Comment passer de rendez-vous bien balisés, de rééducations programmées au long cours, d'accompagnements pluridisciplinaires à un suivi à distance ? C'est le défi auquel sont aujourd'hui confrontés les services médico-sociaux de l'enfance.
Les centres d'action médico-sociale précoce (Camsp), les centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP), les instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques (Itep) et les services d'éducation spéciale et de soins à domicile (Sessad) ont fermé leurs portes. Sauf exception, ils ne sont plus habilités à recevoir le public dans cette période de confinement. Pour autant, pas de chômage partiel pour le personnel qui maintient les accompagnements à distance et peut être amené à prêter main forte à d'autres structures sanitaires, médico-sociales ou de protection de l'enfance.
Assurer la continuité de l'accompagnement
"Le Gouvernement nous a demandé d'assurer la continuité de nos accompagnements en appui du domicile des personnes, explique à Hospimedia Geneviève Laurent, présidente de l'association nationale des Camps (Anecamsp). En accord avec les ARS, précise-t-elle, "certains Camsp sont restés ouverts pour maintenir les consultations et les rendez-vous les plus vitaux avec des aménagements permettant de garantir la sécurité sanitaire". Des visites à domicile sont réalisées — "notamment pour les grands prématurés qui doivent fréquenter le moins possible les établissements hospitaliers durant cette période et pour la kinésithérapie de rééducation essentielle" — mais la grande majorité des contacts se font désormais à distance.
Dans certains établissements hospitaliers, l'activité des médecins a pu être en partie redéployée vers d'autres services et, à Orléans (Loiret) par exemple, les auxiliaires de puériculture du Camsp ont été mobilisés pour assurer la garde aux horaires atypiques des enfants de leurs collègues soignants. "Mais ces réquisitions restent marginales, précise Geneviève Laurent. Les Camsp ont besoin de tout leur personnel sur le pont pour limiter les risques liés à une rupture de l'accompagnement. Les centres attachés à un hôpital ou une grosse association ont pu bénéficier de l'infrastructure de l'établissement pour mettre en place l'organisation à distance. Pour des petites structures indépendantes, ça a été plus complexe mais chacun invente des solutions avec ses moyens, même si nous sommes bien conscients que cette prise en charge à distance n'est pas idéale."
Vigilance sur la maltraitance
"Les éducateurs, les psychomotriciens et les kinésithérapeutes inventent des fiches, des livrets d'occupation qu'ils nous transmettent et que nous mettons à la disposition du collectif, explique Nelly Jacquemus, directrice de l'association Intercamsp, qui fédère près des 200 Camsp, Sessad et CMPP. Toutes les structures sont bien conscientes que pour les familles, le confinement à domicile dans des conditions parfois précaires avec un enfant en situation de handicap peut être difficile. "La plupart des services ont laissé des numéros d'astreinte pour que les parents puissent les joindre à tout moment. Les professionnels appellent régulièrement toutes les familles et portent une vigilance accrue à la question de la maltraitance qui pourrait surgir dans cette promiscuité. Au moindre doute, les pédopsychiatres et psychologues prennent le relais à distance ou en se rendant à domicile", poursuit Nelly Jacquemus.
Même discours du côté des CMPP. "Nous assurons la continuité de l'accompagnement à distance, explique Patrick Belamich, président de la Fédération des CMPP (FDCMPP). Chaque thérapeute essaie de maintenir des entretiens réguliers avec la famille et l'enfant quand cela est possible. On expérimente aussi plus le travail autour de l'écrit. On demande aux jeunes de nous écrire et on les rappelle après. Les situations les plus complexes concernent les jeunes de l'aide sociale à l'enfance (Ase), qu'ils soient en foyer ou en famille d'accueil. Nous essayons d'aider les professionnels qui les accompagnent, en allant sur place parfois mais, pour ces jeunes et ceux qui les accompagnent, l'explosion du cadre imposée par le confinement est très difficile."
Soutenir l'aide sociale à l'enfance
L’Apajh de Loire-Atlantique a fait le choix de garder ouvert un internat pour les enfants en situation de handicap de l'Ase. "Certains Itep ont détaché du personnel dans des maisons d'enfant à caractère social (Mecs), d'autres ont renforcé leurs équipes mobiles pour aller prêter main forte à nos collègues de la protection de l'enfance", explique François Delacourt, président de l'Association des Itep et de leurs réseaux (Aire). Les jeunes que nous accompagnons souffrent de troubles du comportement qui risquent d'être renforcés par cette situation anxiogène. Les Itep ont fermé leurs internats mais nous nous tenons prêts à rouvrir des accueils temporaires pour accompagner les jeunes en crise, qu'ils soient pris en charge par l'Ase ou vivent en famille. Ce qui n'a pas encore été tranché avec les autorités sanitaires, c'est le temps de cet accueil : pourra-t-il durer quelques jours ou devra-t-il être maintenu jusqu'à la fin du confinement ?"
Tous les professionnels interrogés le reconnaissent, le plus gros défi dans cette période de confinement, c'est le maintien d'un cadre structurant qu'ils ont parfois mis des années à construire. D'ores et déjà, ils réfléchissent au renforcement de l'accompagnement postconfinement.
La protection de l'enfance en danger
Les principales fédérations et organisations professionnelles du secteur de la protection de l'enfance ont adressé, le 24 mars une lettre ouverte au président de la République, Emmanuel Macron, pour alerter sur les risques de la pandémie dans ce secteur. Ils dénoncent l'accès tardif à la priorité pour la garde d'enfants et l'accès prioritaire toujours non reconnu aux équipements de protection. "Nos professionnels travaillent avec des masques aux côtés de collègues qui n'y ont pas droit, c'est une aberration", commente François Delacourt, président de l'Association des Itep et de leurs réseaux (Aire).
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