Ella, elle l'a, Ella, elle l'a… Les voyages extraordinaires d’Ella Maillart, de Raphaël Blanc
Retour sur la vie et l'œuvre d'Ella Maillart, aventurière et écrivaine de l’entre-deux-guerres.
Le festival du film d’aventure de La Rochelle (Charente-Maritime) s’est achevé le 18 novembre. Une des belles surprises est venue du documentaire consacré à Ella Maillart, aventurière de l’entre-deux-guerres, personnage épique dont peu de gens se souviennent aujourd’hui. Son histoire ci est narrée par le menu dans les Voyages extraordinaires d’Ella Maillart, de Raphaël Blanc (70 minutes, Suisse).
Cette femme (1903-1997) aura marqué le vingtième siècle par ses prouesses et son indépendance. Exploratrice des grands espaces, elle apprend d’abord à naviguer avant de se lancer dans des expéditions sur des terres inconnues.
Attirée dès son jeune âge par le sport et l’envie de toujours repousser ses limites, Ella Maillart a rencontré, sur les bords du lac Léman, Hermine de Saussure (surnommée «Miette»), fille d’un officier de marine et arrière-arrière-petite-fille de Horace-Bénédict de Saussure, considéré comme le fondateur de l’alpinisme. Avec cette dernière, elle pratiqua la voile et le ski. Elle lancera à 16 ans le premier club féminin de hockey du monde, en Suisse romande, le «Champel Hockey Club».
En 1924, on la retrouve à la barre d’un monotype aux couleurs de la Suisse lors des régates olympiques. C’est la seule femme et la plus jeune participante de la compétition.
Vinrent ensuite les expéditions au long cours. D’abord, une traversée du Caucase en 1930, puis un long parcours en Asie centrale soviétique en 1932. En 1934, elle convainc le rédacteur en chef du Petit Parisien, Élie-Joseph Bois, de l’envoyer au Mandchoukuo – Etat soi-disant indépendant, mis en place et contrôlé par l’empire du Japon au nord-est de la Chine durant toute sa brève existence (de 1932 à 1945). Elle se rendra également cinq années dans le sud de l’Inde auprès des maîtres de sagesse Ramana Maharshi et Atmananda Krishna Menon.
Elle croise la route de Peter Fleming, grand reporter du Times et, accessoirement, agent du MI6. Elle se lance avec lui, en février 1935, dans un voyage de six mille kilomètres, de Pékin jusqu’à Srinagar (capitale d’été de l’État du Jammu-et-Cachemire, Inde). Le périple dure sept mois. Deux récits retracent cette histoire, celui de Peter Fleming dans son livre Courrier de Tartarie(Phébus) Ella Maillart; elle, en fait la recension sous le titre Oasis interdites (Payot).
En 1937, elle traverse l’Inde, l’Afghanistan, l’Iran et la Turquie pour effectuer principalement des reportages, puis en 1939, quittant l’Europe qui s’embrase, elle part dans une Ford, de Genève (Suisse) à Kaboul (Afghanistan), avec Anne-Marie Schwarzenbach. Elle en rapportera la Voie cruelle (Payot), récit où elle raconte comment elle essaye de sauver son amie de la drogue; sans doute l’un de ses plus poignants ouvrages.
Pour le réalisateur, Raphaël Blanc : «Ce n’est pas évident de se souvenir d’elle, de son parcours, des années trente à cinquante, c’est difficile de la connaître. Elle a écrit des livres, pris des photos, réalisé des films. Pour moi aussi, ce fut une découverte : la voyageuse l’écrivaine… c’est un constant mouvement entre le "petit jeu" et le "grand je", c’est une étape de spiritualité supérieure qu’elle recherche. Je crois qu’Ella Maillart a trouvé la paix avec elle-même par le voyage. Tout le monde essaie d’atteindre une forme de paix dans sa vie, surtout dans une époque aussi matérialiste…»
Et de conclure : «Pourquoi ne s’est-elle pas engagée dans la lutte contre le fascisme? Elle n’a jamais pris parti. Lorsqu’elle est allée en Russie, elle n’a pas critiqué le stalinisme, juste raconté son voyage à Moscou. On le lui a beaucoup reproché à son retour en Suisse. Sa vie est une sorte de fuite ailleurs, pour trouver des réponses à ses questions.»
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