Photo Christelle Calmettes. Hans Lucas
Une épidémie et un confinement massif ont des conséquences psychologiques. Les psys s'organisent eux aussi dans l'urgence et malgré le manque de moyens.
Derrière la crise sanitaire, la crise psychologique. Le confinement et l’épidémie de Covid-19 ont des impacts sur la santé mentale des Français à ne surtout pas négliger.
En premier lieu, ce sont les soignants qu’il convient d’aider. «Un soignant a aussi besoin qu’on lui accorde du temps. Pour parler, pour pleurer, pour se soigner aussi : il aura peut-être besoin de traitements pour tenir le coup et continuer de pratiquer dans les meilleures conditions», explique le psychiatre Bruno Boniface, dans Libération ce vendredi.
«Partout en France, les établissements s’organisent pour proposer une prise en charge aux soignants. En général, il s’agit de la mise en place d’une cellule de soutien téléphonique, avec la possibilité d’organiser une consultation physique si besoin», explique Christophe Debien, psychiatre et responsable de pôle au sein du Centre national de ressources et de résilience (CN2R). Le CN2R a d’ailleurs émis des fiches de recommandation à destination des professionnels mais aussi du grand public pour donner des clés afin de traverser cette crise.
Les psychiatres et psychologues s’organisent pour être présents sur plusieurs fronts. Aider les soignants mais aussi continuer à suivre leurs patients pour qui le confinement peut être très dur à vivre. «Hier matin, j’ai dû hospitaliser en urgence un de mes patients car il a tout cassé chez lui. La montée du niveau de stress global touche plus ceux qui sont déjà fragilisés», témoigne Edouard Leaune, psychiatre au Centre de prévention du suicide du Vinatier, à Lyon.
«Situation critique»
Ce suivi des crises de décompensation aiguë liées au confinement demande aux psychiatres de venir en aide au centre de régulation du Samu pour repérer ces cas, mais aussi de s’organiser pour pouvoir les accueillir. «La situation est vraiment critique. La psychiatrie est particulièrement démunie face à cette épidémie, à la fois par manque de préparation mais aussi parce que ses moyens sont extrêmement réduits. Beaucoup de centres médico-psychologiques ont été fermés. La plupart des services n’ont pas de place pour accueillir des patients atteints du Covid-19», explique la psychiatre Astrid Chevance.
Au-delà des patients déjà suivis, l’impact du confinement sur la population générale n’est pas à négliger. Selon deux études chinoises réalisées durant la crise du Covid-19, le niveau de stress des personnes confinées est «modéré à élevé» chez plus de 50% des répondants dans l’une et plus de 30% dans l’autre.
Là encore, les psys ont conscience du problème et s’organisent, mais un confinement généralisé d’une population entière pendant plusieurs semaines est un phénomène nouveau sur lequel ils n’ont pas de recul scientifique. Plusieurs initiatives se mettent en place. Des études, pour quantifier le phénomène devraient être lancées. L'Université de Louvain en Belgique a déjà lancé la sienne.
La psychologue Stephany Pelissolo essaie de monter une plateforme de téléconsultation par des psys volontaires pour venir en aide aux personnes malades du Covid-19 et celles vivant difficilement le confinement. Elle recherche des mécènes pour l’aider à monter le dispositif technique.
Quels risques et comment s’en protéger ?
Stress, colère, anxiété, mais aussi syndrome post-traumatique, dépression et comportements d’évitement des personnes malades ou des lieux bondés pourraient s’installer à cause du confinement. Des chercheurs anglais se sont lancés dans une rapide revue de la littérature scientifique sur l’impact psychologique des quarantaines passées, durant les épidémies de Sras, Ebola, Mers et H1N1. Leurs résultats sont disponibles sur le site de la revue The Lancet. Chez les personnes ayant subi une quarantaine, un moral bas (73%) et une irritabilité (57%) sont les symptômes les plus fréquents.
Pour réduire ces symptômes, L’Encéphale Online, une plateforme en ligne dédiée à la communauté médicale psychiatrique, a publié des fiches conseils à destination de la population et des professionnels qui recoupent grandement les conseils publiés dans The Lancet pour limiter l’impact psychologique du confinement. Parmi les recommandations : s’informer sur des sites fiables et pas en continu ; rester en contact (téléphonique) avec vos proches ; maintenir une bonne hygiène de vie (nourriture, sommeil, étirements, etc.).
«On peut s’appuyer sur les choses positives qui existent autour de nous, comme l’entraide entre voisins, les jeux à distance, les applaudissements à la fenêtre», explique Christophe Debien. Le lien positif à l’autre joue donc dans la capacité de résilience. Dans le même ordre d’idées, les auteurs de l’article paru dans The Lancet estiment que le fait d’avoir conscience que son confinement est un geste altruiste permet de mieux le vivre. Enfin, il est important de noter que les effets d’un tel événement ne s’envolent pas immédiatement la quarantaine levée. Des symptômes ou des comportements peuvent perdurer. Ne pas hésiter à consulter s’ils deviennent gênants.
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