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Articles, témoignages, infos sur la psychiatrie, la psychanalyse, la clinique, etc.

vendredi 25 décembre 2009




L’HUMANITÉ DES DÉBATS

Que devient l’Appel des appels ? TABLE RONDE

AVEC : BARBARA CASSIN, PHILOLOGUE ET PHILOSOPHE ; ROLAND GORI, PSYCHANALYSTE, TOUS DEUX COAUTEURSDE L’APPEL DES APPELS (*).

Le livre que vous avez piloté avec le sociologue Christian Laval paraît presque un an après le lancement de l’Appel des appels, le 14 janvier dernier. Quel est son but ?

ROLAND GORI. C’est une nouvelle étape. Il explique le pourquoi et le comment de l’émergence du mouvement grâce à un choix de textes assez complets et significatifs. Après l’appel fondateur, qui a été signé par près de 80 000 personnes, il fallait archiver un certain nombre de choses qui ont été dites et partagées, et établir une base commune pour la suite, car il n’est pas question d’en rester là. Nous n’avons pas fait cela pour nous donner bonne conscience. On voit bien que tous les secteurs recensés, que l’on peut caractériser comme ce qui concerne « l’humanité dans l’homme », médecine, psychologie, justice, enseignement, philosophie, information, culture, travail social, sont confrontés à des réformes qui tendent à les transformer en instruments d’un pouvoir politique qui traite l’homme en instrument. Nous avons affaire à des normalisateurs, des normalisateurs d’individus et de populations. Ces métiers qui, dans les phases antérieures du capitalisme, pouvaient se considérer comme préservés, dans leur activité, d’une idéologie des valeurs marchandes, se voient décomposés, recomposés, selon les critères de l’homme-marchandise. C’est une véritable « financiarisation » de l’humain. C’est d’autant plus déplorable que le milieu d’où ont émergé ces valeurs, le milieu financier, est un milieu en crise, un milieu toxique pour l’humanité.

Revient sans cesse, dans le livre, l’expression « coeur de métier ». Qu’entendez-vous par là ?

BARBARA CASSIN
. De l’extérieur du métier que nous exerçons, on peut croire que ces réformes, après tout, ne sont pas si mal que ça. Par exemple, dans mon domaine – je suis chercheuse au CNRS –, on dit qu’elles s’inspirent du modèle anglo-saxon, qui ne serait pas moins efficace qu’un autre… Mais de l’intérieur, c’est-à-dire du coeur de notre métier, on peut expliquer pourquoi c’est une catastrophe. D’où, d’ailleurs, l’ampleur du livre, les intervenants ayant des coeurs de métier différents. Moi, j’ai besoin qu’on m’explique en quoi, dans les hôpitaux, la tarification à l’acte est nocive, sinon je ne suis pas sûre de comprendre. Ensuite, en évoquant notre coeur de métier, on voit bien que nous ne sommes pas atteints de corporatisme, nous n’en restons pas aux statuts. C’est si vrai que nous rencontrons le même type de problèmes, que l’on retrouve d’ailleurs à France Télécom, à La Poste…

Pouvez-vous décrire ce qui, très exactement, est menacé dans votre coeur de métier personnel ?


BARBARA CASSIN. Bien sûr. Je travaille sur des textes grecs anciens. On peut se demander à quoi cela sert. Eh bien, cela sert à nous donner des outils, des concepts qui nous permettent de comprendre ce qui se passe aujourd’hui. Par exemple, qui nous permettent de disséquer un discours du président de la République. Comparer un discours de Barack Obama à celui de Nicolas Sarkozy relève d’une longue culture. Mon métier de chercheuse porte sur la philosophie grecque, qui traite de la naissance du politique. Les sciences sociales, les sciences humaines, appellent des recherches longues, lourdes, cela ne se fait pas avec un coup d’ANR (Agence nationale de la recherche), programme à trois-quatre ans. Les seuls critères que l’on veut nous imposer sont l’évaluation et la performance. Pour un chercheur, c’est le facteur H, le nombre d’articles publiés dans des revues classées, le plus souvent de langue anglaise, pondéré par le nombre de citations faites de ces articles, quel que soit le contenu. Toujours la politique du chiffre ! Mais, à ce compte-là, Faurisson, le négationniste, est supérieur à Lévi-Strauss, bien que la cote de ce dernier, depuis sa disparition, ait remonté… Le comble est que les réformes qui nous frappent sont en retard d’une guerre. On veut nous faire imiter un monde anglo-saxon quand des chercheurs de ce monde-là admirent l’intérêt, l’intelligence de notre CNRS, et n’en sont plus à ce type de classement.

Roland Gori, votre coeur de métier est différent, qu’en est-il ?


ROLAND GORI. Hormis le travail universitaire, comme psychothérapeute, je soigne des patients qui éprouvent des souffrances psychiques et sociales. Et on est, de plus en plus, face à des contraintes, des normes qui s’imposent toujours davantage comme des exigences qui « calibrent » les existences. On s’excite sur les conditions d’accès au métier de psychothérapeute, sur les diplômes académiques, sans s’interroger sur ce qu’est un psy, sur son éthique, sa finalité et sa pratique. On le normalise sans s’interroger sur le sens de son acte professionnel. L’ouvrier est devenu un prolétaire quand son savoir et son savoir-faire sont passés dans la machine. Nous ne voulons pas que notre savoir et notre savoir-faire passent dans la machine de l’évaluation, qui est un dispositif de dévaluation. Les professionnels de l’Appel des appels sont des gens qui sont sur la bicyclette de leur métier, qui pédalent, et auxquels on dit de s’y prendre autrement. Un beau jour, ils en ont marre, ils relèvent la tête et se demandent : la route sur laquelle je suis, est-ce bien la route sur laquelle je me suis engagé ? Ils ne sont pas seuls, ils regardent à gauche, à droite, et ils voient des copains qui, dans leurs secteurs, sont aussi en train de lever la tête, de se poser la question de la direction vers lesquelles on les invite à pédaler… Je suis frappé de voir que, dans la police, on fonctionne au quotient d’infractions, on privilégie ainsi le plus facile, les petits délits, les prostituées, les étrangers, les jeunes des cités. De façon générale, il faut s’adapter au milieu des normes qu’on impose, et non transformer grâce à son métier, par le soin, l’information, l’éducation, les individus et les populations que l’on était censé devoir prendre en charge.

Barbara Cassin, vous parlez, s’agissant de l’Appel des appels, d’un « nous » considérable et d’un « nous » raisonnable…

BARBARA CASSIN. Notre « nous » est considérable par son ampleur, mais aussi parce qu’il va falloir nous considérer. Si nous disons ce qui ne va pas, si nous faisons suffisamment de bruit, cela devient un coût pour les pouvoirs publics. Les hurlements sont un coût, avec l’accent circonflexe, ça coûte des voix, des votes. Par exemple, dans le texte remis aux préfets, concernant cette histoire d’identité nationale, il y avait cette phrase dégoulinante de présupposés : « Comment éviter l’arrivée sur notre territoire d’étrangers en situation irrégulière, aux conditions de vie précaires, génératrices de désordres divers (travail clandestin, délinquance) et entretenant, dans une partie de la population, la suspicion vis-à-vis de l’ensemble des étrangers ? » Cette phrase a, depuis, disparu. Je l’avais moi-même dénoncée notamment à la radio. Le « nous » raisonnable, c’est le nous du bon sens, c’est le nous de la sagesse. Il est hors du sens commun d’accepter des recettes, des normes de performance, d’évaluation, de concurrence, qui ont failli. Aux réformes calamiteuses du gouvernement qui conduisent au saccage des métiers et de leurs valeurs, nous opposons la sagesse. À la déraison, nous opposons la raison.

Cette sagesse est-elle aussi une manière d’en appeler à l’opinion ?

BARBARA CASSIN. Absolument, c’est le B.A.BA. Ce « nous » raisonnable que nous appelons exprime le désir partagé d’un grand nous national et supranational qui soit opposable au pseudo-nous gouvernemental.

Qu’est-ce qui peut faire en sorte que l’Appel des appels n’en reste pas à une indignation et à un enthousiasme momentanés ?

ROLAND GORI
. Pérenniser le mouvement tient d’abord à la pertinence de son analyse. Je ne le dirai pas de cette façon qui peut paraître immodeste si ce n’était une a n a l y s e collective. On passe de pétitions qui é t a i e n t des réact i o n s à d e s réformes aberrantes ou douloureuses à autre chose qui recrée du lien social, du lien entre les générations, et qui est véritablement cette « fraternité » dont nous parlons dans l’ouvrage.

BARBARA CASSIN. Notre mouvement est récent, bien sûr il peut s’essouffler, mais sa chance est qu’il est absolument ouvert. Il est ouvert à tout le monde, sans marque de fabrique, ou sans autre marque de fabrique que lui-même. Il n’impose pas, il accueille. Son gage de pérennité réside dans ces caractéristiques. Je dirais même que, si l’agression cesse, tant mieux, le mouvement aura produit une meilleure conscience. Mais pour l’instant, on en est loin, il y a sans cesse un nouveau Scud…

Comment expliquez-vous que cela se produise aujourd’hui ?

