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mercredi 6 avril 2011

Pourquoi l’UNAFAM, la FNAPSY, les professionnels ont-ils voulu cette loi inhumaine sur la psychiatrie ?

Docteur Guy Baillon Psychiatre des Hôpitaux
Article publié le 03/04/2011, par -Mediapart.fr                                                                                           

1 - Pourquoi  l’UNAFAM, la FNAPSY, les professionnels ont-ils voulu cette loi inhumaine sur la psychiatrie ?
N’ont-ils pas tous été victimes d’une méprise dramatique, chacun à des titres différents ?
Nous devons absolument élucider pourquoi, si nous voulons nous préparer à l’avenir.
La loi a été votée en première lecture, l’aller et le retour entre les deux Chambres ne l’annuleront pas. Des sénateurs l'ont affirmé.
Alors osons d’abord brosser l’avenir immédiat qui n’a manifestement été simulé par aucun des auteurs de la loi. Nous verrons ensuite pourquoi ces trois partenaires sont inconscients de ce qu’ils ont déclenché.
La loi est inapplicable pour des raisons concrètes et de fond.

Certes chacun pense que l’intervention du juge demandée par le Conseil Constitutionnel va être appliquée. Déjà là il y a un double obstacle immédiat : d’une part cette mesure est bancale ; pour être en accord avec la réalité des faits, elle devrait porter aussi sur la décision initiale de privation de liberté et sur son arrêt ; ne statuer que sur le 15ème jour est totalement « surréaliste » ; dans le même temps nous savons tous la pénurie de juges; on fera donc appel à des mesures substitutives, tentatives de transfert de pouvoir au Préfet ? et commencera l’imbroglio des responsabilités et du jeu de la chaise vide. Qui va accepter cela ? : les procès se multiplieront, car les avocats vont comprendre qu’il y a matière à plaider.

D’autre part sur le fond, personne n’a encore mesuré l’ampleur de l’évolution amorcée : pourtant le rapport du contrôleur des libertés, JM Delarue est éclairant : la logique majeure qui va guider les actes de chacun sera encore « la logique de sécurité » dans l’hôpital, s’y ajoutera la logique de « la certitude que l’obligation de soins doit être respectée » ! Chacun sait qu’il n’y a là aucune certitude possible, même l’effet d'une même injection intramusculaire d’un produit reconnu comme adéquat à … «mais à quoi ? » est variable. Alors, pour faire bien, va se réaliser une escalade sans fin de prescriptions médicamenteuses, où chaque acteur du soin cherchera à se protéger (on ne sait ce que ces craintes vont produire). Les auteurs de cette loi savent-ils les faits graves qui se sont produits lors des premières années des neuroleptiques en France (Poitiers entre autre), en Suisse (près de Genève) en raison des « abus » de médicaments (et des responsabilités partagées entre médecins et infirmiers, chacun y allant de son surdosage) ? Et lorsque l’on observera que les médicaments donnés en excès entrainent des troubles de plus en plus graves, les tribunaux vont montrer facilement que des excès ont été commis. Le Médiator a ouvert une autre voie : avons-nous bien éclairé la société sur les dangers très bien précisés des nouveaux neuroleptiques actuels ?  Ils produisent après quelques années des troubles graves : obésité, puis diabète, hypertension, et sont suivis de conséquences irréversibles sur le cœur, la rétine, les artères. Lorsque les médicaments sont bien encadrés par les soins psychothérapiques et institutionnels une prévention de ces troubles peut être réalisée. Mais lorsque l’obligation de soins va intervenir, elle va écarter toute psychothérapie et seul le médicament restera en lice, que va-t-il se passer lorsque familles, patients, amis vont se révolter devant ces effets secondaires et les abus des médicaments obligatoires? On va entrer dans le cycle de la biologie pure imposé par les laboratoires : un symptôme = une molécule. La psychiatrie disparaitra pour laisser la place à un traitement vétérinaire.

Les dangers, démontrés par JM Delarue dans le seul cadre des hospitalisations sous contrainte de la précédente loi, vont augmenter de façon exponentielle. L’état d’esprit qui domine ces lois est le risque zéro. JM Delarue a montré qu’un tel état d’esprit infiltre tout et n’a pas de limite car il ne rencontre aucune certitude sur la diminution du risque.

