’hui de sortir de 1945, et de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance.» Alors ce gouvernement casse. Jusqu’à l’absurde. Jusqu’à retarder l’accès à la retraite quand deux salariés du privé sur trois ne sont plus au travail avant 60 ans !


Jusqu’à l’absurde. Avant 2010, nous pensions que les accidentés du travail étaient des victimes. Les victimes d’une guerre économique innommée qui prend l’intérieur des entreprises pour théâtre des opérations. Des victimes de masse : 720 150 accidents avec arrêt par an, 46 436 incapacités permanentes, 700 morts, 4 500 mutilés. Des victimes mal indemnisées qui perçoivent 80% puis 60% d’un salaire faible, lié aux métiers d’exécution qu’ils accomplissent. Nous avions tort. Les accidentés du travail étaient des privilégiés. Les députés UMP ont légiféré et soumis à impôt leurs indemnités jusqu’alors épargnées. Gain : 150 millions d’euros. Quand en 2009, 464 dispositifs d’optimisation fiscale ont donné 70 milliards d’euros aux contribuables les plus riches. Sans compter le bouclier fiscal, les baisses de l’impôt sur la fortune et sur les droits de succession, le prélèvement forfaitaire libératoire sur les dividendes… Sur un chantier, Christian a eu le bras broyé. Michel s’est fait amputer de deux doigts par sa machine. Sarah ne peut tenir les objectifs assignés, elle est en dépression. Fiscalement, c’étaient des privilégiés !


Le travail - l’intensification du travail, le new management -, ce n’est pas la santé. Depuis 1995, les maladies professionnelles ont doublé. Les troubles musculo-squelettiques, les cancers professionnels explosent. Avec la multiplication des postes intenables, les dommages psychologiques ruinent toujours plus de vies (et de familles). Les conditions de travail se dégradent à mesure que s’avive la course aux bénéfices, qui génère en cascade une sous-traitance à bas prix. Résultat : en 2010, les firmes du CAC 40 dégagent 82,5 milliards d’euros de profits (85% de plus qu’en 2009). La «crise du travail» n’a pas les mêmes effets pour tous. On dénombre 35 000 maladies professionnelles par an, 10% des cancers sont liés au travail, près de 400 suicides. Mais en 2002, un rapport officiel jugeait les maladies professionnelles sous-évaluées de 70%. Ce sont des chiffres ? Non, ce sont des vies. Des vies de douleurs, d’angoisses, recluses souvent. Des vies où se soigner devient mission impossible. Des vies où «joindre les deux bouts» c’est «rogner sur tout». La France est championne d’Europe (eu égard aux pays fondateurs) des inégalités de santé au travail. Un ouvrier non qualifié a trois fois plus de risque de mourir d’un cancer, d’une maladie cardiovasculaire ou de mort violente qu’un cadre supérieur. Un tiers des maladies touchant les ouvriers sont liées à leur métier contre 10% chez les cadres.


S’imposait d’accroître le nombre, les marges d’action, l’indépendance des médecins du travail et des inspecteurs du travail. Mais depuis plus de vingt ans est organisée la pénurie des médecins du travail. Ils sont 6 500 pour «gérer» 16,5 millions de salariés du privé. Avec 600 postes vacants. En 2009, un médecin du travail sur deux avait plus de 55 ans. D’ici cinq ans, plus de 4 000 seront en retraite ; près de 5 600 dans dix ans. Un médecin du travail dans un service interentreprise suit en moyenne 3 050 salariés ! Dans cinq ans, 70% de ces services dépasseront 3 300 salariés par médecin. Une charge de travail qui espace les visites «normales» au minimum tous les trois ans et qui rend impossible la surveillance médicale personnalisée. Alors que l’actualité apprend que dans des organisations du travail en perpétuelles restructurations (à France Télécom, Renault, La Poste, EDF, Gaz de France, dans la grande distribution, etc.), seules des visites fort rapprochées aident à dépister et alerter, sur les effets pathogènes des mobilités forcées ; des harcèlements liés aux contrôles accrus ; des postes différents à intégrer, parfois empilés (tenir la caisse, ranger la réserve, gérer les stocks, servir et conseiller les clients, dans les commerces de grande distribution, notamment). Cette année, 500 médecins du travail partent à la retraite, seulement 100 postes sont ouverts à l’internat. La proposition de loi n° 106 sur la médecine du travail adoptée par la majorité sénatoriale, le 27 janvier, ne préconise pas de relever le numerus clausus réservé à la spécialité en faculté. Elle reprend le «cavalier parlementaire» sur la médecine du travail introduite par les députés UMP dans la loi sur les retraites et jugé irrecevable par le Conseil constitutionnel.


