PAR
JEAN PAILLARD -
PUBLIÉ LE 12/06/2020
Crédit photo : PHANIE
C’est un métier que le grand public a pour ainsi dire découvert avec la pandémie. Modélisateur : le terme renvoie davantage à la froideur des statistiques qu’à la réalité humaine et dramatique du Covid. Pourtant, c’est une dimension essentielle pour organiser la riposte, avec une anticipation qui nous a cruellement fait défaut au début de la crise.
La tâche est importante mais aussi délicate. D’abord, parce qu’il est difficile d’estimer avec précision le nombre de personnes déjà infectées, et plus encore celles qui le seront plus tard : selon les sources, selon les méthodes, selon les pays, on a vu les estimations et les projections varier depuis mars, alimentant le doute voire la suspicion. Ensuite, parce que la protection réelle de la population reste débattue. Ces derniers temps, on a même évoqué une possible immunité croisée via l’exposition à des coronavirus bénins chez un nombre non négligeable de personnes. Enfin, parce que le rôle du facteur climatique demeure discuté : et dans le net reflux de l’épidémie actuel, il n’est pas simple de faire la part des choses entre l’effet confinement et l’arrivée des beaux jours.
Reste une donnée de base, qui explique aussi les aléas des modélisations : tous les comportements humains ne peuvent être mis en équation. L’évolution de la situation obéissant à une part d’irrationnel donc d’imprévisible. C’est à la fois rassurant et source d’inquiétudes sur l’évolution de l’épidémie. On ne peut pas lire l’avenir avec certitude. Et les meilleurs modèles eux-mêmes ont plus une valeur d'alerte que de prédiction. Le conseil scientifique se montre d'ailleurs prudent sur la suite. Dans son avis de la semaine dernière, l’instance – à laquelle participe Simon Cauchemez, le mathématicien de Pasteur — a identifié quatre scénarios d’évolution, allant d’une « épidémie sous contrôle » à une « dégradation critique des indicateurs ». Et il propose une riposte graduée, selon les stades. Un homme averti en vaut deux.
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