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jeudi 3 juin 2021

« Ce virus doit provoquer une réflexion sur notre façon de vivre » : la pandémie de Covid-19, expérience fondatrice de la « génération Z »


 



Par   ,   ,   ,   et  Publié le 2 juin 2021




De Paris à Stockholm, en passant par Cork ou par Turin, les jeunes entrés dans l’âge adulte pendant cette période de pandémie ont été profondément affectés. Ils racontent la colère et la frustration d’avoir perdu leurs « meilleures années », leurs changements d’orientation, leurs nouvelles convictions politiques – en particulier sur le climat, mais aussi leur volonté de se recentrer sur la famille, les amis, la quête d’un métier qui a du « sens »… Après ce traumatisme, ils évoquent aussi le besoin de prendre soin, dans le futur, de leur propre santé mentale – l’une des priorités de cette « génération Z » (personnes nées entre 1995 et 2010).

Voilà ce qui ressort d’un appel à témoignages lancé par cinq médias européens (Le Monde, The Guardian, La Vanguardia, Süddeutsche Zeitung, La Stampa) auprès des 18-25 ans, sur leurs sites et sur les réseaux sociaux. Plusieurs centaines de réponses ont été reçues – essentiellement des étudiants et des actifs diplômés – qui, loin de représenter toutes les jeunesses, permettent de comprendre comment ces jeunes, pourtant les mieux armés pour réussir, ont été transformés par cette sidérante période.

  • Love Flike, 18 ans, lycéen, Stockholm : « La santé mentale sera le gros défi de ma génération »

Love Flike.

« Cette année m’a amené à complètement reconsidérer ce que je veux faire dans ma vie et a changé ma vision de l’avenir. Aujourd’hui, j’accorde bien plus de valeur qu’auparavant aux petites choses, comme faire une promenade ou participer à un événement public. En Suède, nous n’avons pas eu de véritable confinement, mais nous avons tout de même dû étudier à la maison une grande partie du temps. J’ai passé à présent plus de la moitié de mes années de lycée avec des cours en ligne et je m’inquiète de l’impact que cela peut avoir sur mon futur.

Je pense que les questions de santé mentale seront le grand défi de ma génération. Je ne pense pas que les professeurs réalisent l’impact énorme que les cours à distance ont pu avoir sur nous. Pour ma part, alors que je suis habituellement une personne joyeuse et optimiste, j’ai de plus en plus de jours où je me sens triste et où je n’ai pas envie de parler à mes parents.

La pandémie nous a appris beaucoup de choses. L’une d’elles est que nous avons vraiment besoin de changer notre mode de vie pour pouvoir maintenir la vie sur cette Terre, même si cela semble désormais une tâche impossible, à entendre la Suédoise Greta Thunberg parler de la crise climatique, comme elle l’a fait à l’ONU, en 2019. »

  • Josep Montserrat, 20 ans, étudiant à Torredembarra (Espagne) : « Le coronavirus a aggravé la situation des jeunes »

Josep Montserrat.

« La génération de nos parents a profité, en majorité, d’une qualité de vie que nous aurons du mal à obtenir. Je ne suis pas pessimiste, je suis réaliste. Je comprends bien qu’il est difficile d’avoir de longues périodes de prospérité dans l’histoire d’un pays. Mais aujourd’hui, pour la première fois dans l’histoire de l’Espagne, l’âge moyen d’émancipation des jeunes a atteint 32 ans. Nous subissons le plus fort taux de chômage des jeunes de toute l’Union européenne. La moitié des jeunes Espagnols de moins de 25 ans ne trouve pas d’emploi. Le coronavirus a aggravé cette situation lamentable, et d’autant plus chez des jeunes qui ont déjà subi la crise financière de 2008.

Nous devons profiter de la crise sanitaire, sociale et économique pour traiter des problèmes qui auraient dû être résolus depuis des années, comme les inégalités et le changement climatique. Dans ce monde marqué par la pandémie, l’autoritarisme est en plein essor, et les démocraties se fragilisent. L’Europe se doit d’écouter la voix des jeunes car nous sommes le seul futur possible. Si nous n’allons pas de l’avant, personne ne le fera. »

 

  • Margaux Carcan, 23 ans, élève à l’Ecole normale supérieure de Rennes : « J’ai eu une énorme prise de conscience sur l’écologie »

Margaux Carcan.