Le calme, la sérénité, la confiance, la liberté, la créativité, qui sont les outils de base du soin psychique n’auront pas droit de cité. La logique du soin sera donc exclue.

Certes des voix s’élèveront à la lecture de ce propos pour en sourire et apporter des preuves que dans quelques situations on a arrêté l’escalade de la violence. Mais la violence d’un malade ne s’accroit que lorsque personne ne répond à la souffrance sous-jacente, origine de cette violence. C’est donc avant qu’il faut se montrer disponible.

Reprenons les trois formes d’obligation prévues par la loi : 72 h, hospitalisation, domicile.
Pour les 72 h : dans quel espace cette garde à vue va-t-elle être réalisée ?-aux urgences des hôpitaux généraux déjà surchargées et où l’on ne reste que quelques heures ? -dans les prisons habituées à la privation de liberté ? En effet les autres espaces de soin actuels n’offrent aucune garantie de sécurité suffisant. Il faudra donc construire de nouveaux espaces à grand frais -selon quels critères ? -avec quels soignants ? Ils seront certainement prélevés sur les équipes de secteur, ce qui diminuera d’autant leur travail de prévention, dont le but est de diminuer les situations d’urgence, les demandes d’hospitalisation vont augmenter ; -l’entrée en 72h sera faite à partir de quelle demande ? -quelle formation auront les soignants ? celle du soin (laquelle ne cherche pas d’emblée à imposer diagnostic et traitement, mais d’abord à installer la confiance, la contradiction est pesante), ou l’habileté à faire avouer au malade sa maladie ? un tel aveu est déjà une attitude brutale pour les excès d’alcool, c’est une violence inacceptable et incompréhensible pour les malades qui méconnaissent leurs troubles. Le point de contradiction maximal sera atteint pour les adolescents qui sont à l’époque de la survenue des troubles psychiques graves : leur passage en garde à vue de 72 h qui devrait déboucher sur une proposition de soin après avoir rencontré une quinzaine de personnes différentes en 72 h dans des liens protocolisés, sera l’occasion de massacre d’ado, véritables assassinats d’âme de jeunes en quête d’identité à cette période si fragile de la vie. Des psychiatres d’adolescents ont-ils participé à l’élaboration de cette loi ? 

Quant aux services d’hospitalisation où seront envoyés les patients qui auront refusé un traitement, alors qu’ils méconnaissent seulement leur maladie, ils seront vite débordés, malgré les efforts des directeurs pour y faire venir un grand nombre de soignants, prélevés eux aussi sur les espaces de soin des villes où ils avaient une fonction de prévention essentielle, ce qui va encore augmenter le flux des patients décompensés. On va rouvrir des lits et multiplier les services fermés. Ce sera l’abandon définitif de la psychiatrie de secteur qui s’appuyait sur la reconversion des services hospitaliers en espaces de soins en ville consolidés par les liens avec l’environnement relationnel de chaque malade. Certes il y a le recours au domicile.

L’obligation de soin à domicile
va transformer les parents en surveillants de prison attentifs à une seule chose (on ne peut leur demander de soigner, sinon il y a longtemps qu’ils auraient guéri leurs enfants) vérifier qu’ils prennent bien leur traitement, laissant de côté leur rôle affectif essentiel. Ils seront vite secondés par les voisins se transformant en délateurs, préoccupés du calme du voisinage, donc de la certitude que les traitements sont bien pris. Qui peut avoir lacertitude qu’un traitement est bien pris (c’est déjà depuis longtemps une source de débats entre soignants et familles) ? Très vite, comme le disent certains observateurs naïfs, on confondra les cicatrices des troubles psychiques graves avec la survenue de ces troubles. De plus on les confondra (parce que les voisins ne sont pas soignants) avec les effets secondaires néfastes des neuroleptiques qui sont réels et fréquents. La moindre bizarrerie fera l’objet d’un signalement, et provoquera une nouvelle hospitalisation. Les sorties d’essai n’en finiront jamais. Ce sera souvent l’installation progressive de l’asile à domicile et la chronicisation de tout l’entourage !