Ce texte va transformer la médecine du travail en médecine d’entreprise au service des employeurs.


Il met en place un Service de santé au travail interentreprise (SSTIE) administré paritairement, qui fixera à tous les intervenants de santé, donc aux médecins (à l’indépendance par là réduite), des «contrats d’objectifs». Mais quelles seront les marges de définition des «contrats d’objectifs» pour un président de SSTIE, même d’origine syndicale, contraint d’appliquer la politique définie par l’assemblée générale des employeurs adhérents au SSTIE, et dans la limite de l’enveloppe budgétaire déterminée par cette assemblée ? Car selon les articles L.4622-1 et L.4622-5 de la loi, non modifiés par le Sénat, ce sont toujours les employeurs et eux seuls, qui sont chargés d’organiser les Services de Santé au Travail. Ils se regroupent en associations et créent des Services interentreprises de santé au travail (SIST), dont les employeurs adhérents et non leurs salariés, fixent l’objet et les moyens. Il en existe près de 300, chargés du suivi de 93% des salariés du privé. La santé au travail est donc confiée à des associations d’employeurs dont l’assemblée générale est la vraie instance décisionnelle. Comme l’indiquait la rapporteure de la proposition de loi au Sénat : «celui qui paie décide». Les employeurs deviennent juges et parties de la santé au travail. Autant demander à un automobiliste de se flasher lui-même en excès de vitesse. Les employeurs sont ceux qui créent les risques au travail, ils doivent le payer, mais sans contrôler ni décider des modalités de sa prévention et de sa réparation.


Hier, dans les SSTIE, concernant le suivi de 14 millions de salariés en PME-PMI, les médecins étaient moins liés aux employeurs que dans les grandes entreprises. Ils fournissaient plus aisément aux salariés des justificatifs et certificats d’incapacité de travail, d’accident et de maladie professionnelle, permettant des recours. Autant l’avouer : c’est précisément ce que la loi veut restreindre en ouvrant davantage le secteur au privé comme en Belgique.


Les employeurs deviennent juges et parties de la santé au travail mais le Sénat leur donne moyen de se déresponsabiliser. Selon l’article L.4644, ils pourront choisir des «salariés compétents» (après quelle fast formation?) pour s’occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels dans l’entreprise. Qui portera le chapeau en cas de drames ? Qui est responsable d’une organisation du travail non pathogène : l’employeur ou ses salariés ?


La proposition de loi, sous couvert de pluridisciplinarité, multiplie d’autre part les «intervenants en prévention des risques de santé» (infirmiers, internes, ergonomes, toxicologues). Mais quelles seront leurs libertés d’intervention pour se prononcer sur les risques et nuisances du travail sans disposer (à l’inverse des médecins du travail) d’un statut de salarié protégé, qui seul permet de résister aux pressions patronales ?


Enfin, avec le nouvel article L.4622-2 du Code du travail, le médecin sera chargé de surveiller la santé des salariés, de participer à la veille sanitaire dans l’entreprise mais s’ajoute une nouvelle mission : aider l’employeur dans la gestion des risques. S’installe ainsi une «confusion des genres» qui déplace le rôle des médecins vers la cogestion des entreprises, la cogestion de l’employabilité, le conseil en management. Comment dans ce cadre, les salariés feront-ils confiance au praticien, pour lui exposer sans fard ce qu’ils subissent sur leur poste ?


