par Miren Garaicoechea. publié le 1er juin 2021
«Enfin !» Associations de lutte contre le VIH et médecins auront attendu cinq ans. La Prep, traitement préventif contre l’infection par le VIH et donc la maladie du sida, peut être primo prescrite depuis ce mardi par n’importe lequel des 220 000 médecins, généralistes et spécialistes. Jusqu’ici, seuls les 300 centres gratuits de dépistage et de diagnostic (Cegidd) en métropole et en outre-mer, ainsi que les services hospitaliers spécialisés dans la prise en charge du VIH pouvaient permettre aux patients de commencer le traitement.
Le médecin traitant ne pouvait que renouveler l’ordonnance. «Pas suffisant pour casser les chaînes de nouvelles contaminations et faire baisser puis disparaître l’épidémie», a souligné Olivier Véran, ministre de la Santé, dans un communiqué publié vendredi. La pandémie du Covid-19 n’a rien arrangé : pendant le premier confinement, au printemps 2020, les délivrances de Prep ont baissé de 36%, a rappelé l’avis de la Haute Autorité de santé publié en avril. En mai, le Conseil national du sida s’était alarmé de la faible diffusion du dispositif et demandait à en faciliter l’accès.Elargissement réclamé de longue date
Autorisé en France depuis 2016, le comprimé de prophylaxie pré-exposition (Prep), composé d’antirétroviraux, est pris par 30 000 personnes séronégatives dans le pays, en très grande majorité des hommes. Remboursé intégralement par l’assurance maladie, il peut être suivi de manière ponctuelle ou continue, afin d’éviter une infection par le VIH. La Prep ne prévient par contre pas la transmission d’autres infections sexuellement transmissibles (IST), comme la gonococcie, syphilis, chlamydia…
Contrairement au traitement post-exposition, il faut prendre deux comprimés entre deux à vingt-quatre heures avant une prise de risque (par voie sexuelle lors d’un rapport sexuel, ou par voie sanguine lors d’un échange d’aiguille par exemple), un comprimé vingt-quatre heures après et un dernier quarante-huit heures après. Pour les prises continues, la prise orale est d’un comprimé par jour, pour des résultats efficaces dès le premier jour pour les hommes, sept jours après pour les femmes.
L’élargissement de la prescription du médicament était réclamé de longue date par les professionnels. «Ce n’est pas trop tôt ! lâche Jean-Christophe Nogrette, médecin et secrétaire général adjoint du Syndicat majoritaire des médecins généralistes MG France. C’est même une anomalie qu’il y ait fallu cinq ans, alors que ce traitement est très efficace. Il suffit de vérifier que la personne n’ait pas d’insuffisante rénale, et de prescrire des sérologies.» Pour ce médecin de Haute-Vienne, la mesure incitera plus de patients à consulter : «Certains patients viennent voir leur médecin généraliste en disant : “J’ai fait une connerie”. On pourra désormais les traiter, alors qu’elles ne seraient jamais allées à l’hôpital autrement.»
Complémentaire des autres outils de prévention
Cette mesure aura finalement mis six mois, et non «quelques semaines», comme initialement annoncé par le ministre de la Santé, Olivier Véran, en décembre à l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre le sida, à être effective. Aides, une des principales associations de lutte contre le VIH avec Sidaction, salue la bonne nouvelle. «En France, 170 000 personnes vivent avec le VIH, dont 25 000 ignorent leur statut sérologique. Chaque année, 6 000 à 7 000 personnes sont nouvellement diagnostiquées positives», rappelle Aurélien Beaucamp, le président de l’association Aides.
Dans ce contexte, la Prep est un outil non négligeable, complémentaire des autres outils de prévention, comme le préservatif, les dépistages réguliers, l’utilisation de matériel à usage unique lors de la consommation de drogues… «En 2018, on a observé une chute du nombre de personne nouvellement séropositive de 10%, grâce à l’arrivée de la Prep, associée aux dépistages tous les trois mois en complément, souligne Aurélien Beaucamp. Mais pour qu’il y ait une vraie chute, il faudrait proposer bien plus le traitement, notamment dans les communautés les plus discriminées, qui ont moins accès aux soins, comme les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, les travailleurs du sexe, les migrants, les usagers de drogue, les personnes transgenres.» Encore faut-il que les médecins n’aient pas de réticences à prescrire la Prep. Pour le syndicat MG France, cela ne fait aucun doute que les professionnels joueront le jeu. Pour les patients inquiets par la réaction d’un médecin, Aurélien Beaucamp conseille de se rendre dans l’un des 80 points d’accueil d’Aides sur le territoire. Un registre de médecins LGBT-friendly, créé avec d’autres associations de lutte contre le virus du sida, est également disponible en ligne.
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