Une moisson de beaux livres explore en images le couple, la tendresse et les affects sentimentaux. Sélection.
Notre espèce a-t-elle besoin de se réchauffer les yeux à la lueur de l’amour ? Pure coïncidence ou réaction souterraine après une année d’isolement, la crise sanitaire produit un effet loupe sur un petit nombre d’ouvrages passionnants qui placent le sentiment amoureux au centre des images. Dans les vitrines des libraires, trône cet hiver, par exemple, Ils s’aiment, un impressionnant volume avec plus de 350 clichés d’hommes amoureux. Issues de la collection de deux Américains, Hugh Nini et Neal Treadwell, les photographies anonymes couvrent un siècle d’amour homosexuel, entre 1850 et 1950. L’album des collectionneurs commence le jour où le couple tombe sur une photographie des années 20 avec deux hommes qui leur ressemblent et dont ils croient déceler une étincelle dans le regard : ils y voient le reflet de leur propre lien. Pour agrandir leur collection, Nini et Treadwell suivent alors la règle du «50-50» : être convaincus à au moins 50 % qu’il s’agit de deux hommes vraiment amoureux. Depuis, les collectionneurs ont accumulé plus de 2 700 clichés de couples masculins - dont pas mal de soldats - originaires de Serbie, Bulgarie, Hongrie, Russie, Royaume-Uni, Thaïlande, Australie, qu’ils chinent sur Internet, dans les ventes aux enchères ou via des revendeurs. Après avoir trouvé plusieurs photos de garçons posant sous un parapluie ou une ombrelle, ils ont compris que l’accessoire était un code du tendre qui traversait les époques.
La Monica d’Yves Tremorin. Editions Lamaindonne
Dans le sensuel Monica du Français Yves Trémorin, ce n’est pas un siècle d’amour, mais la naissance de la passion qui est racontée. Une passion qui dure et se prolonge encore aujourd’hui. Alors qu’il n’a pas son bac en poche, le photographe, 18 ans, immortalise pour la première fois la mine boudeuse de Monique, abordée dans la rue pour son élégance et sa beauté. Suivront alors des séances de prises de vue où transpire l’adoration de l’esthète pour la beauté d’une femme, pour ses yeux de chat, pour ses lèvres pulpeuses, pour ses boucles souples et ses courbes parfaites. Parfois, le photographe apparaît par bouts dans l’image - des pieds, une main, un visage - comme pour rappeler qu’il s’agit d’une relation à deux, d’un échange amoureux. Amante, modèle, critique, Monique s’offre au regard de celui qu’elle aime et le soutient dans son art. Dans ce livre poignant qui souligne les mystères de l’attraction, intercalé de planches-contact comme autant d’esquisses de peintre, la divine Monique devient Monica, star de cinéma d’un homme épris pour la vie.
Dans le livre Face to Face. Seiichi Furuya. Chose Commune
Toutes les histoires de couple ne finissent pas aussi bien. Dans le déchirant Face to Face de Seiichi Furuya et Christine Gössler, amour et photographie riment plutôt avec tragédie. Le photographe japonais, un des fondateurs du magazine Camera Austria, installé à Graz (Autriche), a déjà consacré cinq livres à sa femme Christine Gössler, schizophrène, morte par défenestration en 1985. Face to Face est l’ultime volume de cette série intitulée Mémoires, consacrée à leur histoire d’amour née en 1978. C’est en retrouvant dans ses archives des portraits de lui pris par Christine que Seiichi Furuya se remémore soudain le petit jeu qui les unissait : il la prenait en photo, alors elle faisait de même, dans un mimétisme affectueux. Au fil des pages d’une chronologie soigneuse, s’égrainent les moments de bonheur et la vie quotidienne. Entre voyages au Japon, déplacements à Vienne, Londres ou Amsterdam, Noël en famille, un enfant naît. Le jeu photographique monté en miroir sur les doubles pages du livre raconte la complicité du couple dans les trains, au ski ou sur les routes de campagne. Si l’on sait qu’il la perd à la fin, sans jamais avoir complètement abdiqué, Seiichi Furuya semble aussi se retrouver.
Hernie et Plume de Katherine Longly. Eriskay Connection
«La plus belle preuve d’amour, c’est qu’il ne m’a pas abandonnée quand j’ai été chez les fous. Il ne m’a jamais abandonnée : ça, c’est l’amour», dit Nicole à propos de Blieke dans Hernie et Plume de Katherine Longly. Alors que la photographe immortalise des décorations de Noël dans un camping de la banlieue bruxelloise, elle fait la rencontre de Blieke et Nicole qui l’invitent à boire une bière. Elle se lie d’amitié avec le couple âgé qui dévoile peu à peu son histoire. Le livre est monté comme une enquête où l’on apprend, petit à petit, que les deux se sont rencontrés à l’hôpital, qu’ils sont des zwanzeurs - ils adorent faire la fête -, qu’ils possèdent un petit chien (Plume) et une perruche (Hernie), que monsieur est un ancien policier d’élite et que madame a été conductrice de tram à Bruxelles. Dans ce couple, que Katherine Longly dépeint sur un mode étonnant comme des Bonnie and Clyde bambocheurs, Blieke finit par mourir de vieillesse, mais la vie semble avoir été douce et loufoque dans ce chalet modeste et joyeux. «Il me manque» est la dernière phrase prononcée par Nicole dans le livre.
