Par Gilles Rof Publié le 23 décembre 2020
FACTUEL Du test initial au soutien alimentaire en passant par la téléconsultation, l’association SEPT propose une « prise en charge globale » innovante à des dizaines de personnes contaminées.
Renforcer les conditions d’accompagnement à domicile des personnes positives. C’est l’objectif « nouveau et ambitieux »qu’a fixé le ministre de la santé, Olivier Véran, lors d’une conférence de presse, jeudi 10 décembre, afin d’améliorer le respect de l’isolement par les malades du Covid-19. A Marseille, la formule a fait sourire Yazid Attalah, le président de l’association Santé et environnement pour tous (SEPT). Depuis mars, sa structure milite pour développer le plus largement possible cette « prise en charge globale » des patients. Un suivi que ses équipes mobiles pratiquent au quotidien dans sept des seize arrondissements de Marseille.
Soutenue par l’agence régionale de santé (ARS), mais aussi par des fondations privées, comme la Fondation de France ou celle du mutualiste AG2R, SEPT s’est mobilisée sur le front du Covid-19 dès le début de la pandémie. Campagne de tests, opérations d’information et de prévention : son terrain d’action se concentre sur les quartiers les plus populaires de Marseille. « De véritables déserts médicaux où la population manque d’éléments sur la maladie, décrit Yazid Attalah, lui-même originaire de ces quartiers. Or, une famille qui ne sait pas qu’elle est contaminée ou qui n’a pas les moyens de respecter un véritable isolement ne casse pas la chaîne du virus. »
En quelques mois, une dizaine de salariés ont rejoint les professionnels de santé bénévoles qui forment habituellement l’ossature de l’association. « Nous reviendrons en arrière dès que le Covid sera passé, car SEPT n’a pas vocation à avoir des salariés », promet déjà son président. En attendant, cet échographe de formation galope dans une ruelle perdue du 15e arrondissement de Marseille, avec, au bout du bras, une des trois valises de téléconsultation dernier cri qu’utilise désormais sa structure.
Téléconsultation
Ce matin, avec Yasmine Cherfi, 54 ans, médiatrice en santé, il se rend au domicile de la famille Djouad, dont les deux parents ont été touchés par le Covid-19. Un appartement dans un petit immeuble bien tenu, à deux pas du marché aux puces de Marseille. « Dès qu’on a appris la positivité de la mère, on a mis tout le monde sous cloche, pour éviter la naissance d’un cluster », explique Yasmine Cherfi qui pilote les actions de SEPT dans le secteur nord de la ville.
« On n’arrive pas équipés en cosmonaute pour ne pas déclencher de psychose chez les voisins », explique Karim Seffraoui, infirmier
Chez les Djouad, la maladie est arrivée deux semaines auparavant par Ahlem, la maman, 39 ans. La jeune femme a été testée positive dans les locaux de l’association, un ancien garage à deux pas de là. « Nous sommes intervenus tout de suite à domicile pour tester toute la famille, expliquer les gestes à suivre pendant l’isolement, faire des courses et fournir des masques et du gel hydroalcoolique », reprend Yasmine Cherfi. Sept jours plus tard, c’est le père, Djamel, professeur de mathématiques dans un institut d’insertion, puis l’aîné des enfants, 13 ans, qui réagissent aux tests PCR. « Les trois autres enfants étaient négatifs, nous avons continué à les accompagner à l’école », reprend Yasmine.
Devant la porte de l’appartement, Karim Seffraoui, infirmier de 36 ans qui intervient bénévolement en marge de sa propre activité, est déjà là. Charlotte blanche sur la tête, blouse bleue, gants et masque, il aide l’équipe à s’habiller sur le seuil. « On n’arrive pas équipés en cosmonaute pour ne pas déclencher de psychose chez les voisins », explicite-t-il mi-amusé, mi-sérieux.
Ce mardi matin, l’association a programmé une nouvelle téléconsultation avec son médecin conseil, Slim Hadiji, dont le cabinet est à quelques kilomètres de là. Au début du suivi, il s’est déplacé en personne pour ausculter Djamel, 53 ans, asthmatique et cas à risque. Aujourd’hui, il s’agit de vérifier l’évolution de son état, alors qu’il est toujours sous traitement anticoagulant. La valise est installée sur la table de la cuisine. En surgissent un stéthoscope connecté, un échographe, un otoscope et un appareil photo qui sert de dermatoscope… « On en a pour plus de 18 000 euros », note Yazid Attalah, qui manie l’équipement avec un soin jaloux.
Colis alimentaires
De l’autre côté de l’écran, depuis son bureau, le docteur Hadiji pose ses questions, fait déplacer les instruments. A l’infirmier, il demande une attention particulière au bas du poumon droit « qui crépitait la dernière fois ». « C’est bien mieux, on commence à voir le bout », rassure le praticien, après quelques minutes d’examen. Un bilan biologique et un nouveau test PCR sont prescrits. L’infirmier Karim Seffraoui les pratiquera dans la foulée. Quelques heures plus tard le test reviendra négatif.
Depuis le 10 décembre, une ordonnance parue au Journal officiel allège le recours à la téléconsultation, ce qui facilite la vie d’intervenants de terrain comme SEPT. Sa prise en charge à 100 % par l’Assurance-maladie a été prolongée jusqu’au 16 février 2021, date de la fin de l’état d’urgence sanitaire. Et plus besoin de s’adresser non plus au médecin traitant des patients. « Ce n’est pas une consultation au rabais. Le médecin est concentré, disponible, et cela ne nous oblige pas à traverser la ville pour un rendez-vous », abonde Djamel Djouad, rassuré d’avoir pu échanger avec un praticien. « C’est un des grands progrès de cette crise du Covid », convient le docteur Hadiji, qui reconnaît qu’il n’était, jusqu’à la pandémie, « pas emballé par la téléconsultation ».
« Certaines personnes ne veulent pas être détectées car elles ont peur de ne plus pouvoir travailler si elles sont positives », déclare Yasmine Cherfi
Le téléphone de Yasmine Cherfi ne cesse de sonner. Des travailleurs sociaux l’alertent qu’à quelques rues de l’appartement des Djouad, une mère de famille craint, elle aussi, d’avoir contracté le virus mais ne veut pas se rendre chez le médecin. « Certaines personnes ne veulent pas être détectées car elles ont peur de ne plus pouvoir travailler si elles sont positives », explique-t-elle. Pour ces patients chez qui le travail, souvent au noir, est vital, SEPT assure aussi parfois la distribution de colis alimentaires.
« Ce suivi global n’est pas compliqué à mettre en place, mais demande une certaine expertise du territoire. Nous nous appuyons sur les associations de ces quartiers, nous installons nos camps de base dans les centres sociaux et pour l’aide alimentaire, nous sollicitons les personnes qui travaillent sur le sujet. On ne s’occupe pas de tout, mais on orchestre », précise Yazid Attalah, qui s’étonne que malgré la bonne volonté affichée du gouvernement, l’exemple de SEPT ne fasse pas plus d’émules.
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