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mardi 16 février 2021

Face à la détresse de la jeunesse, le retour du débat sur le revenu universel

Par  et   Publié le 15 février 2021

Gouvernement et oppositions cherchent à promouvoir des mécanismes de revenu garanti, sans pour autant renoncer à ramener vers l’emploi cette « génération sacrifiée ».

Ce fut l’idée-phare de la campagne de Benoît Hamon, en 2017 : un « revenu universel » afin de lutter contre la précarité à l’ère du chômage de masse. Elle revient sur le devant de la scène à la faveur de l’épidémie de Covid-19, dont les répercussions économiques se font plus criantes à mesure que la crise s’éternise.

Etudiants dépourvus de petits boulots ou privés de premier emploi, intérimaires brutalement remerciés… Les jeunes, qui affluent dans les files d’attente des banques alimentaires, sont désormais considérés comme victimes à part entière. La crise a pesé deux fois plus sur le revenu des 20-25 ans, qui a chuté de 5 % à 10 % depuis l’été 2020, que sur celui du reste de la population française (+/– 0 % à − 5 %), alertait ainsi une étude du Conseil d’analyse économique publiée fin janvier.

C’est pour y remédier que les députés du Parti socialiste (PS), Boris Vallaud (Landes) et Hervé Saulignac (Ardèche), ont présenté une proposition de loi, qui devrait être débattue jeudi 18 février à l’Assemblée nationale dans le cadre de leur niche parlementaire. Leur idée est de créer un « minimum jeunesse ». Le principe : « un revenu de base » de 564 euros par mois à partir de 18 ans, et une « dotation universelle » en capital de 5 000 euros.

Ses promoteurs sont conscients du caractère symbolique de leur démarche – la proposition a déjà été refusée en commission. Les socialistes, longtemps réticents à un tel « RSA jeunes », au nom de la valeur travail chère à la gauche, plaidaient jusqu’alors pour des mesures d’accompagnement des jeunes précaires pour entrer sur le marché du travail. Mais ils le reconnaissent désormais : dans l’urgence de la crise sociale, il est nécessaire, selon eux, de combler une lacune de l’actuel revenu de solidarité active (RSA) : cette aide mensuelle de 564 euros (aide personnalisée au logement, APL, comprise) n’est aujourd’hui versée qu’à partir de 25 ans – sauf rares exceptions : avoir travaillé deux ans, être jeunes parents.

« Idée crypto-communiste ou néolibérale… »

Les écologistes sont sur la même longueur d’ondes, avec leur « revenu citoyen ». Proposant une fusion du RSA et de la prime d’activité, ils veulent porter le montant de ce revenu minimum à 665 euros. Yannick Jadot l’a rappelé, dimanche 14 février sur BFM-TV : « Il faut ouvrir un revenu minimum aux jeunes en difficulté comme on le fait pour les adultes. Ils doivent pouvoir profiter des outils de protection sociale qui sont disponibles à condition qu’ils soient indépendants financièrement », a plaidé le député européen. Mais sans aller jusqu’au revenu universel d’existence (RUE) cher à Benoît Hamon et à son mouvement Génération.s.

Dans un ouvrage récent – Ce qu’il faut de courage. Plaidoyer pour le revenu universel (Equateurs, 256 p., 18 euros) –, l’ancien candidat à la présidentielle assure que son RUE, ouvert à tous sans condition dès 18 ans et dont la généralisation serait progressive, permettrait de « reconnaître la contribution de chacun dans la société ».

Comme le PS, une partie de la droite est en train de changer de pied. Mi-décembre 2020, dans un entretien à L’Obs, Aurélien Pradié, secrétaire général du parti Les Républicains (LR), plaidait pour un « revenu vital » de 715 euros versé à partir de 18 ans, qui« se substituerait à tous les autres dispositifs d’aide sociale » à condition d’avoir « consacré deux mois de sa vie à l’utilité sociale »(association, collectivité, intérêt général…).

Mais le 10 février, plus trace du projet dans le programme antipauvreté présenté par LR. Rétropédalage ? « Je ne l’ai jamais proposé dans notre plan pauvreté, c’est davantage une conviction de long terme », jure le numéro trois du parti, non sans admettre : « Le problème, c’est que le revenu universel, ce peut être une idée crypto-communiste ou néolibérale… » Et de mettre les points sur les « i » : « Ma proposition de revenu de base ne serait pas une dépense, car il se substituerait à la multitude d’aides sociales existantes », assure M. Pradié.

Les cadres de La France insoumise (LFI) sont, eux, prudents et sceptiques sur l’universalité. Eric Coquerel en convient : « Personne ne doit vivre en dessous du seuil de pauvreté : c’est pourquoi nous appelons à un revenu garanti. » Mais, estime le député de Seine-Saint-Denis, « un revenu universel donné à chacun quel que soit son revenu, ce n’est pas notre position, pour des raisons de justice sociale et parce que notre sujet, c’est le partage du temps de travail. Il ne faudrait pas que cette idée de revenu universel justifie que la société du plein-emploi n’est plus possible », prévient M. Coquerel.

Accompagnement vers l’emploi

Au sein de l’exécutif, on assure prendre le désarroi des jeunes à bras-le-corps, mais par un autre versant. Le plan « un jeune, une solution » (7 milliards d’euros au total) met depuis l’été 2020 l’accent sur la garantie jeunes pour les moins de 25 ans. Les bénéficiaires de ce dispositif, hérité de François Hollande, touchent jusqu’à 500 euros mensuels dans le cadre d’un accompagnement à l’emploi. Leur nombre devrait doubler en 2021, de 100 000 à 200 000 jeunes. Et la ministre du travail, Elisabeth Borne, planche sur une « garantie jeunes universelle », en fait un élargissement du dispositif existant.

« Nous comptons adjoindre une rémunération à tous nos autres outils d’accompagnement. L’objectif est d’arriver à un dispositif qui soit plus satisfaisant que le RSA jeunes avec, outre l’aide financière, un accompagnement personnalisé vers l’emploi », précise l’entourage de la ministre. Quant aux aides à l’embauche de jeunes et d’apprentis, censées se terminer fin mars, elles pourraient être prolongées jusqu’en fin d’année.

En revanche, le revenu universel d’activité (RUA) semble dans les limbes. Cet outil dont le but est de fusionner plusieurs prestations sociales (RSA, prime d’activité, APL…) afin d’en faciliter l’accès, était pourtant présenté avant la crise comme l’un des grands chantiers du quinquennat. « La vraie urgence est là, insiste Xavier Ragot, le président de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Le problème principal est le taux énorme de non-recours chez les bénéficiaires du RSA, d’environ 30 %. »

« Universaliser la garantie jeune, c’est la première étape du RUA. Le but n’est pas que tout le monde ait un revenu de base mais que chacun ait droit aux aides s’il en a besoin », indique Stanislas Guérini, le délégué général de La République en marche (LRM). Lui se dit opposé au revenu universel : « Je plaide dans cette période exceptionnelle pour aller plus loin avec la garantie jeune, l’ouvrir aux jeunes en études. C’est notre logique, celle de l’autonomie et de l’émancipation. » Reste à savoir si cela sera suffisant pour adoucir les bouleversements les plus rudes de cette crise inédite.


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