«Ne parlez pas d’acquis. En face, le patronat ne désarme jamais»,
disait Ambroise Croizat, le ministre du Travail qui, en 1946, installa la médecine du travail. Fils d’ouvrier, à l’usine dès l’âge de 13 ans, il avait été ajusteur.


Les députés vont examiner le texte du Sénat. Il faut sauver la médecine du travail. Là, on la démolit.


Depuis 1998, la Fondation Copernic s’emploie à faire trait d’union entre le mouvement social et toute la gauche antilibérale, pour remettre à l’endroit ce que le libéralisme fait tourner à l’envers.

L'Ile-de-France, une région riche mais touchée par de fortes inégalités de santé


I
l faut se méfier des bons résultats. Certes, l'Ile-de-France affiche un meilleur état de santé de sa population que la moyenne nationale et bénéficie d'une offre de soins très développée. Mais à y regarder de près, le tableau n'est pas si bon. "Les fortes inégalités de santé dans la région n'avaient jamais vraiment été mises en évidence. Il y a des réalités qu'on ne peut plus ignorer", relève le directeur général de l'agence régionale de santé (ARS), l'ancien ministre socialiste Claude Evin.

Créée il y tout juste un an, l'ARS d'Ile-de-France s'est consacrée à dresser un bilan minutieux de la situation sanitaire. Elle devait présenter son diagnostic et ses futures priorités, mercredi 30 mars, à la conférence régionale de la santé et de l'autonomie, où siègent les représentants des professionnels de santé et des usagers. "La caractéristique la plus préoccupante du paysage sanitaire francilien tient à l'importance des disparités de santé sur le territoire", relève son plan stratégique de santé, soumis à la consultation.

Dans cette région où cadres et professions intellectuelles sont surreprésentés, l'état de santé de la population est loin d'être homogène. Ici comme ailleurs, les inégalités sociales et de santé sont fortement liées. Ainsi, on vit en moyenne deux ans de plus dans les Hauts-de-Seine qu'en Seine-Saint-Denis. D'une commune à l'autre, parfois au sein d'un même département, l'espérance de vie peut varier de sept ans. D'où l'importance pour l'ARS de dresser des constats territoire par territoire, pour ensuite adapter les moyens, notamment en prévention, aux besoins. En bref, de faire du "sur-mesure", comme le dit Claude Evin.

Dans la région, les points noirs sont nombreux. Globalement, les indicateurs de santé sont au-dessus de la moyenne nationale. Mais on constate par exemple un plus fort taux de cancer des femmes et de mortalité infantile, alors que, sur ce point, le taux régional a longtemps figuré parmi les plus bas de France. La prévalence des pathologies infectieuses (VIH, tuberculose) y est aussi plus forte.

Si la région est riche et dynamique, une grande part de sa population est cependant très vulnérable (travailleurs pauvres, migrants, familles monoparentales...). En outre, le mode de vie de nombreux Franciliens est le facteur d'une santé dégradée : exposition aux nuisances sonores et à la pollution de l'air, surtout à Paris et dans la petite couronne, logements insalubres... Le temps de transport entre le domicile et le travail est aussi plus long dans la région parisienne que dans les autres, une heure et demie en moyenne, ce qui accroît le stress et la fatigue. En outre, les enfants y sont davantage touchés par l'obésité et le surpoids qu'en province.

L'ARS a aussi analysé la situation selon certaines pathologies. Ainsi, pour le cancer, les situations sont très disparates, avec, par exemple, une surmortalité par rapport à la moyenne régionale dans le Val-d'Oise, la Seine-et-Marne et la Seine-Saint-Denis. Pour ce dernier département, l'ARS évoque un problème d'insuffisance d'accès aux soins et de diagnostics tardifs.

Les inégalités sont tout aussi flagrantes en matière d'offre de soins, une donnée d'ailleurs corrélée, zone par zone, à l'état de santé de la population. Cette offre est "abondante mais complexe et souvent déséquilibrée", juge l'ARS.