Le critère majeur sera la recherche du « bon traitement chimique » (les autres traitements étant éliminés car non évaluables), mais qui peut assurer connaitre le bon traitement pour telle personne à tel moment de sa maladie, tout en restant attentif à l’évolution à long terme ?
De toute façon il y a un joker ! dira l’UNAFAM qui a beaucoup misé sur lui : ce sont « Les équipes de soin mobiles » associées ou non au SAMU. Bien sûr leurs soignants sont des acteurs de valeur, mais travaillant sans les atouts de l’équipe de secteur, sans la connaissance continue du patient, sans l’appui de l’environnement puisque leur action est punctiforme, et qu’ils sillonnent une population de 300 à 600.000 habitants. Leur intervention vient fracturer la continuité des soins qui est l’outil essentiel façonné par la politique de secteur. De ce fait cette intervention s’ouvre presque systématiquement sur des hospitalisations qui seront souvent sous contrainte. Plus ces équipes vont se multiplier, plus elles vont réduire les équipes de secteur, et dévaloriser celles qui resteront.

Le résultat global de cette loi sera à la fois le dépérissement des équipes de secteur et le renforcement progressif et définitif des monstres hospitaliers
 : c'est la remise en scène des asiles !
 
L’UNAFAM, la FNAPSY, les syndicats des professionnels de la psychiatrie savent cela. Lorsque l’on interroge sur le terrain familles, usagers et soignants on trouve un décalage évident entre les responsables et la base. Cette base est contre la loi, car elle connait très bien ce que nous venons de décrire. Elle sait que l’état d’esprit du soin a besoin pour se développer d’une ambiance toute autre, dont les outils fondamentaux sont la confiance et le temps suffisant.

Certains diront de ne pas associer ici les syndicats, ils se sont élevés contre. Mais c’est récent. Pendant plus de deux ans ils l’ont soutenue. Cela a commencé par leur soutien au rapport Couty terminé avant l’intervention stigmatisante du Président le 2 décembre 2008. Ce rapport préparait la fin de la politique de secteur et la révision de la loi de 1990, sans dire un seul mot de ce qu’a mis à nu le rapport de JM Delarue : les effets anti thérapeutiques de l’application de la loi de 1990 : la logique de la sécurité écrasait déjà le soin dans toute institution fermée.

La preuve de cette acceptation de la loi par les pro : le nombre de 400 manifestants venus devant l’Assemblée Nationale le jour du vote de la loi en mars. Si les soignants ne sont pas venus participer à l’expression démocratique dans la rue sur cette question particulière, si peu connue des élus, c’est bien qu’ils l’acceptent.
 
Je vais me permettre de vous proposer trois essais dans les jours qui viennent pour essayer de comprendre pourquoi chacun de ces trois acteurs a soutenu la loi.
2-L’UNAFAM.                     
3- La FNAPSY.                    
4- Les syndicats.

En effet pourquoi ces trois acteurs ont-ils soutenu cette loi ?
Parce qu’ils ont eu peur !
Certes, mais il y a d’autres raisons, et pour chacun différentes.

Ce seront des pistes modestes, pour réfléchir, démarche essentielle si nous voulons retrouver nos esprits, retrouver notre capacité de nous parler entre nous et avec chacun des acteurs pour arriver à soigner, et si nous voulons préparer un avenir meilleur.

dimanche 3 avril 2011

Revue de presse

Manifestations pour l'hôpital public

Par Europe1.fr avec Carole Ferry
Publié le 2 avril 2011

Plusieurs milliers de manifestants ont défilé un peu partout en France pour dénoncer la politique du gouvernement.
Plusieurs milliers de manifestants ont défilé un peu partout en France pour dénoncer la politique du gouvernement. © CAROLE FERRY

Des milliers de personnes ont dénoncé samedi la politique de santé du gouvernement.

Associations d’usagers, syndicats et élus ont participé samedi à des manifestations dans plusieurs villes de France pour dénoncer la politique de santé du gouvernement. Tous ont mis en avant un constat alarmant : l’avenir de la santé publique est en danger.