« Cette année, j’ai eu une énorme prise de conscience sur l’écologie. Avant je regardais ça de loin, je me disais « qu’est-ce que ça va changer si je mange de la viande deux fois par jour » ? Aujourd’hui je me sens beaucoup plus concernée. Si on ne prend pas soin de la nature et de la biodiversité, nous serons confrontés à des épidémies de plus en plus fortes. A nous d’initier nos parents à la réduction des déchets et des emballages plastique, à la consommation de produits locaux.

Plus que jamais, je refuse de rester vivre à Paris, où pourtant j’ai grandi. C’est une trop grande ville. Il y a trop de monde, trop de bruit, trop de nuisances. A l’avenir, je me vois dans une ville à taille humaine, comme Rennes. Ou même carrément à la campagne ; je n’y ai jamais vécu mais je crois que ça me plairait !

Depuis septembre 2020, je suis rentrée chez mes parents : autant économiser un loyer si je ne peux pas profiter d’une vie sociale. L’un de mes stages a été annulé et celui que j’effectue en ce moment se fait majoritairement en télétravail. Moralement, ça a été quand même assez dur, tous ces confinements. Mais j’essaie de rester optimiste. Je viens d’un milieu assez favorisé – mes deux parents sont journalistes –, donc je ne me sens pas légitime à m’inquiéter pour mon avenir. L’an prochain, je prévois de passer le concours de l’Ecole nationale de la magistrature. Un jour, je serai magistrate ! »

 

  • Claire-Lyse Thomann, 18 ans, lycéenne en terminale à Rennes : « Je me demande si c’est une bonne idée de faire des enfants dans ce monde »

Claire-Lyse Thomann.

« Le futur me fait peur. On nous dit qu’il y aura d’autres pandémies dans les années à venir, que la vie pourrait s’arrêter à nouveau plusieurs fois… J’en viens à me poser des questions sur ma vie à long terme. Je me demande de plus en plus si c’est une bonne idée de faire des enfants dans ce monde. A quoi bon pour qu’ils vivent ces crises, qui vont se répéter avec le dérèglement climatique ?

Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours vu le bac comme le Graal, ce qu’on voit au bout du chemin en se disant « un jour, ce sera mon tour ». C’est frustrant de savoir que non, ça ne sera jamais notre tour. J’en viens à me demander si mon diplôme aura une valeur. J’ai fêté mes 18 ans en début d’année et je pensais que cela rimerait avec profiter et liberté… Ne serait-ce que pouvoir aller en boîte de nuit ! Mais en juillet, je vais partir avec mes copains et je ne sais pas si ce sera possible d’aller danser. C’est un truc tout bête, mais c’était censé être l’été de mes 18 ans. Je ne pourrai jamais le rattraper.

J’ai l’impression que tout ce qu’on fait est destiné à protéger les personnes plus âgées et qu’on ne fait pas grand-chose pour les jeunes. On se sent oubliés. Avec le dernier confinement, on s’est retrouvés au lycée en demi-jauge alors qu’il n’y a pas eu la moindre contamination dans mon établissement depuis le début de l’année ! Il ne me reste qu’un mois de lycée, avant qu’on ne parte tous de notre côté, donc c’est très frustrant. L’an prochain j’irai en fac, et qu’il puisse de nouveau y avoir des cours à distance m’inquiète beaucoup. Je me demande comment je vais me faire des amis. »

 

  • Matthias Montesano, 21 ans, barman à Turin (Italie) : « Nous devons arrêter ce consumérisme extrême »

Matthias Montesano.

« Je suis barman de nuit et mon secteur a été l’un des plus touchés par la pandémie. Je n’ai pas pu travailler pendant longtemps et, comme j’adore mon métier, c’est comme si une part importe de ma vie avait été emportée.

Beaucoup de mes camarades se plaignent du gouvernement et des mesures restrictives adoptées, mais je pense que, dans l’ensemble, le système a bien fonctionné. Bien sûr, la pandémie a révélé de graves failles : notre système de santé précaire et obsolète, une hyper-bureaucratie, des lieux de culte ouverts par opposition aux musées et théâtres – oui à la religion et non à la culture, pourquoi ?

