Une étude de chercheurs français, basée sur les admissions, révèle que les maltraitances sur les enfants de moins de 5 ans ont connu une hausse significative entre mars et avril.
Sept mois après la fin du confinement printanier, les premiers travaux scientifiques sur ses effets collatéraux arrivent dans les revues spécialisées et sur les bureaux des responsables politiques. Dès le 17 mars, date d’entrée en vigueur du premier confinement, la crainte d’une hausse des violences intrafamiliales avait surgi, confirmée au fil des semaines par le recours accru aux dispositifs d’alerte. Une étude réalisée par une équipe scientifique du CHU de Dijon et du Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations Paris-Saclay de l’Inserm, dont les résultats ont été soumis à la revue américaine Pediatrics pour publication, apporte un éclairage inédit sur les maltraitances subies par les enfants.
Sous la direction de Catherine Quantin, responsable du service de biostatistiques et informatique médicale du CHU de Dijon, les chercheurs ont décortiqué le programme de médicalisation des systèmes d’information, qui regroupe les données administratives de toutes les admissions dans les hôpitaux publics et privés de France. Ils se sont en particulier intéressés aux chiffres des admissions hospitalières pour violences physiques des enfants de 0 à 5 ans enregistrés en mars et avril, qu’ils ont comparés à la même période en 2017, 2018 et 2019.
Sur un panel de 844 227 enfants, en moyenne 0,056 % ont été hospitalisés en raison de violences physiques (soit 476) pendant ces quatre printemps. Mais cette moyenne masque une forte évolution en 2020. En plein confinement, alors que les hospitalisations d’enfants ont globalement chuté d’environ 30 %, la part relative des situations de violences physiques a, elle, connu une hausse de 50 %, révèle l’étude. Alors que la part d’enfants maltraités était de 0,053 % sur l’ensemble des hospitalisations d’enfants en 2017, elle est passée à 0,073 % en 2020.
Effets du confinement sur la santé mentale
Autre dimension inquiétante relevée par l’équipe de scientifiques : la hausse légère de la gravité des cas, reflet de « l’intensification de la violence », selon le médecin neuropédiatre Yann Mikaeloff, enseignant et chercheur en santé publique à l’Inserm, qui a participé à l’étude. En témoigne, notamment, la variation du nombre de décès d’enfants hospitalisés pour maltraitance physique : 1,79 % sont morts en 2020, contre 1,65 % en 2017-19.
Davantage de violences, plus graves. Ces résultats inquiétants vont dans le sens du bilan fourni par le service national d’accueil téléphonique de l’enfance en danger, gestionnaire du numéro d’appel 119. A la sortie du confinement, le dispositif indiquait une hausse de 56,2 % du nombre d’appels entrants par rapport à l’année précédente. Et le nombre d’informations préoccupantes transmises aux départements, concernant des mineurs en danger ou en risque de l’être, a connu une hausse de 30,4 % durant la période.
Plusieurs pistes d’explication sont avancées par les scientifiques : le confinement, charriant son lot de stress et d’inquiétudes, a probablement eu des effets sur la santé mentale des parents. Avec pour conséquence, pour les plus fragiles d’entre eux, de recourir davantage à la violence physique. Autre aspect important : l’absence, pendant ces quelques mois, des soupapes habituelles que sont l’école et les activités extérieures, a rendu plus difficile le repérage des risques et l’intervention des services sociaux en amont des violences.
« Comment réparer ces violences ? »
« Ce que nous avons observé confirme des recherches montrant que la garde en crèche est protectrice, et que plus la garde se déroule à la maison, plus le risque de maltraitance est élevé chez les plus petits », ajoute Catherine Quantin. Ces conclusions ont conduit les sociétés savantes de pédiatrie à se mobiliser avant la rentrée de septembre pour que les établissements scolaires restent ouverts. D’autant que ces éléments ne reflètent que « la face immergée de l’iceberg », estiment Catherine Quantin et Yann Mikaeloff. Il est fort probable que les violences psychologiques, sexuelles et des négligences graves commises pendant cette période inédite soient passées sous les radars, et ne soient connues que dans plusieurs mois.
« La question désormais posée aux pouvoirs publics est : comment réparer ces violences ? », interroge le docteur Mikaeloff. Les résultats de l’étude ont été portés à la connaissance du secrétariat d’Etat à l’enfance, Adrien Taquet, le 12 novembre. Ses auteurs ont plaidé à cette occasion pour la création d’un Observatoire national opérationnel maltraitance, permettant d’avoir un suivi mensuel des violences commises sur les enfants jusqu’à l’âge de 15 ans. Ils attendent une réponse sur leur demande de financements.
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