ROLAND GORI. Il est vrai que c’est maintenant que les choses sortent. Pour tenter de comprendre, il faut remonter aux années 1980. Dans mon secteur, que je crois connaître, c’est le moment où l’on ne demande plus à la psychiatrie de guérir la névrose, de soulager la psychose, de permettre aux gens de s’épanouir dans leur vérité. On demande à la psychiatrie de recenser les anomalies, de repérer les comportements, et finalement d’identifier les populations à risques que l’on contrôle, dépiste, sécurise sans les soigner dans une société de surveillance généralisée. Je dirais, pour conclure sur ce point, que chaque société a les pathologies qu’elle mérite et la psychiatrie qui lui convient. Cette métamorphose est celle des métiers, mais aussi celle du droit des citoyens, du rapport qu’ils ont avec la cité. Cela a correspondu, aussi, il faut bien le dire, à la conversion du Parti socialiste à l’économie libérale et à ses normes au milieu des années 1980. Nous sommes encore dans cette métamorphose que les réformes veulent durcir et institutionnaliser. Il y a encore, à l’université, des collègues qui marchent à l’évaluation et à la performance et se transforment en « tyranneaux » d’eux-mêmes et des autres.

Ces changements de valeurs n’étaient-ils pas aussi promus dans des sphères de la société ?

ROLAND GORI. Il y a toujours, dans une civilisation donnée, des tyranneaux. Des gens ont adhéré à ces nouvelles valeurs de compétition soit parce qu’ils y croyaient, et ils ont le droit d’y croire, pris parfois dans le rêve états-unien, soit par opportunisme, par cynisme. Et là, c’est grave !

BARBARA CASSIN. Bénie soit la crise, si l’on peut dire, qui a montré l’inanité de ces critères.

Comment envisagez-vous la suite ?

ROLAND GORI. Des idées ont circulé, des comités locaux se sont créés. Je souhaite que la parution du livre donne une nouvelle impulsion aux rencontres. À l’échelle de l’Europe, je viens de me rendre en Suisse, en Belgique, où l’on est intéressé par notre mouvement. L’affaire ne doit pas rester franco-française, car le problème se pose partout. Nous pourrions envisager des états généraux de l’Europe des métiers. Mais nous devons également nous tourner vers l’opinion, vers les partis politiques. C’est pour cela que j’ai accepté toutes les invitations qui nous ont été adressées.

Daniel Le Scornet, dans le livre, évoque une éventuelle rencontre avec les centrales syndicales.

ROLAND GORI
. Il y a eu avec elles une réunion publique et une réunion privée. Les syndicats nous ont dit : l’évaluation que vous dénoncez, nous la subissons depuis longtemps. Donc, l’idée est venue : pourquoi ne pas partager, lors d’un colloque d’une journée, nos expériences, nos analyses ? Daniel Le Scornet a avancé l’échéance du printemps 2010. Pourquoi pas ? Car après tout, les évaluations dans nos secteurs, c’est l’équivalent du contre-maître avec son chronomètre dans les chaînes de production du « passé ».

Comment vous situez-vous sur le terrain politique, sachant que la période à venir va être celle des élections régionales et des débats qu’elles vont susciter ?

ROLAND GORI. L’Appel des appels est un mouvement, pas un périmètre bien défini qui permettrait des alliances, des mots d’ordre, des consignes de vote. Il a un côté un peu nébuleux qui fait sa force et sa limite. Après, à titre personnel, chacun s’engage comme il veut. Il existe évidemment des affinités électives à partir des combats que nous menons. Pour ma part, chaque fois que j’ai été invité à faire connaître nos analyses, nos commentaires, et que j’ai été, d’une certaine façon, le porte-parole du collectif, j’ai répondu aux sollicitations. J’ai été invité par Daniel Cohn-Bendit, par Manuel Valls avec Serge Portelli, par le Parti communiste à la Fête de l’Humanité, par le Front de gauche, Alain Krivine, lors des rencontres récentes de Pétrarque, cet été a dit que le NPA nous soutenait aussi. Pour le dire très simplement, c’est au Front de gauche que j’ai trouvé le plus d’écoute. C’est comme ça, je ne vois pas pourquoi il faudrait, au nom d’une neutralité de façade, s’en cacher. Mais cela peut être différent pour d’autres. Lorsque je me suis rendu à la Mutualité, à l’invitation du Front de gauche, des « appelants » des Bouches-du- Rhône, où je réside, m’ont envoyé des mails qui se résumaient à ceci : alors, si l’Appel des appels doit se terminer comme ça ! Je sais que des « appelants » sont réticents à l’intervention sur le terrain politique.
Personnellement, cette intervention ne me gêne pas, à condition de ne pas s’approprier le travail collectif et de bien préciser que l’intervention relève du choix de chacun pour la défense des valeurs de tous.

BARBARA CASSIN. Moi, je dirais d’abord que l’Appel n’est pas de droite. Ce que ce n’est pas, c’est clair. Ce que c’est, politiquement, c’est autre chose, c’est autre chose pour de vraies raisons. La résistance à ce dont nous ne voulons pas est notre trait d’union. Il est extrêmement précieux. Je suis de ceux qui pensent que la résistance est une très bonne forme d’engagement politique. À partir de là, chacun peut avoir le point d’ancrage qu’il souhaite.

Une chose frappe à la lecture du livre, concernant la contestation des valeurs et du système, c’est sa radicalité politique…

BARBARA CASSIN. Cette radicalité que vous avez ressentie, elle existe. Au fond, c’est presque un miroir, c’est le retour à l’envoyeur. Les discours de Sarkozy, accompagnant les actes, sont des discours dont la violence est la marque de cette société dont nous ne voulons pas. La force de notre « non » est à la mesure de la force de l’imposition. C’est d’ailleurs pourquoi les éditeurs et les directeurs de collection, Alain Badiou et moi-même, nous avons tenu à publier les extraits significatifs des propos de Sarkozy.

ROLAND GORI. Ce que propose Nicolas Sarkozy ne tient pas qu’à lui. Serge Portelli a raison de parler de sarkozysme sans Sarkozy. Au sujet de la radicalité, on peut citer Marx : « Être radical, c’est prendre les choses à la racine. » Si on prend les choses à la racine, il y a énormément de choses à faire. Nous y sommes prêts.

TABLE RONDE RÉALISÉE PAR CHARLES SILVESTRE

(*) L’Appel des appels. Pour une insurrection des consciences, sous la direction de Roland Gori, Barbara Cassin, Christian Laval, Éditions Mille et Une Nuits. 19 euros.-






Entretien avec Bernard Golse

[dimanche 20 décembre 2009]











Le Professeur Bernard Golse, pédopsychiatre et psychanalyste à l’hôpital Necker Enfants-Malades, a répondu aux questions de Marie Bonnet lors d’un entretien concernant Freud et la psychanalyse d’enfants.

A écouter en cliquant sur le lien suivant :
http://www.nonfiction.fr/article-3018-entretien_avec_bernard_golse.htm

Qu’est-ce que Freud penserait de la pratique de la psychanalyse d’enfants aujourd’hui ?
Qu’est ce qu’être freudien aujourd’hui en tant que praticien ?
Comment Freud a-t-il créé les conditions de la psychanalyse pour enfants ?
Qu’a-t-il retiré de l’observation directe de ses petits-enfants ?
Quels sont les développements actuels de la recherche en psychopathologie de l’enfant qui pourraient remettre en cause ou poursuivre les découvertes de Freud ?
Les explications sexuelles de troubles psychiques de l’enfant sont-elles exagérées dans l’œuvre de Freud ?
De quelle manière l’approche de Lacan dans sa relecture de Freud est-elle opératoire en psychanalyse de l’enfant ?
Pourquoi au fond emmener son enfant chez le psychanalyste ?

Autant de questions auxquelles répond Bernard Golse en exclusivité pour ce dossier événement de nonfiction.

Retrouvez sur le site de Psynem l'actualité de la recherche en psychanalyse et en psychiatrie du bébé et de l'enfant de l'Hôpital Necker enfants malades.

La prise de son et la réalisation sonore de cet entretien ont été assurés par David Christoffel. Vous pouvez retrouver le travail de David Christoffel sur deux sites : Les discrets et son site personnel



















Critique
La paranoïa comme un des beaux-arts
LE MONDE | 14.12.09 |

Dans l'exposition collective "Chasing Napoleon" du Palais de Tokyo, à Paris, l'oeuvre affolante de Paul Laffoley se fiche comme un coup de poing. Le personnage à lui seul vaut le détour : persuadé d'avoir été enlevé par les extraterrestres, ce septuagénaire américain garderait dans le secret de son cerveau un métal inconnu sur Terre. Pis, il se serait ensuite fait greffer une patte de lion.

Ces anecdotes éclairent d'un jour rocambolesque les toiles qu'il a réalisées au long de sa vie, selon une méthode obsessionnelle : sur des formats carrés se heurtent ovnis et philosophes grecs, ying yang et signes astrologiques, dans des compositions évoquant les mandalas psychédéliques autant que les tableaux d'un savant fou.