Nous devrions peut-être prendre ce virus comme un signe d’avertissement, comme un moment de réflexion pour changer notre façon de vivre. Surtout, ma génération, plus pauvre que la précédente, doit se rendre compte qu’il faut changer de mode de vie : arrêter l’hyper-consommation et aller à l’essentiel. Nous parlons de la survie de l’espèce dans les cent à deux cents prochaines années. Cela ressemble à l’intrigue d’un film de science-fiction…

Pourtant, je crois que cette pandémie peut être un véritable moment de transition. Je pense, par exemple, aux relations avec la famille : nous nous sommes rendu compte que, dans les moments difficiles, l’avoir à nos côtés est essentiel, un aspect qu’on devrait apprendre à apprécier chaque jour. »

 

  • Benoît Frimon-Richard, 25 ans, étudiant en pharmacie et à Sciences Po : « Je ne veux plus vivre à Paris »

Benoît Frimon-Richard.

« Le Covid-19 a bouleversé mes projets pour le futur. J’avais fait le choix, en plus de mes études de pharmacie, de suivre un master en politiques publiques à Sciences Po pour travailler dans une administration liée à la santé. J’ai fait plusieurs stages dans ce domaine. Mais depuis la pandémie, j’ai renoncé à cette idée. Aujourd’hui, je veux vivre à la campagne, aller au travail à vélo, avoir une vie plus respectueuse de l’environnement. Je me sentirai plus utile à travailler dans une pharmacie rurale, au contact des gens, plutôt que dans un bureau. D’ici à deux ans, je devrais reprendre une pharmacie dans une commune de 1 600 habitants nommée Angervilliers (Essonne).

Depuis le début de la pandémie, j’ai quitté le petit appartement que je louais à Paris – impossible de se confiner dans un si petit espace. Je suis retourné chez mes parents, dans la campagne à Egly (Essonne), et je suis mes cours en ligne. J’ai aussi pris un contrat de salarié à mi-temps dans une pharmacie, et j’ai pris goût à cette vie. Je dis en plaisantant que j’ai une vie monastique : depuis que je suis revenu à la campagne, je dors davantage, je mange mieux, je ne bois plus du tout d’alcool, je fais davantage de sport. Ma vie est monotone, mais le moral n’est ni bon ni mauvais. J’attends la suite. »

 

  • Matthieu Baubry, 19 ans, étudiant en licence de langues étrangères à La Roche-sur-Yon : « Je suis devenu fataliste »

Matthieu Baubry.

« J’ai peur. Peur que rien ne tienne. Peur que tout s’arrête du jour au lendemain. La crise m’a beaucoup changé : je suis devenu fataliste, j’ai l’impression qu’on ne s’en sortira jamais. J’aime bien être rassuré par des choses concrètes mais là tout est super flou. Quand j’entends des histoires de suicide d’étudiants, ça me choque réellement. Ça aurait pu être mes amis. Ça aurait pu être moi. Je n’ai même pas de colère : il n’y a personne à blâmer finalement. C’est plutôt une tendance à la résignation.

La partie cool de mon avenir, c’est que j’ai trouvé un boulot pour cet été. Je vais être serveur dans un restaurant sur la côte, près de la plage, vers Saint-Jean-de-Monts (Vendée). Je logerai encore chez mes parents, à Challans, mais ça ira parce que je n’y serai plus 24 h/24. Cet emploi va me permettre d’être enfin bien au chaud dans mes comptes : la pandémie m’aura au moins appris à mieux gérer mon argent. Maintenant, j’ai conscience que la galère peut surgir à tout moment : pendant le deuxième confinement, j’ai perdu mon job dans un supermarché et, malgré ma bourse, je n’étais plus capable de payer mon loyer. Sans mes parents, je me serais retrouvé à la rue.

Pendant cette crise, j’ai été dans une introspection quotidienne et j’ai réalisé que je voulais changer de voie. L’année prochaine, j’aimerais me réorienter en licence de lettres pour devenir journaliste, spécialiste des jeux vidéo. Suivre les compétitions en ligne, ça me fait vraiment kiffer. Mon rêve ? Vivre dans une petite maison dans le Sud. Un truc calme où il fait beau, avec un énorme champ et un élevage d’alpagas. Juste une petite vie tranquille. »

 

  • Renaud Held, 24 ans, diplômé d’Audencia, en CDI à Paris : « Je m’attends à subir une succession de graves crises »

Renaud Held.

« Lorsque j’ai commencé à chercher du travail dans le secteur de la culture, j’ai vite compris que les offres étaient de plus en plus rares. J’ai postulé à tout ce que j’ai pu, j’ai finalement été embauché en CDI par un festival de musique classique, le seul employeur qui m’avait répondu. Depuis janvier, je n’ai pas connu une vie professionnelle normale, pas d’apéros ou de déjeuners avec les collègues, par exemple.