C'est en matière de soins de ville que les problèmes sont les plus criants et pourraient s'accentuer. L'Ile-de-France est certes la région la mieux dotée en médecins, après Provence-Alpes-Côte d'Azur. Mais il s'agit surtout de spécialistes, qui sont très mal répartis sur le territoire - dans certaines communes, il n'y en a aucun.

L'offre de médecine générale, elle, est encore plus fragile, avec une densité très inégale. Paris compte ainsi 119 médecins généralistes pour 100 000 habitants, contre seulement 69,8 en Seine-Saint-Denis. En outre, l'Ile-de-France doit faire face à deux phénomènes croissants : beaucoup de généralistes se sont spécialisés, par exemple en homéopathie ou en acupuncture. Et parmi les médecins libéraux, la proportion de ceux pratiquant des dépassements d'honoraires est plus forte qu'ailleurs. Ce qui constitue une autre limite à l'accès aux soins, notamment pour les ménages les plus modestes.

Il n'y a pas que les médecins : c'est toute l'offre de premier recours qui inquiète l'ARS. Dans certaines zones, la trop faible présence des professionnels paramédicaux installés en libéral, surtout les kinésithérapeutes et les infirmières, pose problème, notamment pour le suivi des personnes âgées restant à domicile. Or cette population devrait s'accroître dans les prochaines années, alors que la région est sous-dotée en maisons de retraite, comme elle l'est également en structures d'accueil des personnes handicapées.

Il y a donc beaucoup à faire pour mieux répartir l'offre de soins et toucher plus facilement les populations fragiles. Outre les soins de ville, il faut aussi se pencher sur l'offre hospitalière qui, du fait du poids de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, est concentrée sur la capitale. "A l'heure du Grand Paris, il va falloir poursuivre le rééquilibrage hospitalier entre capitale et périphérie", estime M. Evin.
Laetitia Clavreul

Quatre murs de murmures


DR
A l’ombre de la République
Documentaire de Stéphane Mercurio
Canal +, rediffusion le 04/04.


« Je suppose que vous faites comme tout le monde : vous jetez vos repas à la poubelle… » Oui, comme tout le monde, répond la détenue. L’homme tourne le bouton de la douche, un faible filet d’eau s’échappe. Trop faible : les femmes de la cellule se lavent au seau. On évoque les parloirs, les coups de téléphone à la famille, le prix de la télé. L’homme est « contrôleur des lieux de privation de liberté ». Comme une trentaine de collègues, il s’assure que les droits fondamentaux sont respectés dans les lieux d’enfermement. Et en prison, en hôpital psychiatrique, dans les commissariats ou dans les centres de rétention, les droits fondamentaux, c’est aussi ça : un repas servi chaud, une douche qui coule assez pour se laver.


Fait exceptionnel, la réalisatrice Stéphane Mercurio a pu accompagner les équipes du contrôleur général des lieux de privation de liberté, l’autorité indépendante créée en 2008 par Nicolas Sarkozy, et qui vient d’échapper à la disparition que lui promettait le même Sarkozy (c’est très pénible au fond, ces institutions qui se permettent des remarques). La réalisatrice a pénétré des lieux fermés à double tour, gardés loin de tous les regards. Elle a pu recueillir des paroles rares, hors du contrôle de l’administration pénitentiaire.

A la maison d’arrêt de femmes de Versailles (Yvelines), ces paroles disent « favoritisme », « chouchoute ». Les contrôleurs ont reçu plusieurs lettres leur signalant « une compromission un peu fâcheuse » entre un membre de la direction et une ou deux détenues, dit Jean-Marie Delarue, le contrôleur général. Le scandale va éclater quelques mois plus tard et le documentaire en filme les prémices : le directeur de la maison d’arrêt et un surveillant ont eu des relations inappropriées avec Emma, la jeune fille appât du « gang des barbares ». Lors de sa suspension, pour sa défense, le directeur dira être tombé amoureux. Les détenues, elles, rapportent que la favorite se faisait appeler « la directrice » et se promenait à volonté dans les couloirs de la prison.