Ce pittoresque artiste occulte le reste de l'exposition - intitulée "Chasing Napoleon" en hommage aux fantasmes des aliénés ? Dans chaque salle sont présentés des abris où se protéger du bruit et de la fureur du monde, où s'épargner la folie - ou mieux y plonger.

La cachette souterraine où se lovait Saddam Hussein a été reconstruite par Christoph Büchel. La cabane du terroriste Unabomber a été reconstituée par Robert Kusmirovski. D'autres maisons, hantées celles-là d'un sens du confort bien plus sagement domestique, ont été répertoriées en Islande par Dieter Roth, qui en livre la litanie diapositive.

Quant à Micol Assaël, elle propose de s'enfermer dans un bureau de goulag sibérien frigorifié. Seule échappée à cet ensemble qui fait de la paranoïa un des beaux-arts, les chants d'oiseaux qui envahissent la verrière du palais. Apparemment anodins, ils s'avèrent eux aussi profondément schizophrènes : ils ont été recréés par l'artiste Hannah Rickards à partir de l'enregistrement d'oiseaux de chair et de plumes, qu'elle a ensuite ralenti. De ce matériau, elle a fait une partition, qu'elle a elle-même chantée avant de l'accélérer. Ainsi se perpétue la longue marche du Palais vers la quatrième dimension.

"Chasing Napoleon". Palais de Tokyo, 13, avenue du Président-Wilson, Paris-16e. M° Iéna. Tél. : 01-47-23-54-01. Sur Internet : Palaisdetokyo.com. Tous les jours sauf lundi de midi à minuit. Prix : 6 euros et 4,5 euros. Jusqu'au 17 janvier.

Emmanuelle Lequeux
Article paru dans l'édition du 15.12.09


dimanche 13 décembre 2009

Judith Miller en CLARÍN







La fille de Lacan, philosophe et présidente de la Fondation du Champ Freudien, soutient la vigueur absolue de la psychanalyse. Elle dit que son père a prédit en 1973 la crise financière actuelle.

Quand on vire le symptôme par la porte, il revient par la fenêtre
- 28 ans ont passé depuis la mort de Jacques Lacan. Comment a vieilli son œuvre psychanalytique ? Ses mots sont-ils encore en vigueur ?

« Il est difficile de savoir ce qu’est un père, et aussi ce qu’est une mère… » dit, d’une façon intrigante, Judith Miller, fille de Jacques Lacan et femme de Jacques-Alain Miller. Mais elle ne parle pas du lourd héritage psychanalytique de son père : ces mots surgissent de la question sur la paternité que détiennent des présidents comme Sarkozy et autres Kirchner (président d’Argentine), dans des pays où la psychanalyse est une caractéristique constitutive de leur identité. Judith Miller est venue à Buenos Aires au XVI Encuentro Internacional del Campo Freudiano et au Encuentro Americano de Psicoanálisis Aplicado de Orientación Lacaniana, organisés par l’EOL. Au huitième étage de l’hôtel Plaza, Judith installe son élégance parisienne et parle de son père, la personne pour qui elle nourrit autant de reconnaissances que de reproches.

Je ne comprends pas. Je ne peux pas comprendre votre question, parce que tout ceci a beaucoup d’actualité, pas seulement pour moi mais aussi pour chaque personne. Quand je vois tout l’effort que nous devons faire, aujourd’hui encore, pour comprendre que Lacan parlait déjà, en 1973, de la crise que nous vivons maintenant et constater que ça n’était pas une prophétie. Il a compris la logique du capitalisme. Aujourd’hui nous sommes étonnés par la crise, mais Lacan a dit que la crise ne pouvait pas être évitée : « il y a un changement du capitalisme qui vise à sa propre reconduction, à travers une activité qui n’a plus rien à voir avec son développement historique, et qui sera purement financier. » Et il concluait disant que ça allait avoir un effet. Je ne pouvais pas comprendre quand il disait « nous sommes tous des prolétaires ». Moi, je ne suis pas prolétaire, je fais partie de la bourgeoisie. Mais il avait raison, il y a une précarisation générale mondiale de chacun qui correspond au développement actuel du capitalisme et qu’il a compris il y a plus de 40 ans.

- Et comment prépare-t-on l’analyste d’aujourd’hui pour [faire face à] cette précarisation ?

C’est difficile. Je ne fais pas partie de ceux qui doivent faire ça mais les analystes lacaniens doivent inventer, recevoir les surprises qui peuvent apparaître dans la clinique d’aujourd’hui. Ça n’est pas nouveau, Freud avait déjà dit que la psychanalyse marche avec le monde ; et Freud avait vu lui-même que par exemple l’hystérie, depuis le moment où la psychanalyse a commencé à être pratiquée, a changée Chaque hystérique, à partir du moment où il y a un lien analytique, trouve d’autres voies pour résoudre sa question, son énigme. Lacan disait, en rigolant, que l’hystérique est historique. Le mot d’esprit joue avec les coïncidences. La nouveauté permanente est l’enseignement de Lacan. Mais je ne veux pas que ce soit équivalent à dire qu’on a uniquement l’enseignement de Lacan et qu’on ne doit rien faire d’autre que répéter ce qu’il a dit.

Les analystes, et les gens qui travaillent avec eux, les analysants il me semble particulièrement, participent à une recherche au niveau clinique, de la doctrine analytique, à chaque niveau qui fait partie des lumières lacaniennes.

- Vous parliez des surprises qui arrivent au divan et face auxquelles les psychanalystes doivent se préparer. Quelles sont-elles ?

La définition d’une surprise est qu’elle est imprévisible. La profession a besoin d’une formation longue, vaste, intense, profonde, qui implique en même temps que les analystes continuent de savoir qu’ils ne doivent pas savoir. Et ils savent qu’ils ne savent pas ce qu’ils vont trouver, voilà la surprise. Ce n’est pas facile parce qu’il faut être soi-même très bien analysé, peut être re-analysé, pour maintenir cette disponibilité, cette capacité d’apprendre une chose nouvelle. Je l’ai vu de mes yeux dans ma propre famille, pas seulement chez mon père, mais aussi chez les autres analystes qui étaient très vieux, très fatigués, et qui avaient continué de travailler jusqu’au dernier jour parce qu’ils étaient sur pied. Mon père, lui aussi : Lacan a travaillé jusqu’au dernier jour.

- Et que fait un analyste quand un employé de France-Telecom, où 26 personnes se sont suicidées, arrive au cabinet ?

Je crois que les suicides de France-Telecom font partie d’une épidémie. Elle incarne ce que Lacan appelait la précarisation généralisée de chacun dans le moment de l’histoire humaine qu’on connait, dans la culture globalisée. Malgré le progrès des technologies, le développement de la science, le malaise dans la culture persiste. Peut-être même que c’est parce qu’on a tout ça que le malaise continue, il n’y a pas de libération. Il y a des conséquences de ce qu’on appelle le progrès, et c’est pour ça que Lacan ne se disait pas progressiste, pas plus que Freud d’ailleurs. Je pense que le malaise est dans notre cœur du fait qu’on est condamné à être humains.

- Ce moment de crise générale se répercute-t-il aussi dans le mode singulier de la consultation chez l’analyste ?

C’est évident ! Je crois que c’était ainsi à chaque époque. Il n’y a pas tellement de périodes qui ont séparé les époques de l’histoire freudienne, mais je crois que la Première Guerre Mondiale a été un moment important pour l’œuvre de Freud. La Seconde Guerre Mondiale l’a été tout autant et Freud avait prévu toute l’horreur qui allait se produire dans son œuvre de 1920, La psychologie des masses. Il avait parlé du fascisme avant qu’il n’existe.

- Les voix qui disent que les jeunes d’ Amérique Latine ne peuvent pas voir le futur sont nombreuses. La psychanalyse pense-t-elle au futur ?

D’abord, je ne connais personne qui ne pense pas à soi-même dans le futur. Or, peut être qu’un enfant ne sait pas quel sera son futur, mais ça, c’est différent. Il y a une angoisse spéciale. Aujourd’hui les jeunes gens connaissent cette angoisse. Peut être qu’ils ne peuvent pas la dire, mais ils ont cette angoisse. C’est important de permettre à chacun de s’approcher pour voir ce que c’est que cette angoisse. Mais nous ne pouvons pas dire qu’ils n’ont pas la dimension de l’avenir. C’est un paradoxe du capitalisme. Aujourd’hui, quand le capitalisme travaille chaque jour plus sur le sujet de la sécurité, l’insécurité augmente. Et d’une certaine manière le malheur du capitalisme est que quand il commence travailler sur un sujet pour le supprimer, il le renforce. C’est la même chose avec l’exclusion, la ségrégation, toutes les mesures qui se prennent dans le cadre du capitalisme renforcent la ségrégation. Et la précarité augmente à fur et à mesure que la sécurité, la promesse de sécurité, augmente. Mais penser à une vie sans sécurité, c’est penser la vie comme [penser que la vie=] la mort. Et être mort pour bien vivre est aussi un paradoxe.

- Il y a des thérapies comme celles des neurosciences qui offrent des traitements limités. Quelle est la réponse de la psychanalyse face à la demande de thérapies brèves ?