Ils s’aiment de Hugh Nini et Neal Treadwell Ed. les Arènes et 5 Continents, 336 pp.Hernie & Plume de Katherine Longly The Ericksay Connection, 88 pp.Face to Face de Seiichi Furuya et Christine Gössler Chose commune, 168 pp.Monica d’Yves Trémorin Ed. Lamaindonnée, 124 pp.
Notre espèce a-t-elle besoin de se réchauffer les yeux à la lueur de l’amour ? Pure coïncidence ou réaction souterraine après une année d’isolement, la crise sanitaire produit un effet loupe sur un petit nombre d’ouvrages passionnants qui placent le sentiment amoureux au centre des images. Dans les vitrines des libraires, trône cet hiver, par exemple, Ils s’aiment, un impressionnant volume avec plus de 350 clichés d’hommes amoureux. Issues de la collection de deux Américains, Hugh Nini et Neal Treadwell, les photographies anonymes couvrent un siècle d’amour homosexuel, entre 1850 et 1950. L’album des collectionneurs commence le jour où le couple tombe sur une photographie des années 20 avec deux hommes qui leur ressemblent et dont ils croient déceler une étincelle dans le regard : ils y voient le reflet de leur propre lien. Pour agrandir leur collection, Nini et Treadwell suivent alors la règle du «50-50» : être convaincus à au moins 50 % qu’il s’agit de deux hommes vraiment amoureux. Depuis, les collectionneurs ont accumulé plus de 2 700 clichés de couples masculins - dont pas mal de soldats - originaires de Serbie, Bulgarie, Hongrie, Russie, Royaume-Uni, Thaïlande, Australie, qu’ils chinent sur Internet, dans les ventes aux enchères ou via des revendeurs. Après avoir trouvé plusieurs photos de garçons posant sous un parapluie ou une ombrelle, ils ont compris que l’accessoire était un code du tendre qui traversait les époques.
La Monica d’Yves Tremorin. Editions Lamaindonne
Dans le sensuel Monica du Français Yves Trémorin, ce n’est pas un siècle d’amour, mais la naissance de la passion qui est racontée. Une passion qui dure et se prolonge encore aujourd’hui. Alors qu’il n’a pas son bac en poche, le photographe, 18 ans, immortalise pour la première fois la mine boudeuse de Monique, abordée dans la rue pour son élégance et sa beauté. Suivront alors des séances de prises de vue où transpire l’adoration de l’esthète pour la beauté d’une femme, pour ses yeux de chat, pour ses lèvres pulpeuses, pour ses boucles souples et ses courbes parfaites. Parfois, le photographe apparaît par bouts dans l’image - des pieds, une main, un visage - comme pour rappeler qu’il s’agit d’une relation à deux, d’un échange amoureux. Amante, modèle, critique, Monique s’offre au regard de celui qu’elle aime et le soutient dans son art. Dans ce livre poignant qui souligne les mystères de l’attraction, intercalé de planches-contact comme autant d’esquisses de peintre, la divine Monique devient Monica, star de cinéma d’un homme épris pour la vie.
Dans le livre Face to Face. Seiichi Furuya. Chose Commune
Toutes les histoires de couple ne finissent pas aussi bien. Dans le déchirant Face to Face de Seiichi Furuya et Christine Gössler, amour et photographie riment plutôt avec tragédie. Le photographe japonais, un des fondateurs du magazine Camera Austria, installé à Graz (Autriche), a déjà consacré cinq livres à sa femme Christine Gössler, schizophrène, morte par défenestration en 1985. Face to Face est l’ultime volume de cette série intitulée Mémoires, consacrée à leur histoire d’amour née en 1978. C’est en retrouvant dans ses archives des portraits de lui pris par Christine que Seiichi Furuya se remémore soudain le petit jeu qui les unissait : il la prenait en photo, alors elle faisait de même, dans un mimétisme affectueux. Au fil des pages d’une chronologie soigneuse, s’égrainent les moments de bonheur et la vie quotidienne. Entre voyages au Japon, déplacements à Vienne, Londres ou Amsterdam, Noël en famille, un enfant naît. Le jeu photographique monté en miroir sur les doubles pages du livre raconte la complicité du couple dans les trains, au ski ou sur les routes de campagne. Si l’on sait qu’il la perd à la fin, sans jamais avoir complètement abdiqué, Seiichi Furuya semble aussi se retrouver.
Hernie et Plume de Katherine Longly. Eriskay Connection
«La plus belle preuve d’amour, c’est qu’il ne m’a pas abandonnée quand j’ai été chez les fous. Il ne m’a jamais abandonnée : ça, c’est l’amour», dit Nicole à propos de Blieke dans Hernie et Plume de Katherine Longly. Alors que la photographe immortalise des décorations de Noël dans un camping de la banlieue bruxelloise, elle fait la rencontre de Blieke et Nicole qui l’invitent à boire une bière. Elle se lie d’amitié avec le couple âgé qui dévoile peu à peu son histoire. Le livre est monté comme une enquête où l’on apprend, petit à petit, que les deux se sont rencontrés à l’hôpital, qu’ils sont des zwanzeurs - ils adorent faire la fête -, qu’ils possèdent un petit chien (Plume) et une perruche (Hernie), que monsieur est un ancien policier d’élite et que madame a été conductrice de tram à Bruxelles. Dans ce couple, que Katherine Longly dépeint sur un mode étonnant comme des Bonnie and Clyde bambocheurs, Blieke finit par mourir de vieillesse, mais la vie semble avoir été douce et loufoque dans ce chalet modeste et joyeux. «Il me manque» est la dernière phrase prononcée par Nicole dans le livre.
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