Après la prison de femmes, c’est l’ennui dans les chambres rose de l’hôpital psychiatrique d’Evreux (Eure). Jusqu’à la nuit, les contrôleurs épluchent les registres, demandent des comptes au médecin, soulignant de l’index des entrées et des sorties, s’alarment du nombre d’internements décidés sur arrêtés municipaux, sans certificat médical. « Il y a un protocole ici, raconte un malade. Tous les après-midi, il faut rester dans sa chambre et dormir. Mais moi, je n’ai pas sommeil. Alors le soir je n’arrive pas à m’endormir, et ils me donnent des somnifères… »

Camisole chimique, aussi, dans la prison moderne et gigantesque de Bourg-en-Bresse (Ain). « Un jour j’ai dit que j’avais mal à la tête, dit un détenu. Depuis, toutes les semaines, ils m’amènent un sac de médicaments. » Il montre une poche en plastique, bourrée de comprimés. La dose hebdomadaire qu’il rend aux infirmiers, sans se lasser, semaine après semaine. Un autre : « Ici, ils adorent les détenus sous cachets et les anciens toxicos, ceux qui sont au ralenti : ils ont un contrôle chimique sur eux. Les autres, ceux qui ont un peu de jugeote, un peu de mental, comme moi, ils les séquestrent. »
Du quotidien étouffant, vexatoire (il est d’ailleurs dommage que les personnels de surveillance aient, selon la réalisatrice, refusé de se confier), le documentaire passe à la critique sensible d’un système, à l’absurdité de la peine quand elle est trop longue, quand elle ne comprend aucun accompagnement. C’est le passage le plus émouvant, le plus terrible : les cafés-bus en compagnie des « longues peines » de la maison centrale de l’Ile-de-Ré (Charente-Maritime). Ici, des hommes qui purgent vingt, trente ans, perpète. « J’ai 63 ans, vingt-sept en taule. Je tiens grâce à ma femme, elle a 64 ans maintenant, mais le jour où elle m’attendra plus… » « J’ai été condamnée quand j’avais 18 ans, dit un autre. Ça fait trente et un ans. À mon procès, le procureur avait requis la peine de mort. Si j’avais su que c’était la peine de mort ou la perpétuité réelle, mon choix aurait été vite fait. »

Le plus étonnant dans le film de Stéphane Mercurio, c’est le nombre de détenus qui parlent à visage découvert et savent, ils le disent, les rétorsions prochaines. « Ils n’ont pas voulu être floutés, dit la réalisatrice. Eux qui sont si souvent niés ont soif de témoigner. » Ce que constate aussi Jean-Marie Delarue : « Ces lieux sont effacés - on ne sait pas ce qu’il s’y passe — et les personnes à l’intérieur s’effacent aussi, doucement. On ne les voit plus. À force, ce n’est pas seulement leur trace dans la société qui s’efface, c’est leur personnalité. » Il y a deux lieux où la caméra n’a pas pu entrer : les commissariats et les centres de rétention. Tous deux dépendent du ministère de l’Intérieur.

Paru dans Libération du 23 mars 2011

jeudi 31 mars 2011

École de la Cause freudienne

Le rapport sexuel au XXIeme siècle
Par Dominique Laurent, psychanalyste, membre de l'École de la Cause freudienne.

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Les corps, ces objets encombrants. Contribution à la critique féministe des sciences

Hélène Rouch
26 mars 2011











Éditions iXe, 2011, 240 p.

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Les Livres de Psychanalyse
Le Mystère du corps parlant

Revue du Champ Lacanien n°9 - Mars 2011
arton509

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mercredi 30 mars 2011

Camille Moreau, juriste en droit de la santé. Réforme de la psychiatrie : quelles nouvelles responsabilités pour le directeur d'établissement ?
29.03.11 

Le projet de réforme de la loi de psychiatrie, récemment votée par l'Assemblée nationale et actuellement entre les mains du Sénat, devrait modifier les pratiques des établissements et donc de leurs directeurs sans pour autant transformer leur cœur de métier, ce qu'explique à Hospimedia Camille Moreau.