Les neurosciences offrent des traitement plus brefs, plus courts. C’est vrai que l’effet d’une analyse n’est pas celui de normaliser une personne. Une analyse porte à la lumière la singularité de la personne qui a consulté. C’est très difficile de savoir qui je suis. Une expérience analytique permet de localiser quel est mon désir ; si je veux ce que je désire. C’est à dire, localiser la division que chacun a. Ça prend du temps. Maintenant, on veut immédiatement ce qu’on attend et il est très difficile de ne pas céder à cette urgence. Mais la psychanalyse ne peut pas céder à ça. C’est un piège. Quand on vire le symptôme par la porte, il revient par la fenêtre. C’est un principe fondamental du fonctionnement de la répétition.




J. Coorem, L'Ordinaire de la cruauté
Parution : 13 octobre 2009.










L'ordinaire de la cruauté
Jean Cooren
Hermann
ISBN : 9782705668891
28.00 €
Parution le 13 octobre 2009


Présentation :
Comment apprendre à reconnaître la « cruauté », à la déchifrer, à saisir son universalité, sa permanence ? Explorant quelques fragments d'une crauté perceptible dans le quotidien, l'auteur provoque la rencontre insolite du Freud de 1920, de Bion, de Lacan, de Nathalie Zaltzman, de René Major, mais aussi de Derrida, Blanchot, Faulkner, Saramago.
Entre ces auteurs, les « spectres » s'agitent, communiquent, s'opposent. Ils déconstruisent sans fin ce qui engendre la cruauté la plus ordinaire.
La pratique maintient le psychanalyste au plus près du malheur. Il apprend à en déchiffrer l'écriture singulière, à repérer ce qui maintient la mémoire des traumatismes initiaux. Il entend la « lettre qui manque » dans l'écriture de la parole, mais aussi « l'écriture du mal » dans la culture ambiante.
Pour desserrer l'emprise individuelle de la « pulsion de mort », il se doit d'énoncer cette cruauté, là où elle aurait tendance à se rendre très ordinaire, en particulier celle d'une humanité qui, d'un côté, soigne scientifiquement la douleur, et de l'autre, ne cesse de la reproduire ou feint de l'ignorer.

Auteur :
Jean Cooren, psychiatre, exerce la psychanalyse à Lille. Après une formation à la Société psychanalytique de Paris, il fréquente plusieurs associations de psychanalyse. Il anime divers séminaires et explore notamment, dans le sillage de Derrida, l'actualité de la psychanalyse et ses points de rencontre avec la littérature et la politique.

samedi 12 décembre 2009




A. Green, L'Aventure négative. Lecture psychanalytique d'Henry James

Parution : 5 novembre 2009.














André Green, L'Aventure négative
Lecture psychanalytique d'Henry James
Paris: Hermann, coll. "Psychanalyse", 2009
* Isbn 13 (ean): 9782705669157
* 25€


Présentation de l'éditeur :
« Henry James m'a accompagné durant de nombreuses années et continue de le faire. Je me souviens de la surprise et de la satisfaction ressenties en constatant qu'il en avait été de même pour Winnicott, en 1917, à l'âge de vingt-et-un ans, durant son service militaire dans la Royal Navy. Il avait lu l'oeuvre de Henry James à bord du Lucifer, ce qui lui permit d'aiguiser sa pénétration des patients dont il allait s'occuper ultérieurement. Pour moi, cette découverte vint plus tard, puisque James ne faisait pas à l'origine partie de mon patrimoine culturel. Mais il m'est depuis devenu indissociable. »

ANDRÉ GREEN, Extrait de la Préface
André Green est né au Caire en 1927. Docteur en médecine de la Faculté de Paris, ancien chef de clinique des maladies mentales, il a été directeur de l'Institut de Psychanalyse de Paris et professeur à la Freud Memorial Chair à University College (Londres). Il est l'auteur de très nombreux ouvrages de pychanalyse. Parmi lesquels, "La Folie privée" (Gallimard, 1990), "Le travail psychanalytique" (PUF, 2003), "Le Complexe de castration" (« Que sais-je », PUF, 2007).





























Recours devant le Conseil d'État contre les liens entre médecins et laboratoires

LE MONDE | 08.12.09 |


Les liens entre médecins et laboratoires pharmaceutiques sont à nouveau sur la sellette. Après le vaccin contre la grippe A, c'est au tour de traitements contre le diabète et la maladie d'Alzheimer d'être pointés.
L'Association pour une formation médicale indépendante au service des seuls professionnels de santé et des patients (Formindep) a déposé, lundi 7 décembre, deux recours devant le Conseil d'Etat contre deux "recommandations de bonnes pratiques médicales" de la Haute Autorité de santé (HAS). La première, qui date de novembre 2006, porte sur le traitement du diabète de type 2 ; l'autre, de mars 2008, sur la maladie d'Alzheimer. Dans les deux cas, le Formindep conteste "les conflits d'intérêts des experts qui ont rédigé" les recommandations. Conflits "mal, voire non gérés par la HAS", compte tenu des liens des experts avec les laboratoires qui parfois commercialisent les médicaments censés traiter ces maladies. Le Formindep demande donc l'annulation de ces deux recommandations "pour violation du principe d'impartialité ". Ce n'est pas la première fois que cette association s'attaque au sujet. En mars dernier, elle avait demandé au président de la HAS le retrait pur et simple des deux recommandations en question. Demande rejetée.

La HAS élabore des recommandations de bonnes pratiques qui "décrivent les soins les plus adaptés à un patient, compte tenu de l'état actuel des connaissances et des pratiques médicales". Elles "s'imposent aux médecins car elles ont un caractère normatif et sont souvent paroles d'évangile", estime le docteur Philippe Foucras, président du Formindep. "L'objectivité et le caractère scientifique de ces textes doivent donc être absolument garantis, au risque de soins inappropriés, voire dangereux, et de surcoûts pour la collectivité ", insiste le Dr Foucras. Afin d'offrir toutes les garanties, l'autorité demande à ses experts de signer "des déclarations publiques d'intérêt". Or, dans les deux cas, "soit ces déclarations n'ont pas été faites, soit elles n'ont pas été publiées", explique Me Bernard Fau, avocat du Formindep.


A la tête du groupe d'experts de la HAS sur les recommandations sur le diabète de type 2, en 2006, soit au moment visé par le recours du Formindep, le professeur Serge Halimi, chef du service endocrinologie diabétologie nutrition du CHU de Grenoble, se défend de toute collusion avec l'industrie pharmaceutique. Le professeur Florence Pasquier, neurologue au CHU de Lille, qui était la tête du groupe d'experts sur la maladie d'Alzheimer en 2008, n'a pas pu être jointe.


"Relation avec l'industrie"


"Ce n'est pas parce que l'on a une relation avec l'industrie que l'on a forcément un jugement biaisé"
, affirme le Pr. Halimi en précisant qu'il fait des déclarations de conflit d'intérêts à chaque conférence qu'il donne. La loi sur la transparence de l'information médicale du 4 mars 2002 rend obligatoire ces déclarations. Or, de nombreux médecins n'en font pas, certains par ignorance de la loi.

Au-delà, "c'est un vrai problème de société, complexe, qui est posé, sur lequel personne n'a vraiment répondu. La HAS travaille ardemment sur le sujet", indique le professeur Serge Halimi. Afin de s'assurer de l'absence de conflits d'intérêts, la HAS a mis en place, fin 2006, un groupe appelé "Déontologie et indépendance de l'expertise", présidé par Christian Vigouroux, conseiller d'État. Par ailleurs, deux tables rondes sur ce sujet de l'expertise se tiendront lors des rencontres de la HAS jeudi 10 et vendredi 11 décembre. Interrogée lundi, la HAS n'a pas souhaité répondre au Monde.


La plupart des experts médicaux ayant des liens avec l'industrie pharmaceutique, la question de l'indépendance des recommandations sanitaires est un problème récurrent dans le monde de la santé. Pourtant, ajoute le Formindep, "des recommandations professionnelles sous influences commerciales directes (conflits d'intérêts des auteurs) et indirectes (informations médicales biaisées utilisées comme support des recommandations) induisent des prescriptions inappropriées".
Pascale Santi Article paru dans l'édition du 09.12.09





Politiques 07/12/2009

Quand un cabinet privé est consulté sur une proposition de loi...

Le député UMP Jean-Luc Warsmann a confirmé qu'un cabinet d’experts a travaillé à l’élaboration de son texte de simplification du droit, adopté jeudi dernier. Il assure que le procédé est conforme au règlement de l'Assemblée.

Curieux attelage. Un cabinet d’experts, Lexis Nexis, a bien travaillé à l’élaboration de la proposition de loi (UMP), adoptée jeudi dernier, pour simplifier le droit, comme l’a reconnu l’auteur ce texte, le président de la commission des Lois, Jean-Luc Warsmann. Ce qui confirme une information publiée ce lundi par Le Parisien. Une contribution tout à fait conforme au règlement, s’est empressé d’ajouter le député.

