Entre le « Black Friday », les soldes et les multiples opérations promotionnelles, nous sommes entourés de signaux nous poussant à l’achat. Métaphysique des soldes, avec Thomas Schauder, professeur de philosophie.
Publié le 28 novembre 2018
Lecture 4 min.
Chronique Phil’d’actu, par Thomas Schauder. En 1714, Leibniz écrit dans les Principes de la Nature et de la Grâce : « Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? Car le rien est plus simple et plus facile que quelque chose. » On pourrait penser que ce problème métaphysique est purement abstrait. Qu’il est très éloigné de la vie « réelle » des gens, davantage préoccupés par l’augmentation du prix du gazole que par la philosophie.
On aurait tort. Ne vous êtes-vous jamais demandé, alors que vous supprimiez les spams de votre boîte e-mail ou que vous erriez dans les rayons d’un grand magasin, l’esprit engourdi par la musique répétitive et les couleurs criardes, quelle était la raison de tout cet étalage de biens matériels ? Ne vous êtes-vous jamais demandé pourquoi existe-t-il un « support pour lunettes en bois de rose »plutôt que… rien ?
La liberté est-elle le pouvoir de choisir ?
Je me souviens de la première fois où je me suis posé cette question. C’était dans mon supermarché, au rayon moutardes. Je suis resté paralysé par la difficulté de choisir. Car, finalement, qu’est-ce qui différencie vraiment telle marque plutôt que telle autre ? Quel critère permettrait d’être sûr et certain de ne pas passer à côté de « la » moutarde, celle qui changera votre expérience gustative irrémédiablement ? C’est alors que la question s’est posée : pourquoi y a-t-il cinq, dix, quinze marques de moutarde différentes ? Est-ce cela la liberté : le pouvoir de choisir sa moutarde au lieu de subir la dictature de la moutarde unique ?
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