Hospimedia : "La réforme de la loi du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d'hospitalisation, récemment votée à l'Assemblée nationale, implique d'importants changements pour les directeurs d'établissement. Avant de revenir sur ces modifications, quelles sont les responsabilités actuelles des directeurs ?


Camille Moreau :
Concernant les responsabilités actuelles, le directeur d’établissement est avant tout le garant du respect des procédures pour les hospitalisations psychiatriques sous contraintes. Comme ces hospitalisations sont des mesures privatives de liberté, elles ont un caractère grave pour le patient, donc la loi fixe des conditions strictes à respecter tout au long de cette hospitalisation pour éviter d'éventuels abus. Le directeur est donc en charge de vérifier que l'hospitalisation est décidée et se passe dans des conditions qui respectent pleinement la loi, ce que l'on appelle le "contrôle de légalité" (avant d'admettre administrativement le patient, il doit par exemple vérifier son identité et que les certificats médicaux sont bien établis conformément au Code de la santé publique).

Le directeur est aussi responsable de la transmission régulière des informations aux instances de contrôle (préfet et Commission départementale des hospitalisations psychiatriques). En matière d'hospitalisations d'office (sur décision du préfet), il a également, à l'inverse, le rôle de réception des décisions du préfet et de leur application.

Enfin, outre ces contrôles des mesures individuelles d'hospitalisation, le directeur d'établissement est de manière générale responsable de l'organisation des soins et notamment du respect des droits des patients.

H. : Quels sont les changements qu'implique la réforme de la loi de psychiatrie ? Quels seront les impacts pour le quotidien des directeurs d'établissement ?


C.M. :
Dans la continuité de la situation actuelle, le directeur d'établissement est toujours envisagé comme le responsable de l'organisation générale des soins d'une part et comme le responsable de la légalité et des mesures individuelles d'autre part. Ces missions vont être impactées par l'évolution des procédures prévues par le projet de loi.

Par exemple, pour l'organisation générale des soins, le directeur d'établissement va devoir adapter l'organisation de son établissement aux nouvelles modalités de prise en charge des patients, telles que l'instauration d'une phase d'observation de 72 heures incluant un examen somatique complet du patient dans les 24 premières heures (nouveauté introduite par l'Assemblée nationale à l'article L 3211-2-2). De même, le renforcement des droits des patients et l'augmentation du nombre de certificats médicaux requis, notamment dans la première phase de l'hospitalisation (certificats initiaux, des 24 heures, des 72 heures, etc.) supposera des adaptations organisationnelles. Ces démarches, qui complexifient et multiplient les procédures, représentent une crainte réelle dans la mesure où l'entrée en vigueur de la nouvelle loi est annoncée pour le 1er août, ce qui ne laissera qu'un délai très court aux établissements pour intégrer la réforme. Il faut aussi savoir que si un délai n'est pas respecté et qu'un certificat n'est pas produit en temps et en heure, la sanction est en principe la levée automatiquement de la mesure ; d'où une responsabilité potentiellement importante du directeur d'établissement, puisqu'il est chargé d'organiser les soins pour faire en sorte que tout se déroule dans les délais impartis.

Par ailleurs, les "soins" psychiatriques sous contrainte ne se dérouleront plus obligatoirement sous la forme d'une "hospitalisation" à temps complet. Le projet de loi prévoit ainsi que le patient puisse être pris en charge sous des formes alternatives à l'hospitalisation physique telles que par des soins psychiatriques ambulatoires ou à domicile. À cet effet, le directeur d'établissement sera en charge de signer des conventions avec le préfet, les collectivités territoriales et le directeur général de l'ARS pour organiser ces modes de prise en charge et les collaborations de terrain, notamment lorsque le patient doit être réintégré en hospitalisation complète (nouvel article L 3222-1-2 adopté par l'Assemblée nationale).