«Il n’y a rien d’irrégulier à cela. Lexis Nexis a fait un travail de recherche préalable mais n’a rédigé aucun article. Nous n’avions pas les ressources suffisantes en interne, nous avons donc eu affaire à un cabinet d’experts», a précisé Warsmann à l’AFP.

Selon lui, une quinzaine de professeurs d’universités ont épluché l’ensemble des codes pour y relever des dispositions obsolètes et «ont fourni des fiches». Un appel d’offres pour ce travail d’expertise a été lancé en octobre 2008, le comité d’évaluation du bureau de l’Assemblée ayant donné un avis favorable à la Commission des lois pour la réalisation de cette mission. Une collaboration qui aurait coûté, d’après Le Parisien, quelque 84.000 euros.

Les trois questeurs de l’Assemblée (Marylise Lebranchu pour le PS, Richard Mallié et Philippe Briand pour l’UMP) avaient validé le cahier des charges sur l’appel d’offres, a assuré Jean-Luc Warsmann.

«Voile de suspicion»

La méthode de travail avait toutefois fait tilter le député (PS) Jean-Jacques Urvoas, qui avait évoqué, la semaine dernière, alors que la proposition de loi était en discussion, une «rumeur inquiétante» selon laquelle «il a été fait appel à un cabinet privé pour écrire une partie importante de cette proposition de loi». «Le nombre de sujets traités, la complexité des dispositions modifiées, les épisodes précédents jettent un voile de suspicion sur ce texte, d’autant que le rapport du Conseil d’Etat n’a pas été publié», avait mis en garde Jean-Jacques Urvoas.

«Les épisodes précédents»? Le socialiste fait, là, allusion au scandale d’un vote favorable aux sectes lors d’une précédente proposition de loi, également sur la simplification du droit. La Mission interministérielle de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) avait révélé qu’une disposition, votée le 12 mai dans l’indifférence générale, empêchait la dissolution de la Scientologie poursuivie pour escroquerie à Paris.

Président de la commission des Lois, Warsmann s’est défendu contre des «insinuations»: «Aucun cabinet privé n’a rédigé cette proposition de loi.» Il a cité plusieurs sources du texte, dont «un travail réalisé au sein de la commission des lois avec un concours de juristes et de scientifiques». «Un certain nombre de mesures provient des sollicitations de nos concitoyens, notamment par l’intermédiaire du site Internet "simplifions la loi"», a-t-il encore souligné.
(Source AFP)


dimanche 6 décembre 2009





Samedi 05 Décembre 2009
HÔPITAL. Les syndicats Sud et la CGT appellent à la grève, mardi, pour dénoncer le manque de moyens du service psychiatrie. Les investissements à venir leur semblent décalés

Ils ont mal à la psychiatrie









Jean-Louis Dupin (CGT)
et Camille Nogues (Sud)
appellent à la grève mardi.
(photo jean-daniel chopin)


Déjà, en février dernier, puis au mois de septembre, lors de la visite de la ministre de la Santé et des Sports au Centre hospitalier de la Côte basque, ils avaient manifesté leur mécontentement. Les employés du service psychiatrie de Bayonne (site de Bellevue) s'apprêtent, une nouvelle fois, à « tirer la sonnette d'alarme ». Mardi, une partie d'entre eux observera le mot d'ordre de grève des syndicats Sud et CGT. Ils demandent plus de moyens et dénoncent les politiques actuelles de santé.

Pour Sud, Camille Nogues décrit une psychiatrie parent pauvre du paysage médical bayonnais (et basque), « sous dotée et mal adaptée aux pathologies ». Un simple exemple : « À Bellevue, vous avez en moyenne huit chambres doubles sur les 20 que compte chaque unité. Ce qui fait qu'une personne traitée pour dépression peut se retrouver avec un psychotique délirant. »

« Gardiennage »

Le « cégétiste » Jean-Louis Dupin dénonce « des structures mal adaptées à certaines pathologies ». « Sur les 150 patients accueillis par la psy, vous en avez environ 40 qui relèvent d'autres structures. »

Des personnes, selon le délégué syndical, qui pourraient mieux être prises en charges dans des « structures alternatives ». « Mais elles sont là et occupent des lits dont d'autres auraient besoin. »

Côté personnel, les syndicats dressent le même constat de d'indigence. « À partir de 17 heures, il arrive régulièrement de se retrouver à deux soignants par unité, c'est-à-dire pour 20 à 25 patients. Difficile de proposer autre chose que du gardiennage. » Camille Nogues parle du « mal-être » inhérent à cette situation.

Après pareil état des lieux, l'annonce récente d'une enveloppe de 155 000 euros allouée par l'Agence régionale d'hospitalisation (ARH) devrait apaiser un peu les personnels. Du moins leur sembler un signe positif.

La somme sera injectée dans la psychiatrie, mais selon des critères que contestent ceux qui appellent à la grève, mardi. Il s'agit de créer une unité de soins intensifs dédiée aux patients les plus « difficiles ». D'autres investissements (300 000 euros débloqués) iront dans la fermeture du site, sa surveillance vidéo...

Question de sécurité

Pour résumer ces projets, l'ARH et la direction de l'établissement (lire par ailleurs) parlent de l'impératif de « sécurité ». Sud et la CGT, eux, disent « visée sécuritaire ». « On débloque des fonds pour rassurer l'extérieur de l'hôpital. C'est un message à la population qui va dans le sens de la politique gouvernementale en matière de sécurité. Mais on n'investit pas dans le soin », fustige Jean-Louis Dupin.

L'offre de soins psychiatriques serait « en complète chute libre ». Pour arrêter cette « chute », les syndicats demandent « depuis des années » la « création d'un secteur supplémentaire ».

Soit 70 postes d'infirmiers, deux de psychiatres référents, pour 40 lits nouveaux. « Ce ne sont pas des caméras de surveillance qui vont soigner les malades psychiatriques. »

Mardi, les personnels de l'ensemble de l'établissement sont appelés à la grève, et à un rassemblement en rez-de-jardin de l'hôpital Bellevue, de 14 à 18 heures.

Auteur : pierre penin
p.penin@sudouest.com







Livres 26/11/2009

Roustang démonte le divan

Critique

Recueil de textes du psy iconoclaste et spécialiste de l’hypnose

Par GENEVIÈVE DELAISI DE PARSEVAL psychanalyste

François Roustang Feuilles oubliées, feuilles retrouvées Payot, 256 pp., 18 €. Le secret de Socrate pour changer la vie Odile Jacob,238 pp., 23,50 €. Un destin si funeste, Elle ne le lâche plus, Le Bal masqué de Giacomo Casanova, Lacan, De l’équivoque à l’impasse «Petite bibliothèque Payot», 8 € chaque.

Vingt ans père jésuite, vingt ans psychanalyste, désormais théoricien et praticien de l’hypnose, tel est François Roustang, personnage inclassable dans le paysage contemporain de la psychanalyse, à moins que ce ne soit de la philosophie. Les éditions Payot ont l’heureuse idée de reprendre en poche une partie de son œuvre. L’homme est éclectique et fécond.

Il est important de comprendre quelle hypnose il défend : c’est celle du «pape» de la discipline, Milton Erickson, psychiatre américain (mort en 1980) dont l’approche repose sur la conviction que le patient possède en lui les ressources pour répondre de manière appropriée aux situations qu’il rencontre. C’est le fil rouge des travaux de Roustang, chemin qui l’a conduit à s’éloigner petit à petit de la psychanalyse ; ce dont témoigne par exemple Un destin si funeste.

Transfert. L’approche psychanalytique qu’il fustige est d’abord celle de Lacan ; Roustang est à l’évidence un «déçu de Lacan» (y aurait-il du dépit amoureux ?), d’un Lacan qu’il a manifestement bien connu. Mais Freud aussi en prend pour son grade, Freud qui, comme fondateur d’Ecole, a instauré selon Roustang des relations perverses avec ses disciples. Il y aurait «un nombre significatif de cadavres dans le placard» de la psychanalyse. D’où, par extension, la critique majeure de Roustang, qui repose sur l’usage du transfert : «J’ai bien été obligé de me demander si ce n’était pas la cure analytique elle-même, et spécifiquement le transfert en analyse, qui étaient la source de ces liens passionnels difficiles à rompre»(Feuilles oubliées).

Notre homme n’y va pas par quatre chemins ; ce n’est pas, insiste-il, parce que le psychanalyste se dérobe à la vue du patient qu’il ne suggère pas, qu’il n’influence pas. Les patients, par exemple, c’est bien connu, rêvent pour leur analyste… Lacan (qui jouait essentiellement de la séduction, selon Roustang) reconnaissait lui-même qu’un Africain venu avec sa culture sur le divan d’un analyste en ressortait avec un inconscient d’Occidental ! La messe est dite (à croire parfois que, si on mettait Jésus à la place de Freud ou de Lacan, cela marcherait pareil, mais peut-être est-ce une mauvaise pensée…).