Cette épreuve a eu néanmoins des conséquences positives, je me suis rapproché des amis de mon cercle restreint, je me contente de faire des choses simples. Une balade en forêt avec mes amis me rend heureux. J’ai aussi eu la chance d’avoir été confiné avec ma famille. Cela m’a permis de me rapprocher d’eux.

Je pense que le grand défi à venir sera le dérèglement climatique et je m’attends à subir une succession de graves crises qui en découleront : sécheresses, inondations, etc. Aujourd’hui je me rends compte qu’avec la fonte des glaces, la déforestation qui entraînera le contact avec des espèces animales, de nouvelles maladies feront leur apparition, c’est inévitable. Cependant, je reste optimiste car ma génération semble consciente du problème et désireuse d’y apporter des solutions. »

 

  • Lucie Fleury, 24 ans, diplômée de la London School of Economics et de l’université de Fudan (Shanghaï) : « Je me suis fortement politisée cette année »

Lucie Fleury.

« Je suis en stage à Genève, dans une ONG qui me plaît, mais je n’ai toujours pas fait le deuil de ma vie d’avant, qui comprenait infiniment plus d’aventures, de voyages, de découvertes et d’inconnu. J’ai la chance de n’avoir eu aucun souci financier durant cette crise, mais elle a quand même eu un fort impact sur mon moral – j’ai emménagé dans une nouvelle ville sans pouvoir rencontrer de nouvelles personnes, et je suis angoissée à l’idée que cette pandémie ne prenne jamais fin et que les choses empirent dans certains pays.

J’ai perdu un certain optimisme pour le futur, car je pensais avant que, ayant fait des études, je pourrais mener mes projets à bien. Ma période de recherche de stage, l’année dernière, m’a montré combien le marché de l’emploi était peu favorable en ce moment.

Mais la situation m’a aussi ouvert les yeux sur les politiques de notre gouvernement, notamment l’acharnement à réduire les financements de l’hôpital public, et à poursuivre le modèle néolibéral après la pandémie. Je me suis plus fortement politisée cette année, j’ai été choquée de la normalisation des thèmes de l’extrême droite par notre gouvernement. L’attaque du Capitole de Washington, le 6 janvier, m’a également beaucoup inquiétée et a remis en cause ma foi en la force de nos systèmes démocratiques. »

 

  • Mariska Faasen, 17 ans, lycéenne (Pays-Bas) : « Ce qui me rend furieuse, c’est l’injustice dont nous sommes victimes »

Mariska Faasen.

« La pandémie a complètement transformé ma vie. Je ne parviens pas à penser cette situation sans me mettre immédiatement en colère. Ce n’est pas que je me sente frustrée de ne pas pouvoir faire la fête, de passer du temps avec mes amis ou de rater des moments de ma vie que tous les adolescents s’attendent à expérimenter. Non ! Ce qui me rend furieuse, c’est l’injustice dont nous sommes victimes. Car c’est notre génération qui devra payer pour les fautes commises par ceux qui nous ont précédés.

Chaque entreprise, chaque restaurant qui a été fermé a reçu de l’argent. Mais ce sont nous, les jeunes, qui devrons payer des tonnes d’impôts pour rembourser cette dette. Le plus grand défi pour ma génération, ce sera de rembourser ces sommes dépensées pour sauver des sociétés au bord de la faillite.

Les personnes qui ont fait le moins pour cette planète, à savoir les personnes âgées, sont celles qui aujourd’hui décident de tout. Des pays (et le monde) ont été fermés, et le sont toujours, à cause d’eux.

Ce qui est important maintenant, c’est que la voix des jeunes soit entendue. Alors que nous vivons en démocratie, de nombreuses décisions qui auront des conséquences considérables sur nos vies à venir sont prises sans débat avec les principaux concernés.

Avant cette année Covid, les gens autour de moi ne m’avaient jamais vue triste ou en colère. J’étais une fille heureuse, je ne m’inquiétais de rien et je tirais toujours le meilleur parti de la vie. Maintenant, je me sens fragile. La famille a pris plus de place au cours de l’année écoulée. J’ai passé plus de temps à la maison, les liens se sont renforcés avec mes parents. Mais le reste de ma famille vit à l’étranger et me manque terriblement. »

 

  • Bastian Schäffauer, 23 ans, étudiant en mathématiques, à Karlsruhe (Allemagne) : « Je me sens délaissé et oublié par les politiques »

Bastian Schäffauer.

