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jeudi 3 juin 2021

Les petites mains de l'Education nationale Atsem en maternelle : «On n’aurait pas été là, comment les enseignants auraient fait classe ?»

par Elsa Maudet  publié le 2 juin 2021

Parce que les professeurs ne sont pas seuls à faire tourner l’école, «Libération» donne la parole aux métiers de l’ombre, eux aussi touchés par la pandémie. Parmi eux, les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles. 
Depuis le début de la pandémie de Covid-19 en France, l’école est au cœur des préoccupations et, avec elle, élèves et enseignants. Mais, dans l’ombre, des travailleurs permettent à la machine de continuer à fonctionner, tout en pâtissant eux aussi de conditions d’exercice dégradées. Cette série d’articles sur «les petites mains de l’Education nationale» vise à les mettre en lumière. Deuxième épisode : les Atsem.

Au plus fort du protocole sanitaire, l’an passé, elles devaient laver les mains des enfants jusqu’à dix fois par jour. Dix passages aux lavabos pour pas loin de trente marmots pas franchement champions de vitesse. Depuis, ça dépend. Certaines Atsem (agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles), ces professionnelles présentes en classe au quotidien au côté des enseignants de maternelle, ont dû maintenir ce rythme soutenu, d’autres ont pu lever le pied, au gré de l’évolution de l’épidémie et des décisions des communes qui les emploient. Mais toutes celles interrogées par Libération l’assurent : ces derniers mois, leur boulot a changé.

«Avec le Covid, on a une surcharge de travail impressionnante»,souffle Pascale, qui officie en Occitanie. En temps normal déjà, les Atsem sont garantes de l’hygiène, tant de la classe que des enfants. Alors, depuis un an, outre les passages récurrents aux sanitaires, elles – la profession est quasi-exclusivement féminine – frottent, astiquent, désinfectent tout ce qui traîne, c’est-à-dire un sacré paquet de trucs.

Dans le monde d’avant, Pascale emmenait les enfants à la cantine le midi et déjeunait avec eux. Un moment privilégié de partage. Désormais, le repas doit être pris dans la classe. «Dès que l’enseignante part [déjeuner], on désinfecte les tables, on dresse, on sert, on re-désinfecte. C’est non-stop, précise cette femme de 58 ans. On fait ça tout en ayant les enfants dans les pattes, c’est de la folie furieuse.»

Câlins et bisous

Le Collectif indépendant Atsem de France, qui fédère près de 14 000 professionnelles sur les quelque 52 000 exerçant dans le pays, assure avoir reçu nombre de témoignages d’agentes en souffrance, victimes de burn-out. «On leur met trop la pression», indique Mélodie, administratrice de l’association dans les Hauts-de-France, par ailleurs personnellement bien lotie. «Au départ, on a eu un gros coup de stress, mais le maire m’a rassurée, il m’a dit : “On voit que tu fais ton maximum, ne t’inquiète pas”», raconte cette femme de 42 ans, dont 21 en tant qu’Atsem. De son côté, si Pascale tire la langue, elle s’exécute. «On ne voudrait pas qu’il y ait un problème quelconque, donc on essaye de se tenir à ce qu’on nous demande. Je n’ai aucune envie qu’un enfant ait un souci et de me sentir responsable», relate-t-elle, au diapason d’autres professionnelles interrogées.

«Le sens premier du métier, c’est d’être auprès des enfants pour les apprentissages», note Nadia, Atsem dans la Creuse. Mais à force de tout récurer, «on a moins de temps avec les enfants et les enseignants», regrette-t-elle. Il est une citadelle, toutefois, que les protocoles sanitaires n’ont pu prendre : l’affection donnée aux petits. Qu’importent les règles de distanciation à respecter, ces professionnelles, qui revendiquent leur place de confidentes, ne refusent ni câlins ni bisous aux bambins de 3 ou 4 ans qui gravitent autour d’elles. Le port du masque leur apparaît suffisamment problématique dans leurs échanges avec les élèves, pas la peine d’en rajouter.

Enfants du personnel soignant

Lors du premier confinement, alors que les écoles étaient fermées, «des maires ont eu l’impression de payer des agents à ne rien faire et ont considéré que ce n’était pas normal», se souvient Julien Quintin, représentant du Snuter, syndicat des agents territoriaux, dans l’Oise. Résultat, des Atsem ont été envoyées ailleurs, au gré des besoins. Qui dans un service des espaces verts, qui pour nettoyer la salle des fêtes, qui dans un Ehpad – en plein pic épidémique et alors que les masques manquaient en France. «Les Atsem ont gardé les enfants du personnel soignant et ça n’a pas été dit. On disait : “Merci les enseignants”, et il le fallait, mais beaucoup d’Atsem ont complété les équipes. A des endroits, elles ont gardé, seules, les enfants parce qu’il n’y avait pas assez d’enseignants volontaires», tient à préciser Isabelle, fondatrice et administratrice du Collectif Atsem national.

Parce qu’elles sont au four et au moulin – à ranger, faire le ménage, encadrer des ateliers pédagogiques, superviser la cantine, gérer la garderie… –, les Atsem goûtent peu leur manque de reconnaissance. «Personne ne s’inquiète de savoir comment on s’en sort et comment on gère», affirme Pascale, qui trouve «injuste que les enseignants aient une prime Covid et pas nous». «Si on n’était pas dans l’école, ça ne fonctionnerait pas. On n’aurait pas été là pendant le Covid, comment les enseignants auraient pu faire classe ?» interroge-t-elle. En 2018, lors des assises de la maternelle, Emmanuel Macron avait parlé des Atsem comme d’«un trésor dont nous ne saurions nous passer». Un trésor payé autour du Smic qui aimerait qu’enfin on prenne la mesure de sa valeur.



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