Roustang ironise sur «les sectes protectrices à l’intérieur desquelles s’abritent la plupart des analystes, rendus ainsi incapables d’entendre les questions qui viennent frapper à leur porte, ni de se remettre en cause». Il évoque «les estropiés de la psychanalyse qui se sont servis du divan pour revivre les amères douceurs, l’abandon maternel ou les jeux infinis de la soumission révoltée des adolescents» ! On ne s’ennuie pas. Seul Ferenczi trouve grâce à ses yeux, car il avait compris que l’attention flottante exigée du psychanalyste supposait de sa part un état de transe (on rejoint là l’intérêt de l’hypnose). Parmi nombre de changements d’ordre épistémologique proposés à la métapsychologie, notre iconoclaste suggère de remplacer la notion d’inconscient par celle d’«animalité humaine». Il faut lire, c’est passionnant et novateur.

Identité. Socrate est pour Roustang le premier vrai thérapeute, bien que nous apprenions que ce n’est pas lui qui a prononcé le célèbre «Connais-toi toi-même» (le Secret de Socrate pour changer la vie, paru simultanément aux éditions Odile Jacob). Dommage pour les hellénistes distingués et même moins distingués, car cela casse un mythe auquel on aimait bien s’accrocher. Roustang n’est pas à cela près, il étrille gaiement dans la foulée les soi-disant continuateurs de Socrate, à commencer par Platon lui-même !

Notre auteur ne s’adresse guère aux psychanalystes, on s’en doute, bien qu’il soit un enfant du sérail (ou parce qu’il est…) ; à trop le fréquenter ou le lire, un analyste, reconnaît-il, risque de perdre son identité. Les philosophes l’apprécient bien davantage. Et il dit dialoguer beaucoup avec les psychiatres, eux qui sont contraints par les résultats, souligne-t-il non sans ironie, eux «qui ne peuvent se contenter d’être les militants d’une idéologie». Ne nous méprenons pas : il ne s’agit pas ici d’une de ces attaques à la mode contre la psychanalyse venant d’un psychanalyste dévoyé, traître à la cause, dénigrant le sein qui l’a nourri, etc. Roustang fait autorité, son œuvre est impressionnante. Un déconstructeur en somme.






Samedi 5 décembre 2009
Culture
Publié le 23/11/2009
FAITES-VOUS LES POCHES


Une histoire de la psychanalyse à la portée de tout le monde
Par Marine de Tilly







Pas de panique, ceci n'est pas un guet-apens. Et personne ne veut faire de vous un intello qui parle (et lit) un langage barbare. Contre toute attente, cette excellente somme a bien sa place dans votre bibliothèque, et ceci pour trois raisons (au moins). 1 : Elle est unique (il n'existe pas d'autre histoire de la psychanalyse en France). 2. Elle est actuelle (exemple : pour la première fois, homosexualité différenciée de perversité. Il était temps). 3. Elle est parfaitement lisible (ce qui aurait peut-être dû être signalé en 1). Ce texte est donc pour vous, c'est à vous qu'il s'adresse, peut-être plus encore qu'aux dits "spécialistes".

Histoire de la psychanalyse en France , d'Elisabeth Roudinesco (Le Livre de poche, 2.073 p., 29 euros)


Simone de Beauvoir et la psychanalyse


Information publiée le vendredi 4 décembre 2009 par Florian Pennanech (source : Pierre Bras)

Du 19 mars 2010 au 20 mars 2010, Studio Raspail, 216 Bd Raspail, 75014 PARIS

Colloque « Simone de Beauvoir et la psychanalyse »

Université Paris 7 (Denis-Diderot), 19 et 20 mars 2010


Colloque organisé sous l'égide de l'Association pour les Études Freudiennes
Avec le soutien de l'Institut Émilie du Châtelet et du Laboratoire Cerilac, Lettres, arts, cinéma, Université Denis Diderot, Paris 7

Sous la direction de Danièle Brun et de Julia Kristeva
Le colloque se tiendra au Studio Raspail, 216 Bd Raspail, 75014 PARIS


Contact : beauvoir.psy@gmail.com

En 1976, Simone de Beauvoir déclare à Alice Schwarzer : « Il y a une autre chose que j'aimerais beaucoup faire si j'avais aujourd'hui 30 ou 40 ans : c'est un travail sur la psychanalyse. Pas en repartant de Freud, mais en retraçant le chemin d'un point de vue féministe : selon le regard d'une femme et non celui d'un homme » (Simone de Beauvoir aujourd'hui, 94).

Par cette phrase, Simone de Beauvoir rappelle à la fois son intérêt pour la psychanalyse et sa position critique vis-à-vis de l'oeuvre de Freud. C'est ce rapport de Beauvoir à la psychanalyse qui sera étudié lors du colloque qui se tiendra à l'Université de Paris 7, les 19 et 20 mars 2010.

Après avoir enseigné les théories freudiennes dans ses classes de lycée, Beauvoir les a souvent utilisées, critiquées ou simplement évoquées dans son oeuvre écrite. C'est, bien sûr, plus particulièrement le cas du Deuxième Sexe (1949), oeuvre qui révèle l'enchevêtrement entre l'histoire du féminisme et les théories psychanalytiques en matière de sexualité. En établissant un rapport étroit entre la sexualité et l'émancipation des femmes, Beauvoir ouvre la voie à de nouvelles générations de féministes qui intégreront dans leur réflexion la question de la différence des sexes.

Dans son œuvre romanesque et autobiographique aussi, Simone de Beauvoir a donné beaucoup d'importance à la psychanalyse. Elle raconte ses rêves ; elle met en scène des psychanalystes.

Le colloque que nous organisons invite des psychanalystes et des philosophes à relire les textes de Simone de Beauvoir pour débattre de sa position face à la psychanalyse.

Programme

Vendredi 19 mars 2010

Vendredi après-midi 13h – 17h 30

13h. Accueil du public

13h30 : Ouverture :


Danièle Brun, Université Paris 7 – Psychanalyste – Présidente du comité scientifique du colloque
Françoise Barret-Ducrocq, Présidente de l'IEC

13h45 : Conférence inaugurale :
Présidence : Francis Marmande, directeur du laboratoire CERILAC, Université Paris 7

Conférence d'Élisabeth Roudinesco, Historienne – Psychanalyste :

Simone de Beauvoir, Le Deuxième Sexe à l'épreuve de la psychanalyse

14h30 : Discussion ouverte par Danièle Brun.

15h : Pierre Bras, University of California at Santa Barbara - Membre du comité scientifique du colloque : Panorama bibliographique sur le thème « Beauvoir et la psychanalyse »

16h -17h30 : Table ronde n° 1 : L'écriture du roman et de l'autobiographie

Présidence : Françoise Gorog, Chef du service de psychiatrie à Sainte-Anne – Psychanalyste

Présentation par Danièle Brun de la problématique de la table ronde : La part du rêve dans l'écriture de Beauvoir.

Lisa Appignanesi, Écrivaine et Présidente, English PEN : L'écriture autobiographique

Françoise Gorog : Simone de Beauvoir et les impasses de la vie amoureuse.

Laurie Laufer, M.C. Université Paris 7 – Psychanalyste : Simone de Beauvoir et la psychanalyse : haine, attrait ou résistance ?

Débat avec la salle

Samedi 20 mars 2010

Samedi matin : 8 heures 30– 11h30 heures

8h30 : Accueil du public

9h00 Retour sur Le Deuxième Sexe.

Présidence : Jacques Sédat, Vice-président de l'Association Internationale d'Histoire de la Psychanalyse – Psychanalyste

Conférence plénière de Monique Schneider,

Directrice de recherche au CNRS – Psychanalyste :

La maternité : une aliénation ?

Discutantes :

Juliet Mitchell, Jesus College, University of Cambridge - Psychanalyste

Jacqueline Rose, Queen Mary University of London

Débat avec la salle

Déjeuner libre : 11h30 – 13h.

Samedi après-midi : 13h00 - 16h30

13 :00 Table ronde n° 2 : Questions sur « la psychanalyse existentielle »

Présidence : Michel Kail, co-directeur de la Revue L'Homme et la Société – Membre du comité scientifique du colloque

Présentation par Michel Kail de la problématique de la demi-journée

Ulrika Björk, Université d'Uppsala : L'argument de Simone de Beauvoir contre le naturalisme.

Cécile Decousu, Université Denis Diderot Paris 7 : Beauvoir - Merleau-Ponty, La psychanalyse comme chiasme.

Geneviève Fraisse, directrice de recherche au CNRS – Philosophe : Étude, souffrance, jouissance.

Débat avec la salle

15h00: Présidence : Lisa Appignanesi, Écrivaine et Présidente, English PEN

Conférence de clôture par Julia Kristeva, Université Paris 7 – Psychanalyste

Conclusion du colloque : Conrad Stein, directeur d'Études freudiennes. – Psychanalyste

Tarif public : 60€ ;

Tarif étudiants : 20€ sur présentation de la carte

Formation continue : 80 €

Les organisateurs remercient la Société littéraire de La Poste et France Télécom et sa secrétaire générale Danielle Mazens pour leur soutien et leur accueil.

Les organisateurs se réservent le droit d'opérer des modifications dans le programme.

Comité scientifique : Danièle Brun, Julia Kristeva, Pierre Bras, Agnès Cousin de Ravel, Cécile Decousu, Danièle Fleury, Pierre-Louis Fort, Michel Kail, Liliane Lazar.