En ce qui concerne la légalité des mesures individuelles, le principal impact résulte de l'introduction du Juge des libertés et de la détention (JLD) dans la procédure pour toutes les hospitalisations à temps complet de plus de quinze jours. Dans ce cadre, le directeur d'établissement est directement responsable de plusieurs éléments : saisir le JLD chaque fois que c'est nécessaire, réunir des avis médicaux avant l'audience du JLD ou, par exemple, vérifier que le patient ne s'oppose pas à une audience par télécommunication audiovisuelle (articles L 3211-12-1 et L 3211-12-2). Tous les établissements devront d'ailleurs avoir une salle spécifique équipée. Enfin, si le JLD prononce la levée d'une hospitalisation à temps complet et qu'un appel est formé contre cette décision, le directeur d'établissement peut, dans le cadre de soins à la demande d'un tiers, demander l'effet suspensif de l'appel.

H. : Dès la publication du projet de réforme de la loi de psychiatrie, un point a particulièrement suscité la polémique car il permettait au directeur d'établissement d'aller à l'encontre d'une décision médicale...

C.M. :
Sur les soins à la demande d'un tiers ou pour péril imminent, les termes employés dans le projet de loi pouvaient être interprétés comme donnant au directeur d'établissement une certaine liberté d'appréciation par rapport aux avis médicaux : il était indiqué que le directeur d'établissement "peut" maintenir les soins ou modifier la forme de la prise en charge. Il y avait donc un risque au départ qu'il puisse être reproché au directeur, en cas d'incident, de ne pas avoir tenu compte d'éléments autres que le certificat médical. De plus, cette nouvelle responsabilité du directeur étant implicite dans le texte, il aurait fallu attendre une décision de justice pour clarifier la situation et les champs de responsabilités.

Heureusement, un amendement voté par l'Assemblée nationale est venu régler en grande partie la question en indiquant que le directeur d'établissement était "tenu" de suivre l'avis du médecin (nouvelle version de l'article L 3212-4). Cette disposition concerne le choix de la forme de la prise en charge du patient. Dans le cas de soins à la demande d'un tiers ou pour péril imminent, à l'issue de la période de 72 heures d'observation, le psychiatre doit décider quelle est la forme la plus adaptée pour le patient et établir un protocole de soins pour définir ces soins. Des choix que le directeur devra suivre. En conséquence, l'esprit du projet de loi n'est plus de mettre le directeur dans une position de décision de soins face aux avis médicaux, ce qui constitue une évolution favorable du projet de loi pour les établissements de santé, dans la mesure où les champs de compétences de chacun sont respectés : administratives et d'organisation pour les directeurs d’établissement – médicales pour les médecins. Il ne devrait donc plus s'agir d'un point d'achoppement et une nouvelle modification par le Sénat est peu probable."
Propos recueillis par G
Enregistré
éraldine Tribault
Camille Moreau
Camille moreau est consultante senior pour Expert juridique santé (EJS). De formation, elle est juriste en droit de la santé, spécialisée en droit hospitalier et en droit de la fonction publique hospitalière.
G.T.

Réforme de la psychiatrie, le grand enfermement

Analyse
29.03.1

L'asile est de retour. Les murs d'enceinte des hôpitaux psychiatriques, qui avaient été abolis à partir des années 1970, font physiquement et symboliquement leur réapparition. En 2008, après un fait divers dramatique, Nicolas Sarkozy avait demandé la fermeture des établissements psychiatriques et le durcissement de l'internement d'office des malades, désormais considérés comme potentiellement dangereux. Deux ans après, ce programme est en passe d'être mis à exécution : la réforme de la loi de 1990 sur les hospitalisations sans consentement, qui a été adoptée en première lecture le 22 mars par les députés, parachève le virage sécuritaire imposé par les pouvoirs publics à la psychiatrie publique.

La psychiatrie était engagée,
depuis une trentaine d'années, dans un mouvement de désinstitutionnalisation pour sortir les malades mentaux des grandes structures asilaires et les réinscrire dans la cité. Dans la foulée du mouvement de l'antipsychiatrie, les soignants avaient reconnu l'effet néfaste et désocialisant de la mise à l'écart. Des structures plus proches des patients, tels les centres médico-psychologiques, qui les suivent en ville, ont été créées.


