Formée à la Société psychanalytique de Paris, clinicienne, traductrice de plusieurs ouvrages, dont ceux de la psychanalyste Melanie Klein, elle épouse le philosophe Jacques Derrida en 1957. Elle est morte le 21 mars, à l’âge de 87 ans.
Née à Prague, le 7 juillet 1932, d’une mère tchèque – Marie Alferi – et d’un père français, Marguerite Derrida, psychanalyste, est morte à Paris, samedi 21 mars, des suites du Covid-19, dans la maison de retraite de la Fondation Rothschild.
Elle était issue d’une famille de brillants intellectuels, tous normaliens, traducteurs de langues slaves et passionnés de littérature. Gustave Aucouturier (1902-1985), son père, agrégé d’histoire, journaliste, voyageur infatigable, fut correspondant de l’agence Havas à Moscou puis à Belgrade. Quant à son frère, Michel Aucouturier (1933-2017), agrégé de russe, enseignant, éminent spécialiste des œuvres de Boris Pasternak et de Léon Tolstoï, il est considéré comme l’une des grandes figures de la slavistique française et internationale.
C’est par son intermédiaire qu’elle fait la connaissance de Jacques Derrida, en 1953, lors d’un séjour aux sports d’hiver, où se retrouvent plusieurs condisciples de l’Ecole normale supérieure. Elle entreprend alors des études de russe, qu’elle est contrainte d’abandonner pour cause de tuberculose. Elle le revoit un an plus tard, à la suite d’un séjour en sanatorium. En gage d’amour, il lui offre un ouvrage d’Albert Camus, Noces (1938) : « Il a une vénération pour cette œuvre de jeunesse, écrit Benoît Peeters, biographe de Derrida, qui lui permet surtout de faire entrevoir à la jeune fille le monde algérien dans lequel il a grandi » (Flammarion, 2010).
Liée à l’activité d’enseignant de Jacques Derrida
A cette époque, Marguerite est déjà engagée avec un autre normalien. Bien que Jacques Derrrida s’affirme hostile au mariage et qu’il ait exposé aux parents de la jeune fille sa conception très libre des relations de couple, il exige de celle-ci qu’elle fasse un choix clair. Ainsi se noue entre eux un lien indéfectible, fondé, pour l’un comme pour l’autre, sur une absolue fidélité de vie, d’estime réciproque, de liberté individuelle, de partage intellectuel et d’accueil à l’étranger, d’où qu’il vienne.
C’est à Cambridge, loin de leurs familles respectives, et sans le moindre rite religieux, qu’ils se marient le 9 juin 1957, en présence d’un seul témoin. Jacques a été nommé special auditor à l’université Harvard, et Marguerite obtient un visa de travail pour un emploi de jeune fille au pair. Elle dira toujours qu’avec une mère tchèque et une enfance en diaspora il lui arrivait de se sentir « plus juive » que Jacques.
Elle joua un rôle important dans l’intérêt que Jacques Derrida porta toute sa vie à la psychanalyse
C’est à la Société psychanalytique de Paris (SPP) qu’elle reçoit sa formation d’analyste, sur le divan prestigieux de Joyce McDougall (1920-2011), néo-zélandaise, issue de l’immigration anglaise, devenue parisienne de cœur, ouverte à toutes les différences et hostile à toute forme d’orthodoxie. Encore une étrangère issue de la diaspora psychanalytique. Excellente clinicienne, Marguerite Derrida sera aussi une traductrice hors de pair des œuvres majeures de Melanie Klein.
Non seulement elle joua un rôle important dans l’intérêt que Jacques Derrida porta toute sa vie à la psychanalyse, mais elle fut liée à son activité d’enseignant à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, recevant avec une gentillesse légendaire, à Ris-Orangis (Essonne) ou dans son cabinet de la rue des Feuillantines, les amis et élèves du philosophe.
Leurs deux fils, Pierre et Jean, ont suivi de brillantes études dans la grande tradition familiale. Le premier s’est orienté vers la poésie et la littérature, sous le nom de sa grand-mère tchèque, et le second vers l’étude du néoplatonisme.
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