Responsable : Études Freudiennes

Adresse : 66 boulevard Saint Michel - 75006 Paris

jeudi 3 décembre 2009





La résistance de la psychiatrie s’amplifie
Par ERIC FAVEREAU

Beau succès, samedi, pour le collectif contre la «nuit sécuritaire», à Montreuil (Seine-Saint-Denis). Ils étaient plus d’un millier - psys, infirmiers, magistrats, malades, associatifs - à venir écouter et participer au débat pour une psychiatrie «hospitalière», loin des mesures sécuritaires (Libération de samedi). «Arrêtons les plaintes, résistons. La folie, c’est ce qui nous interroge. Vouloir la détruire ou l’éradiquer, c’est une folie», a dit avec force le docteur Roger Ferreri. «Vous nous avez invités, mais on se rencontre peu, on a parfois l’impression de ne pas être sur la même planète», a lancé une patiente, militante d’Advocacy, un groupe d’usagers en santé mentale. Le psychiatre Hervé Bokobza, coordonnateur de la «nuit sécuritaire», a conclu : «Depuis notre création, il y a un an, quelque chose se passe. Un mouvement est en train de naître. Il est là parce que nos syndicats, nos sociétés savantes sont défaillantes. Ce qu’il va être ? A nous de le construire.» Et de proposer que tout le monde porte un signe, un badge de reconnaissance. Comme un premier pas de résistance partagée.
É.F.


Psychanalyse et déprise sociale
[dimanche 29 novembre 2009]






Situations subjectives
de déprise sociale
Jacques-Alain Miller
(sous la direction de)
Éditeur : Navarin
14 €


Résumé : Voici un ouvrage qui présente des cas cliniques où la déprise sociale serait au cœur de la problématique, mais dont les discussions y font peu référence.
Sébastien VAUMORON

Le livre
"Situations subjectives de déprise sociale" est donc le titre de cet ouvrage qui propose la transcription de la présentation de cas cliniques lus et discutés lors des "Conversation 2008" de l’Ecole de la Cause Freudienne. Cette Conversation 2008 fait suite à des réunions de travail en région, avec principalement les membres des ACF. La première partie de l’ouvrage présente ainsi des cas cliniques, et la seconde les discussions qui ont suivi lors de ces Conversations 2008.

L’expression
Jacques-Alain Miller, animateur de ces conversations, précise que cette "expression" de déprise sociale a été adoptée par le Conseil d’Administration de l’UFORCA en 2007-2008 pour qu’elle puisse "à la fois être entendue dans le langage courant et interprétée de façon diverses". A cela, il précise que ce syntagme commence à agglomérer un certain nombre de significations. Par ailleurs, il rattache cette expression à Jacques Lacan qui a écrit que "le lien social ne s’instaure que de s’ancrer dans la façon dont le langage se situe et s’imprime, se situe sur ce qui grouille, à savoir l’être parlant".

Lors de sa communication, Uberto Zuccardi Merli nous donne sa définition de la déprise sociale : "Le syntagme déprise sociale est une notion clinique qui réunit des traits essentiels du symptôme contemporain : pousse à la jouissance sans limites, chaos identificatoire, absence de père – tant symbolique que réel –, rejet de l’autorité, extrême difficulté à créer un lien, un transfert avec un sujet supposé savoir. …/… La déprise sociale est liée à l’excès, qui, lui, dérive de la prise de l’Autre maternel sur le sujet. A la force de l’emprise maternelle, correspond la déprise dans le champ social".

Ainsi, la déprise sociale est donc une "notion clinique" et non sociologique. Et en effet, ces conversations sont principalement des analyses de cas cliniques, sans perspective sociologique ou anthropologique. Là où la psychanalyse voit des situations de déprise sociale, la sociologie verrait des situations où au moins l’un des quatre liens sociaux (lien de filiation, lien de participation élective, lien de participation organique, lien de citoyenneté) est, pourrait-on dire, en pleine prise. Paradoxe, contradiction, complémentarité… ?

Les cas.
Après la lecture de ces sept cas cliniques, et non pas six comme annoncé dans la quatrième de couverture , le titre du livre interroge : à qui appartient cette subjectivité énoncée sur la déprise sociale ? A la personne dont on raconte la vie, ou bien au psychanalyste qui choisit d’en faire le récit sous cet angle et d'y voir une déprise sociale là où le sociologue ne serait peut-être pas aussi catégorique ?
Aussi, comme le syntagme de déprise sociale n’est pas clairement définit et qu’il est quelque chose qui permet d’agglomérer des significations diverses, cela permet aux discussions de quitter le social pour revenir à la clinique, certes avec pertinence et intérêt pour le lecteur, mais souvent sans grande proximité avec le social.

Car ces cas présentés ici ne racontent pas l’histoire de personnes sans domicile fixe, sans abri ou sans emploi. Ce ne sont pas des gens qui auraient lâché prise avec la société, des gens marginaux… Non, ce sont des personnes salariées, étudiantes, célibataires ou mariées qui, hors du fauteuil ou du divan du cabinet du psychanalyste, semblent mener une vie en prise avec le social malgré quelques aménagements ou difficultés particulières, que ce soit ponctuellement ou de façon stable. Serait-ce là cette déprise sociale dont il est question ?

Titre du livre : Situations subjectives de déprise sociale
Auteur : Jacques-Alain Miller (sous la direction de)
Éditeur : Navarin
Collection : La Bibliothèque lacanienne
Date de publication : 09/07/09
N° ISBN : 2916124055






Les Livres de Psychanalyse
mercredi 14 octobre 2009
Problèmes posés à la psychanalyse
Charles Melman











Sortie le : 15/10/2009
Editeur : Erès
Prix : 12 €


Que signifie « prendre au sérieux la psychanalyse » ? Certainement pas en attendre des injonctions ou des commandements, comme le laisse penser la plupart des médias.

Dans ce séminaire, Charles Melman s'attache à répondre à cette question. Pour ce faire, il porte l'accent sur la question de l'altérité et rapproche au fil des leçons - ce qui pourrait sembler loufoque - féminité, corps, langue des maîtres et organisation sociale.

À tout le moins, l'altérité articule les différents aspects de l'enseignement de Charles Melman : l'attention à l'actualité, la question de savoir comment hériter de Lacan, la nécessité de l'invention clinique, la lecture des problèmes politiques.

Publié par dm





A votre santé
parAnne Jeanblanc
Publié le 02/12/2009


Les psychiatres contre le bracelet électronique chez les malades psychiatriques





Les psychiatres s'opposent au port du bracelet électronique chez les patients psychiatriques, selon 400 spécialistes issus des secteurs de la psychiatrie et de la justice réunis mardi à Lille, pour la deuxième journée "Psychiatrie et justice". Les effets psychologiques et les risques de ce dispositif y ont été exposés. Et pourtant, l'utilisation d'un "dispositif de géolocalisation" pour surveiller et éviter la fugue de malades considérés comme potentiellement dangereux a été prônée en décembre dernier par le président de la République, Nicolas Sarkozy.

"Tous les psychiatres sont contre. Nous avons présenté à l'Élysée un argumentaire contre cette mesure", déclare le Dr Paul Bonnan, du centre hospitalier de Cadillac-sur-Garonne en Gironde. "Nous n'avons pas reçu de réponse formelle, mais il n'en est plus question dans les discussions que nous avons eues avec le cabinet de la ministre de la Santé". Cependant, par prudence, les arguments prouvant l'inadéquation de la mesure à la psychiatrie continuent d'être mis en avant. Après le soulagement de sortir ou de ne pas aller en prison, le port du bracelet électronique dans la population pénale ordinaire provoque un "malaise important", voire des troubles psychologiques, a rapporté la présidente de l'Association nationale des juges d'application des peines, Martine Lebrun, au vu des expériences étrangères (essentiellement aux États-Unis et au Royaume-Uni). Aucune étude n'a été menée en France, où seuls quelques indicateurs sont disponibles.

Le bracelet statique - activé uniquement au domicile, pour vérifier la présence de la personne aux heures fixées par le juge d'application des peines ou lors d'une assignation à résidence - est de loin le plus répandu en France avec 40.000 personnes concernées depuis 2002, dont environ 16.000 en 2009. Il déclenche une alarme en cas d'absence de signal et un appel à la personne pour savoir où elle se trouve. Comme le bracelet mobile, avec GPS pour "géolocaliser la personne", il serait "difficile à supporter au-delà de quatre à six mois", souligne Martine Lebrun. Selon les spécialistes, sa présence permanente peut provoquer "des angoisses massives, une dépersonnalisation, une transformation de l'image corporelle" - déjà perturbée chez les malades - et aussi "un risque d'automutilation" pour se débarrasser du bracelet.


