par Elsa Maudet et et photo Marie Rouge publié le 22 mai 2021
Alicia (1) gamberge : «Si on avait fait de la prévention dans mon établissement, je n’en serais peut-être pas là.» Du haut de ses 20 ans et deux relations sentimentales violentes, elle prend du recul, décortique, analyse ce qui lui est arrivé. A 16 ans, d’abord : un garçon avec qui elle se met en couple trop vite, car mise sous pression par l’intéressé et l’amie qui les a présentés. «J’ai cédé», dit la jeune femme à la queue-de-cheval blonde et aux fins traits d’eye-liner au coin des yeux. Lui a trois ans de plus, davantage d’assurance. De quoi prendre l’ascendant psychologique sur l’ado «très renfermée» qu’elle est alors, lui dire que lui sait et pas elle. Alicia n’a pas beaucoup d’expérience amoureuse, alors, face à cette relation toxique, «ce n’est pas comme quand on est adulte et qu’on a eu le temps d’intérioriser ce que c’est d’être avec quelqu’un. C’est quelque chose de nouveau», juge-t-elle. Grâce à un «petit jeu de manipulation», son compagnon d’alors l’isole. «J’ai perdu pas mal de potes à cette époque», confie-t-elle.
«Je me suis sentie sortir de mon corps»
Et puis, «il y a eu des viols conjugaux répétés». Ces rapports sexuels dont il savait pertinemment que lui seul les désirait. «Après, dans d’autres relations, on a peur de dire “non”. On a l’impression que notre “non” ne veut plus rien dire», observe Alicia. Elle se remémore cette fois où, lors d’un rapport consenti, il lui a mis des fessées sans prévenir. En soi, la pratique ne rebute pas l’adolescente, mais pas comme ça. «Il a tapé au point que j’en avais vraiment très mal. Je me suis éteinte, je me suis sentie sortir de mon corps, je n’étais plus du tout là», resitue-t-elle.
Au bout d’un an de relation, elle trouve finalement le courage de le quitter. Puis rencontre un autre garçon, une «personne psychologiquement fragile», qui a sans cesse besoin d’être rassuré. «Au premier date, il m’a dit “je t’aime”», raconte Alicia. Globalement incapable de gérer la frustration, il aura «des pétages de câble particulièrement prononcés». La jeune fille finit par le quitter, ce qu’il prend étonnamment bien. Alors leur relation évolue, plus apaisée, et ils deviennent amants. Une relation légère et supposément sans attaches – elle découvrira plus tard qu’il suit son téléphone grâce au partage de géolocalisation. «C’est là qu’il y a eu des violences sexuelles», indique-t-elle. Comme ce jour où elle refuse un rapport, lui insiste lourdement, puis finit par faire une crise d’angoisse. La jeune femme le console et finit par coucher avec lui. «Ce n’était pas une relation consentie. J’aurais dû tenir et j’ai cédé»,estime-t-elle, reportant ainsi une part de la responsabilité sur elle.
Remplir le vide
Alicia a réussi à comprendre ce qui lui était arrivé grâce à un accompagnement psychologique mais aussi grâce à… Instagram. Et notamment au compte Paye ton couple, qui diffuse des témoignages de violences. «Si, en tant qu’ado en développement, on doit se rendre sur un réseau social pour apprendre des choses, et pas s’appuyer sur les parents, l’école, c’est triste. Le consentement, c’est quelque chose qu’on ne nous apprend pas. J’aurais pu éviter pas mal de trucs s’il y avait eu de la prévention», assure-t-elle. Si elle prend la parole, c’est justement pour remplir ce vide : «J’espère que mon expérience permettra à d’autres personnes de ne pas tomber dans les mêmes écueils que moi.»
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