Mais ce mouvement, s'il tendait à déstigmatiser la maladie mentale, a eu ses effets pervers. La fermeture de quelque 50 000 lits d'hospitalisation n'a pas toujours été compensée par l'ouverture de structures alternatives. Le manque de places a conduit à la crise du secteur, créant des ruptures de soins pour certains malades insuffisamment pris en charge.


C'est dans ce contexte que la psychiatrie a vécu deux drames qui ont considérablement assombri ses perspectives. En 2004, à Pau, un patient schizophrène, qui n'était plus soigné par l'hôpital, a tué sauvagement une infirmière et une aide-soignante. Quatre ans plus tard, à Grenoble, un malade en permission de sortie a assassiné un jeune homme en plein centre-ville. La psychiatrie a été mise en cause pour ses manquements. Peu comprise dans son fonctionnement - le risque zéro existe en santé mentale encore moins qu'ailleurs -, elle a été attaquée dans ses fondements. En décembre 2008, dans un discours qui a marqué au fer les psychiatres, M. Sarkozy leur imposait un changement de paradigme : annonçant un durcissement de l'internement d'office, il faisait primer la préoccupation sécuritaire sur le soin.


Depuis, les portes des hôpitaux se referment
progressivement sur les malades internés. Dès 2009, 70 millions d'euros ont été débloqués pour bâtir ou rebâtir les enceintes des hôpitaux, créer des unités fermées et des chambres d'isolement, multiplier les dispositifs de surveillance (portiques et caméras). Les préfets ont ensuite reçu l'ordre de ne plus valider systématiquement les sorties des malades hospitalisés d'office, même si elles sont soutenues par les psychiatres. Une circulaire leur a été adressée, le 11 janvier 2010, afin qu'ils s'assurent "de la comptabilité de la mesure de sortie avec les impératifs d'ordre et de sécurité publics". L'avis "des services de police ou de gendarmerie" est requis pour étayer la décision des préfets.


Les effets de cette politique viennent d'être mesurés par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, une personnalité indépendante qui visite inopinément les hôpitaux psychiatriques. Dans un avis publié le 20 mars, Jean-Marie Delarue constate que les levées d'internement d'office ne sont plus accordées qu'au compte-gouttes. Tout se passe comme si, malgré les soins prodigués, le patient reste considéré comme "aussi dangereux pour lui-même ou autrui qu'au jour de son hospitalisation". Comme dans un mauvais film sont retenues en psychiatrie "des personnes dont l'état, attesté par les médecins, ne justifie pas qu'elles y soient maintenues contreleur gré".


Pis, cette situation fait "obstacl
e à l'hospitalisation de personnes qui en auraientau contraire besoin". Les hôpitaux prennent peu à peu une couleur carcérale : un "nombre croissant d'unités hospitalières sontaujourd'hui fermées à clé", ce qui a des effets sur les personnes hospitalisées de leur plein gré, également "privées de leur liberté d'aller et venir".


On comprend mieux, dans ce contexte, la très forte hostilité suscitée par la révision de la loi de 1990 sur les soins sans consentement. Alors que la réforme était réclamée depuis des années par les psychiatres, les patients et leurs familles, le texte n'est analysé qu'au filtre du souci sécuritaire du gouvernement. Des innovations, qui auraient pu être intéressantes comme l'observation du patient pendant 72 heures avant toute hospitalisation ou la possibilité de suivre un traitement sous le régime de la contrainte mais chez soi, sont considérées avec méfiance par les soignants.


L'instauration d'un fichier des antécédents médicaux des malades - véritable "casier psychiatrique", selon les psychiatres - et le durcissement des conditions de sortie des personnes internées ont achevé de catalyser l'opposition au projet de loi. La psychiatrie attendait une réforme sanitaire, elle voulait soigner plutôt qu'enfermer. La voilà confrontée au retour du refoulé asilaire.


prieur@lemonde.fr Cécile Prieur (Service France)