Figure du mouvement antipsychiatrique européen, ce psychiatre de formation passionné par l’approche alternative et communautaire des maladies mentales et psychiques, est mort le 20 novembre, à l’âge de 79 ans.
Psychiatre de formation et psychothérapeute familial, Mony Elkaïm, qui est mort à Bruxelles le 20 novembre, restera une figure importante du mouvement antipsychiatrique européen, proche de Franco Basaglia, Ronald Laing, Robert Castel et Felix Guattari. Né à Marrakech le 7 novembre 1941, il suit ses études à l’Université libre de Bruxelles et après un séjour à Paris, se rend à New York vers 1970 pour travailler à l’Albert Einstein College of Medicine, situé dans le Bronx où il s’occupe de familles défavorisées.
Il côtoie Israel Zwerling, praticien de la thérapie systémique, approche globale des troubles psychiques liés à un dysfonctionnement de groupe, ainsi qu’Edgar H. (Dick) Auerswald. Il se lie à Maurizio Andolfi, pédopsychiatre de même orientation, installé à Rome.
De retour en Belgique, il poursuit sa pratique de psychiatrie communautaire tout en s’orientant aussi vers des thérapies de couple. Passionné par toutes les écoles de psychothérapies et par l’approche alternative et communautaire des maladies mentales et psychiques, il organise en 1975, une rencontre internationale qui fera date en parvenant à réunir les principaux représentants de ce domaine. Il publie leurs interventions dans un ouvrage collectif, Réseau Alternative à la psychiatrie (UGE, 1977).
Les auteurs préconisent la « suppression de toutes les formes d’enfermement psychiatrique et le refus du monopole des professionnels sur les problèmes de la santé mentale ». En outre, ils s’engagent à soutenir « les luttes menées par des groupes qui cherchent à prendre en main leurs propres affaires afin d’éviter la psychiatrisation de la vie ». Quand on lit ce programme, on ne peut s’empêcher de penser qu’il appartient à une époque révolue, puisque, aujourd’hui on le sait, la psychiatrie a pris une orientation comportementaliste et biologique qui s’éloigne des approches de ce genre.
Création d’un prix Sigmund Freud
Homme de réseau, de sociabilité généreuse et d’initiatives collectives, Elkaïm renouvellera avec succès de telles initiatives. En 1990, il fonde l’Association européenne de thérapie familiale (EFTA), qu’il dirigera jusqu’en 2001, avant de prendre, de 2007 à 2009, la direction de la très puissante European Association for Psychotheray (EAP), fondée à Vienne un an plus tard et rassemblant 200 organisations venues de 46 pays. A cet égard, il faut savoir que l’Autriche est un grand laboratoire des expériences psychothérapeutiques et l’un des rares pays européens où les psychothérapeutes ont obtenu de l’Etat un statut légal pour leurs écoles, marginalisant ainsi la psychanalyse, regardée comme une thérapie un peu passéiste.
Au point qu’ils réussiront à créer, en 1999, un prix Sigmund Freud de psychothérapie délivré chaque année à un praticien, par la ville de Vienne et l’Association mondiale de psychothérapie, sans la participation des associations psychanalytiques, suscitant ainsi des polémiques. Et c’est à ce titre que Mony Elkaïm se vit décerné ce prix en 2017, tandis que la même année, le prix Sigmund Freud pour la prose de langue allemande (créé en 1964) récompensait une historienne. Ce prix, décerné à des savants et à des intellectuels, échappe, lui aussi, aux sociétés psychanalytiques, et notamment celle de Vienne pourtant fondée par Freud.
Mony Elkaïm est l’auteur de plusieurs ouvrages publiés aux éditions du Seuil, où il avait créé sa propre collection Couleur psy(2003-2017) : Si tu m’aimes, ne m’aime pas. Approche systémique et psychothérapie (1989) ; Où es-tu quand je te parle ? (2014), et enfin Vivre en couple. Plaidoyer pour une stratégie du pire (2017), dans lequel il raconte, sous forme de vignettes, la vie ordinaire de plusieurs couples traversés par des conflits.
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