« Je ressens une frustration de plus en plus grande, et je la perçois aussi chez une grande partie de mon entourage. Je me sens délaissé et oublié par les politiques. J’ai l’impression que la plupart des mesures prises sont pensées pour le modèle typique des adultes qui travaillent et qui ont des enfants. La culture des gens qui cohabitent ensemble, ou celle des familles recomposées n’a pas l’air d’être un sujet.

Ma génération va devoir affronter de multiples problèmes, et ce n’est pas seulement à cause de la pandémie. Nous devrons réparer les erreurs du passé, qui ont causé d’énormes dégâts. Je pense ici à la crise climatique ou aux inégalités croissantes dans le monde.

D’un point de vue personnel, le confinement nous a beaucoup stressés, mon entourage et moi. L’incertitude, l’anéantissement de la vie quotidienne ont vraiment pesé lourd. Depuis la pandémie, mon bien-être psychique – ma santé mentale – est devenu quelque chose de beaucoup plus important qu’avant.

Même si j’ai réussi à poursuivre mes études, je suis profondément déçu par l’université. Ils n’ont rien mis en place pour nous soulager – en dépit des circonstances, tous les examens ont eu lieu comme si de rien n’était. Aujourd’hui, c’est devenu primordial pour moi de refaire beaucoup de sport à côté de mes études, et de ne pas manger seul le soir. Le dîner, c’était toujours le moment de grande déprime pendant le confinement. »

 

  • Loucas Sylvain, 19 ans, en BTS tourisme à Talence (Gironde) : « Nous sommes victimes de mauvais choix politiques »

Loucas Sylvain.

« Je termine un BTS de tourisme cette année. J’ai choisi cette voie il y a un peu plus de deux ans avec beaucoup d’enthousiasme et j’ai adoré… jusqu’au Covid. Aujourd’hui je n’ai qu’une hâte : que cette mauvaise histoire se finisse. Que j’en termine avec ce diplôme le plus vite possible. En mars 2020, j’avais planifié un stage de fin d’année comme réceptionniste dans un hôtel de l’île de Malte. J’avais aussi sollicité l’office de tourisme de la ville de Salies-de-Béarn (Pyrénées-Atlantiques). Mon entretien d’embauche était fixé au 17 mars, le premier jour du premier confinement. Ces deux projets ont été emportés par la crise sanitaire. Terminé la découverte de La Valette. Et cette année, mes cours en ligne étaient très peu motivants. J’ai pensé de nombreuses fois à abandonner – mais pour faire quoi ?

Aujourd’hui, alors que l’on sort de tout cela, le plus grand défi à relever est devant nous : il s’agit du dérèglement climatique. Nous devons agir vite pour éviter la catastrophe. Il y aura d’autres maladies et nous devons être prêts à prendre des mesures fortes. Il faut réduire la place de l’avion, améliorer la desserte du train, sensibiliser les plus jeunes à cette urgence environnementale, éduquer les enfants à l’impact des gestes de chacun au quotidien. »

 

  • Eloïse Queally, 19 ans, étudiante en management à Londres : « Le monde doit revoir sa façon de fonctionner »

Eloïse Queally.

« Mon opinion sur ce qui compte vraiment a changé depuis la pandémie. Je crois aujourd’hui que ce qui est important, c’est de passer des bons moments avec mes amis les plus proches et ma famille, plutôt que de me disperser auprès de personnes qui ne comptent pas vraiment pour moi. Les périodes de confinement ont fragilisé ma santé mentale. J’ai été déprimée et énervée. Les examens m’ont énormément stressée et je n’ai pas senti de soutien de mon école quand j’étais mentalement fragile.

Notre grand défi, désormais, c’est de pouvoir trouver des emplois et des stages. J’ai fait des recherches mais sans beaucoup de succès, car les entreprises n’ont pas vraiment de temps à accorder aux jeunes qui arrivent sur le marché. Ou alors elles proposent des stages à distance, ce qui n’est pas la meilleure formule pour apprendre comment elles fonctionnent.

Je crois aussi qu’après la pandémie le monde entier doit revoir sa façon de fonctionner. Cette crise majeure est la conséquence d’une surpopulation dans des zones de la planète où les normes d’hygiène n’existent pas. Des populations vivent dans des conditions inhumaines, les unes sur les autres, souffrants de malnutrition, sans accès à l’eau courante et potable. »

 

  • Mickaël Rochat, 21 ans, en troisième année de bachelor en relations internationales à Paris : « Partir à l’étranger est mon échappatoire »

Mickaël Rochat.