Les Livres de Psychanalyse
jeudi 29 octobre 2009


De René Magritte à Francis Bacon : psychanalyse du regard

Maurice Corcos













Paru le : 28/10/2009
Editeur : PUF
Prix : 35 €

Francis Bacon, ou l'histoire d'un amour fou entre un fils et son père meurtrier, nous rappelle deux choses : le corps est la source des émotions et de l'inconscient, et les affects et les représentations qui leur sont liés sont le chaînon manquant entre corps et psyché.
Bacon est le peintre de la démoniaque dysharmonie entre la nuit et le jour. René Magritte, ou une autre histoire d'amour fou entre un fils et sa mère suicidée, nous apprend ceci : une vie qui n'a pas été rythmée dans l'enfance ne rime à rien, c'est une chanson froide et lisse qui ne chante pas. Magritte est le peintre de l'affable agonie. Il s'agit ici pour une grande part de déterminer la nature de l'encre utilisée par Bacon et Magritte pour engendrer leurs œuvres, deux artistes que tout oppose dans leur vie et dans leur création, mais qui auraient eu peut-être tant à se dire si le hasard avait pu leur organiser une rencontre.
En aucun cas une pathobiographie, cet essai se veut le témoignage de la force de l'art quand il permet d'éclairer, sous la lumière sensible de l'affect, l'expérience des souffrances identitaires, et d'ajouter quelques réflexions sur l'exploration de la conscience et de l'inconscient en faisant émerger les liens entre le rêve, le souvenir, le délire et la création.


samedi 28 novembre 2009





La psychiatrie malade de son enfermement

Par ÉRIC FAVEREAU Jean-Marie Delarue contrôleur général des lieux de privation de liberté

La contention des patients, sans véritable contrôle, est devenue quasi systématique dans les hôpitaux, au grand dam des personnels.


Les personnels soignants de la psychiatrie n’aiment pas en parler. Comme si c’était la caricature de leur travail. Comme si revenait le fantasme du film Vol au-dessus d’un nid de coucous avec ces psychiatres qui enferment leurs malades en toute impunité. Comme si, aussi, les profanes ne pouvaient pas comprendre.

Aujourd’hui, pourtant, la situation autour des mesures d’enfermement et de contention – c’est-à-dire des patients attachés – dans les hôpitaux psychiatriques est inédite en France. Est-ce le grand retour de l’enfermement ? Depuis la Seconde Guerre mondiale, en tout cas, on n’a jamais connu cela. Les chambres d’isolement et les mesures de contention se sont multipliées. Il y a vingt ans, elles étaient rarissimes, aujourd’hui elles sont partout, dans presque tous les services de psychiatrie publique. Il n’y a aucun chiffre officiel, mais, jusqu’aux plus hautes autorités sanitaires, nul ne s’en étonne, bien au contraire. Ces dernières justifiant sans complexe cette privation de liberté, qui se fait pourtant en dehors de tout contrôle juridique sérieux.


SÉCURITAIRE. En décembre 2008, juste après l’assassinat d’un jeune par un malade mental échappé de l’hôpital psychiatrique de SaintEgrève (Isère), Nicolas Sarkozy avait tenu un discours uniquement sécuritaire pour la prise en charge des malades mentaux. Sur le moment, personne ne s’était trop étonné d’un plan pour créer 200 chambres nouvelles d’isolement. «Pourquoi ? Ils en manquent ?» ironisait, alors, un psychiatre de Lille. «Le plus grave, ce n’est pas qu’il y a en ait, note avec bon sens le Dr Mercuel, chef du service santé mentale et exclusion sociale du centre hospitalier de Sainte-Anne, à Paris, car on a besoin parfois d’isoler des patients. Mais l’impression que l’on a, c’est que chacun fait sa tambouille personnelle, au gré des difficultés de service» . Sans contrôle ni évaluation, sans même respecter les règles de fonctionnement, faute de personnel.

Depuis quelque temps, Jean-Marie Delarue, contrôleur général des lieux de privation de liberté, a pris en charge ce dossier et, avec son équipe, multiplie des visites. «Nous n’avons pas à juger la pertinence de ces mesures d’isolement, mais ce qui nous frappe à présent, c’est la variété des pratiques dans un même hôpital ou entre deux établissements. Et surtout l’absence de toute évaluation ». Il ajoute : «On a rencontré certaines formes de brèves phases d’isolement, juste quelques heures, le temps d’un répit thérapeutique nous dit-on. Cela peut se comprendre. Mais nous avons constaté des durées longues, très longues, de plusieurs semaines. Et nous avons vu aussi des isolements sans fin. Comme dans ce service de psychiatrie d’un hôpital général où un malade est enfermé dans une chambre avec un seul matelas, à moitié nu. Il est là depuis des années…».

Quand on lui demande ce qu’en disent les patients isolés, Jean-Marie Delarue note que la plupart d’entre eux se plaignent de ne voir jamais, ou si peu, leur psychiatre.


CHOQUÉS. Aujourd’hui, à Montreuil, en Seine-Saint-Denis, le collectif de la Nuit sécuritaire (www.collectifpsychiatrie.fr), qui s’était formé en riposte au discours de Nicolas Sarkozy de décembre dernier, va discuter toute la journée de cette question. Un débat que les membres du collectif jugent essentiel mais difficile car, même eux, sont gênés, certains choqués devant ces pratiques d’enfermement, d’autres moins. «On doit affronter cette question et ne pas se taire» , explique le psychiatre, Hervé Bokobza, coordonnateur de ce collectif. Michel Guyader, médecin chef de secteur dans l’Essonne, est plus virulent. Forte personnalité, il est l’un des rares psychiatres publics à se révolter ouvertement contre ces pratiques : «C’est pour moi, un déshonneur ». Mais il reconnaît aussi : «Dans mon service, il y a une chambre d’isolement, qui est trop utilisée. J’ai essayé de faire un moratoire, mais j’ai du mal.»






«On est là pour être soigné, pas pour être puni»

JULIEN et MARIE ont tous deux vécu l’isolement :


Julien

«Le pire, c’est cette impression d’être enfermé. Bon, c’est sûr, il y avait des raisons pour cela…

«Dans ce service fermé, c’était très violent, et je l’étais aussi. Ça hurlait de partout, c’était dur. Il n’y avait pas de psychiatres, que des infirmiers. Je hurlais, dans un état second. Ils ont appelé des gros bras d’autres services que je ne connaissais pas, puis ils m’ont traîné dans une chambre d’isolement. Une femme m’a enlevé mon pantalon, et ça m’a humilié. Ils m’ont mis en cage, comme au chenil, avec une piqûre dans les fesses. Après, j’ai perdu la notion du temps. Il faisait très chaud, je dormais presque continuellement, je n’avais pratiquement pas de vêtements, on pouvait me voir de dehors par une petite ouverture, je me sentais comme dans un zoo. J’avais chaud, je me sentais perdu, désorienté, sans repères. Il n’y avait pas de toilettes, et j’urinais dans un tube. «Les soignants ? Non, il y avait peu de paroles. Après, j’ai retrouvé mes esprits, j’étais moins agressif, il faut dire que ça calme ! Mais quand même il faudrait que les conditions soient plus humaines, avec un matelas convenable, des toilettes accessibles, des boissons et un évier.

«Une autre fois, j’étais dans ma chambre, cette fois-là en hospitalisation libre. Et, tout d’un coup, je me suis rendu compte que j’étais enfermé. Je dérangeais les soignants, alors ils m’avaient enfermé sans me prévenir. Et cela m'a choqué plus que le chambre d'isolement.»

Le mensuel Santé mentale, qui s’adresse aux équipes soignantes en psychiatrie, a consacré un dossier «Au vécu en chambre d’isolement». Voici deux des témoignages publiés par la revue, dans son numéro 139. cela, ça m’a choqué plus que la chambre d’isolement.»

Marie
«J’étais en hospitalisation libre, mais enfin libre de quoi… Après deux jours en chambre d’isolement, je ne comprends pas mon mode de placement. C’était long, trop long. On m’a mise là car je m’étais alcoolisée lors d’une sortie à l’extérieur. Je n’étais pas méchante, juste un peu gaie. On m’a fait souffler dans l’alcootest. L’alerte lancée, dix personnes m’ont poursuivie. J’ai pris des coups, poussé des cris. Arrivée dans la chambre, j’ai été déshabillée. Toute nue comme un ver. Aujourd’hui, j’en fais des cauchemars encore. On est humain, il y a d’autres solutions, non ? Je me suis sentie profondément humiliée.
De plus on m’a attachée, pieds et poings liés. Mise à nu devant les autres, en voilà des manières. On est ici, à l’hôpital pour être soignée, pas pour être punie.
«Après m’être un peu endormie, j’ai eu le sentiment d’avoir été abusée…
«Dans la chambre d’isolement, votre esprit, votre tête, votre conscience vous parlent. On plane parfois, et on range ses idées, ses bêtises.
«Vers la fin de mon séjour en isolement, je souffrais moins, je me raisonnais pour rester calme. Au moment de la sortie, on est venue me voir, et toujours nue on m’a présenté une grande culotte. Mettez-vous à ma place… Les autres patients m’ont dit : “Alors Marie, t’es sortie du trou ; t’es calme, ça va mieux.”
«Je suis sûre d’une chose, lorsque l’on a une grande souffrance, l’isolement ne suffit pas. L’idéal est de pouvoir parler à des équipes
formées à l'écoute. L'isolement, cela ne guérit pas et pire, ce n'est pas thérapeutique.»