Marche pour la journée internationale des droits des femmes, le 8 mars à Paris. Photo Smith pour Libération
Certaines associations réclament la mise en place d'un plan d'urgence pour faire face à la crise actuelle. Le gouvernement dit «tout faire pour que les femmes confinées puissent se sentir en sécurité».
«Oui, être enfermée avec son agresseur peut être un facteur de risque», met en garde Françoise Brié, présidente de la Fédération nationale solidarité femmes. Comme de nombreux acteurs de terrain engagés auprès des quelque 220 000 femmes victimes de violences sexuelles et/ou physiques chaque année dans l’Hexagone, cette militante craint que le confinement en vigueur depuis lundi en France en raison de l’épidémie de Covid-19 n’ait des conséquences sur les victimes. «Mardi, les relevés des appels reçus au 39 19 [la ligne d’écoute gérée par Solidarité femmes, ndlr], indiquaient une centaine d’appels, contre environ 400 habituellement. C’est compliqué d’appeler quand on est confiné à domicile avec son agresseur», analyse Françoise Brié.
A l’autre bout du fil, la situation est aussi tendue pour les écoutantes : un plan de continuité de l’activité a été mis en place pour disposer d’effectifs suffisants. «Certaines sont malades, et beaucoup d’écoutantes sont en télétravail, parfois avec des enfants», détaille Françoise Brié. La Fédération solidarité femmes a mis à disposition de ses écoutantes des téléphones portables et du matériel informatique, mais cette réorganisation a engendré une bascule technique, qui rendait vendredi à la mi-journée le numéro d’écoute inaccessible. Une boîte vocale invitait les appelantes à contacter le 17 ou le 112 en cas d’urgence. «La situation devrait être rétablie ce samedi, et au plus tard lundi», indique la Fédération solidarité femmes. Le 39 19 sera alors joignable à des plages horaires légèrement restreintes : du lundi au samedi de 9 heures à 19 heures, au lieu de 22 heures en semaine habituellement.
Pétition pour un plan d’urgence
«Il est important de travailler sur des solutions pour les femmes dans la durée, si la situation se prolonge», estime Françoise Brié. Même son de cloche pour le mouvement féministe #NousToutes, qui a alerté très tôt sur le risque d’une recrudescence des violences au cours de cette crise. Sur son compte Twitter, le mouvement dispense quelques conseils, comme appeler la police en cas de cris ou de coups entendus chez les voisins, et a entrepris de recenser d’autres numéros de téléphone utiles, comme le 119 pour l’enfance en danger. Une pétition vient d’être lancée par les militantes de #NousToutes pour demander au président de la République de déployer «un plan d’urgence pour les victimes de violences» et sensibiliser les Français. Le texte réclame entre autres que des consignes immédiates soient envoyées à la police et à la gendarmerie pour leur rappeler la marche à suivre dans la prise en charge des victimes, ou encore l’envoi d’une circulaire à tous les juges aux affaires familiales pour leur demander «d’être réactifs» dans la délivrance des ordonnances de protection.
«La situation a une répercussion certaine sur le moral des femmes», abonde Marie Cervetti, directrice de l’association Une femme, un toit, qui vient en aide aux moins de 25 ans, et dont les activités ont elles aussi été quelque peu chamboulées par le confinement depuis le début de la semaine. «Nous avons dû fermer un lieu d’accueil de jour à Bagnolet», explique-t-elle. Le centre d’hébergement de l’association demeure en revanche ouvert, et comme souvent, plein : les 60 places sont prises, dont 24 dans des chambres à deux lits, ce qui n’est pas forcément idéal au vu de la situation. «On n’a pas de masques et plus de gel hydroalcoolique, rien», déplore Marie Cervetti. Les éducatrices continuent d’aller travailler, mais les personnels administratifs et animateurs extérieurs ont, eux, été renvoyés chez eux. Conséquence : tous les ateliers collectifs et les animations dédiées à la gestion des émotions (yoga, pilates, massages…) ont été suspendus. L’association a décidé de renforcer son système d’astreinte téléphonique «pour que les femmes puissent être écoutées, rassurées, mais on a quand même une jeune fille qui a quitté les lieux hier, parce que la pression de l’entourage est accrue», explique Marie Cervetti.
«Pas question de laisser un conjoint violent en cohabitation»
Alertée sur cette situation, la secrétaire d’Etat à l’Egalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, s’est entretenue jeudi avec son homologue italienne pour un retour d’expérience, à l’issue duquel elle a déclaré dans un communiqué que «la lutte contre les violences sexistes et sexuelles en cette période reste la priorité absolue de leur action». Marlène Schiappa rappelle que la plateforme gouvernementale de lutte contre les violences sexistes et sexuelles est accessible 24 heures sur 24 et invite à contacter le 17 ou le 112 pour les urgences.
Par ailleurs, nonobstant la fermeture des tribunaux décrétée en début de semaine, la garde des Sceaux, Nicole Belloubet, a rappelé ce vendredi matin sur France 2 avoir fixé des priorités pour les affaires «jugées urgentes», et qui continuent d’être traitées. Et de citer «les atteintes graves aux personnes ou aux biens, traitées dans les comparutions immédiates» et tout ce qui «s’attache au traitement des violences intrafamiliales : les femmes victimes de violences ou les violences à l’égard des enfants sont évidemment traitées, aussi bien au pénal, parce qu’il n’est pas question de laisser un conjoint violent en cohabitation», a-t-elle dit.
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