« J’ai la sensation de faire partie d’une génération sacrifiée. Je suis encore stupéfait que nos universités aient dû fermer leurs portes pendant presque une année, réduites à nous accueillir seulement un jour par semaine, nous laissant seuls face à nos écrans dans des espaces parfois exigus – je vis dans 11 m2. Pendant un an, nos interactions sociales et notre vie culturelle ont été réduites à néant. A cela est venue s’ajouter l’annulation de mon échange universitaire à Taïwan, quelques semaines avant le départ.

L’impact de cette crise sur nous, les jeunes, aura de larges répercussions. Je suis face à un marché de l’emploi plus incertain que jamais, et je m’inquiète de l’instant où les aides gouvernementales seront stoppées et où les effets de la crise se feront réellement sentir, démultipliant les faillites d’entreprises. J’ai l’impression que je n’ai aucune possibilité de carrière en France et que je ne pourrai pas m’y épanouir. Je crains que la France ne doive faire face à une fuite des diplômés qui se retrouveront face à un marché du travail national ne proposant pas de perspectives. Partir à l’étranger est mon unique échappatoire.

Il faut également ajouter que, nous, étudiants aujourd’hui, devrons demain payer la dette contractée par nos gouvernements pour faire face à l’épidémie. Mais comment demander à une génération sacrifiée de rembourser les montants astronomiques qui n’auront servi qu’à perpétuer un système inégalitaire et destructeur ? »

 

  • Francesco Cannito, 24 ans, étudiant à l’université de Parme : « Beaucoup de jeunes ont perdu le goût d’être ensemble »

Francesco Cannito.

« L’année 2020 a bouleversé ma vie. Le superflu a disparu de mon quotidien et j’ai fait une sélection des choses qui sont vraiment importantes pour moi. Parmi celles-ci, il y a mes proches, pour ne jamais se sentir seul même lorsqu’on l’est chez soi. Il y a aussi ma passion que, heureusement, je peux pratiquer à la maison, puisque je suis musicien. Et puis, la santé mentale : c’est l’une de nos ressources les plus précieuses, que nous devons toujours essayer de préserver. Cette situation m’a aidé à comprendre une chose : l’un des plus grands défis de ma génération sera peut-être d’origine relationnelle.

Beaucoup de gens ont changé négativement avec l’isolement, beaucoup de jeunes ont perdu le goût de la vie et le plaisir d’être ensemble, uniquement parce qu’ils n’en ont pas eu l’occasion et se sont donc habitués à cette normalité déformée.

C’est dommage pour eux et pour nous tous, car nous sommes des enfants de cette période. Nous avons été marqués et nous serons conditionnés par cet événement unique. Je me suis retrouvé à devoir à nouveau vivre chez mes parents lors du premier confinement, après avoir quitté la maison il y a quatre ans. Je l’ai vécu comme un cadeau : j’ai construit et reconstruit des relations avec mes parents et mon frère, et je pense que c’était le seul grand avantage de cette pandémie. »

  • Chloé Lassel, 22 ans, en master de droit de la propriété intellectuelle, à l’université Versailles-Saint-Quentin : « La crise m’a donné envie de changer de voie »

Chloé Lassel.

« La crise sanitaire m’a donné envie de changer d’orientation. Pour la première fois, depuis un an et demi, je n’ai plus été entourée de camarades dont l’objectif était de réussir dans le droit. Je me suis retrouvée seule chez moi, entourée de mes bouquins, dans mon univers très littéraire, et j’ai commencé à m’interroger. Cela m’a permis de me rendre compte que j’aspire à autre chose que ce monde très contractuel, où la question est surtout de présenter au client « vous allez gagner tant ». Je souhaite un métier où je serai dans l’échange.

Depuis un an, je travaille le week-end dans une librairie de mon quartier. J’adore l’idée de conseiller des livres, de participer à la vie de ce secteur. J’ai eu l’occasion de rencontrer des auteurs et j’ai aimé leur passion quand ils parlent de leur œuvre. Cela m’a confirmé que je voulais travailler dans ce domaine, pourquoi pas dans l’édition.

Ce qui m’inquiète avec la crise, c’est l’écart qui s’est accentué entre les classes sociales. Les personnes les plus pauvres sont encore plus pauvres, des personnes qui ne l’étaient pas le sont devenues, comme certains de mes camarades étudiants. Comment les aider à s’en sortir ? J’ai peur aussi qu’un ressentiment ne s’installe durablement. Cela ne peut déboucher que sur des conflits. »


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