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mercredi 28 novembre 2018

La stratégie du président,« Ma santé 2022 », n’est pas un plan de santé durable

Dans une tribune adressée au « Monde », un collectif déplore que l’offre de transformation du système de santé présentée en septembre par Emmanuel Macron n’est qu’une succession de mesures d’urgence.
Par Collectif Publié le 28 novembre 2018

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Lecture 3 min.   Tribune. Ce qu’a présenté le président de la République, en septembre, est moins un plan portant sur le système de santé pour les cinquante prochaines années qu’une série de mesures d’urgence, assorties de quelques perspectives encourageantes et d’une reformulation de mesures déjà prises, manquant de cohésion.

Il est nécessaire et possible de faire mieux rapidement. Sans prétendre à l’exhaustivité, nous estimons indispensables les démarches suivantes.

Promouvoir l’équité entre les territoires. Cette dimension, traitée dans « Ma santé 2022 », mérite une dynamique plus volontariste. Elle passe par une priorité accordée à des structures régionales polyvalentes de prévention précoce et à la mobilisation des observatoires régionaux de santé (ORS), en lien avec les agences régionales de santé (ARS) et les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal).
Il nous manque en effet un plan d’ensemble, élaboré conjointement par les services de l’Etat, les collectivités territoriales, les établissements de soins et scolaires, les syndicats patronaux et ouvriers, les associations de patients et de protection de l’environnement. Un Grenelle de la santé, en quelque sorte.
Améliorer fortement la prévention en santé/environnement. Adopter le concept d’« une seule santé » sera un grand progrès, pour faire comprendre aux acteurs de soins, à la population et aux responsables politiques qu’il ne peut y avoir de prévention efficiente sans prendre en compte l’environnement. Cela implique la responsabilisation des entreprises industrielles et commerciales et des médias.
Mettre en action un programme de prévention à tout âge : pour les enfants, au domicile et à l’école ; les adultes, sur le lieu de travail, avec une médecine du travail renforcée et indépendante ; les sujets âgés, au domicile et en « institution », avec un programme de réforme des établissements médico-sociaux.
Mettre pleinement en œuvre les biomarqueurs sanguins et les techniques d’imagerie qui permettent de détecter précocement une maladie chronique à son stade infraclinique, bien avant l’apparition des premiers symptômes, constitue un axe de progrès majeur.
Garantir la qualité des services rendus. Cette qualité passe par une amélioration de la transmission des savoirs et du dialogue entre universitaires et praticiens de terrain et par une exploitation bien comprise des retours d’expérience. La qualité bénéficiera aussi d’un enseignement obligatoire en sciences humaines et sociales, éthique et épistémologie dans le cursus des études en santé. La santé mentale nécessite de renforcer les effectifs des professionnels qui s’y consacrent. L’accès à certains actes médicaux doit s’ouvrir à tous les infirmiers expérimentés, après examen de leurs compétences théoriques et techniques.
Utiliser à bon escient la numérisation. Bien que la nécessité et l’intérêt de la numérisation ne puissent être remis en question, des précautions doivent être prises. Le patient devra pouvoir compléter, modifier et protéger lui-même son dossier numérique. L’énorme base de données confidentielles devra être sécurisée, y compris vis-à-vis d’intrusions industrielles, commerciales, voire de l’administration publique.
Les problèmes d’accès et d’accessibilité pour les plus jeunes, les plus âgés, les personnes en situation de handicap, celles ne parlant pas français et les illettrés, doivent être résolus.
Les médecins, et soignants en général, devront être consultés sur le choix des algorithmes utilisés et savoir interpréter les résultats issus de l’utilisation de l’intelligence artificielle. Ainsi, la santé sera un des domaines privilégiés de mise en œuvre d’une intelligence collective pour parer aux excès de l’intelligence artificielle.
Un financement clair, simplifié et réglant la question du paiement à l’acte. Le « dossier » tarifaire – paiement à l’acte en ville, tarification à l’activité à l’hôpital et en clinique – doit être ouvert, en créant un espace d’échanges des meilleures idées, prototypes et tests. La stratégie « Ma santé 2022 » peut être l’occasion d’une clarification des faits et calculs économiques, rémunérations des professionnels de santé comprises, et d’une dissipation des mythes qui entourent la « maîtrise » et la « régulation » des dépenses en santé.
Une information et une participation pleine et entière des populations. L’adhésion des responsables territoriaux et des citoyens est fondamentale. Trop de réformes ont failli sur la transparence de leurs motifs, leur bien-fondé, leur économie technique et budgétaire générée et leur utilité réelle. Les transformations voulues par l’Etat nécessitent, elles aussi, des rapports périodiques d’activité, locaux et régionaux. L’évaluation indépendante de la qualité de soins y est centrale.
Sur tous les points évoqués, la qualité de la santé dans notre pays vaudrait bien la création d’une plate-forme publique ouverte sur les expériences et propositions en vue d’un meilleur usage des ressources collectives.
Les signataires: Paul-Henri Bourrelier, ingénieur des Mines ; Jean-Marie Fessler, directeur d’hôpital ; Alain Grimfeld et Alain Simon, professeurs de médecine ; Michel Juffé, philosophe.

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