"La situation est grave"

Dans le collimateur des manifestants, la loi Bachelot, entrée en vigueur il y a un an et qui impose aux hôpitaux une gestion beaucoup plus rigoureuse. Les conséquences des coupes budgétaires sont pointées du doigt : personnel insuffisant, fermetures de service... C'est toute l'organisation de l'hôpital public qui change.

"Si nous sommes là aujourd’hui, c’est parce que la situation est grave, que les inégalités de santé se creusent, que les restructurations hospitalières s’accélèrent. Au bout du compte c’est notre santé qui est en danger" a expliqué une manifestante à Paris.

Une santé à deux vitesses

  Égalementdécriée, la multiplication des franchises et forfaits hospitaliers qui coûtent plus chers et qui excluent certains malades. "C’est la mort du soin pour tous" s'est indigné Jacques Bouver, gynécologue à Paris. Comme d'autres, il craint qu'un système "à l'américaine" soit mis en place.

D'autres manifestations annoncées

Cette première journée de mobilisation espère mettre le débat au coeur de la campagne pour la présidentielle de 2012. "Ces rassemblements sont un point de départ", a expliqué Nadine Prigent, responsable santé de la CGT, dont de nombreux drapeaux flottaient place de la Bastille. De nouvelles initiatives pourraient se mettre rapidement en place.

Des manifestations pour défendre l'hôpital public

Par lefigaro.fr, Avec AFP
02/04/2011 
Entre 2000 et 5000 personnes étaient réunies à Paris.
Entre 2000 et 5000 personnes étaient réunies à Paris.
Crédits photo : FRANCOIS GUILLOT/AFP

Plusieurs milliers de personnes ont participé samedi à des rassemblements contre la politique de santé du gouvernement.

L'appel à manifester avait été lancé pour défendre les hôpitaux et les maternités de proximité. Les rassemblements, organisés samedi dans plusieurs villes de France à l'appel d'un large mouvement d'associations d'usagers, de syndicats et de partis politiques, ont été l'occasion de s'opposer plus largement à l'ensemble de la politique de santé du gouvernement.

A Paris, entre 2000 (selon la police) et 5000 personnes (selon les organisateurs) réunies place de la Bastille ont ainsi dénoncé les difficultés d'accès aux soins liées à la désertification médicale en milieu rural et dans les banlieues, ou encore à la pratique des dépassements d'honoraires par les médecins libéraux. Des élus sont venus apporter leur soutien, comme le président socialiste de la région Ile-de-France, Jean-Paul Huchon.

A Lyon, un peu plus de 500 personnes ont défilé dans le centre-ville. Environ 400 personnes environ ont fait de même à Bordeaux, précédées par des handicapés en fauteuil. Ils étaient environ 300 à Toulouse et 450 à Niort. À La Seyne-sur-Mer, dans le Var, un millier de personnes a formé un H (pour hôpital), pour défendre la maternité de la commune, menacée de fermeture. Des rassemblements ont aussi été organisés à Nancy, Rennes ou encore Lille.

Une marche pour sauver l'hôpital

À Toulouse, la manifestation pour la défense du système de santé a réuni 300 personnes./ Photo DDM X de Fenoyl
À Toulouse, la manifestation pour la défense du système de santé a réuni 300 personnes./ Photo DDM X de Fenoyl
À Toulouse, la manifestation pour la défense du système de santé a réuni 300 personnes./ Photo DDM X de Fenoyl
Derrière les tentes du village associatif pour le développement durable, les drapeaux militants flottent au vent. « Notre système de santé aussi, on doit le rendre durable », s'exclame Renée, une retraitée venue défendre en famille l'hôpital public et l'accès aux soins. Comme elle, un peu moins de 200 manifestants, personnels des hôpitaux, professionnels de santé, syndicats, partis politiques ou simples usagers étaient réunis hier après-midi place du Capitole pour une journée d'action nationale unitaire contre les effets de la loi HPST (loi Bachelot). Avec pour mot d'ordre « le droit aux soins pour tous », ils ont ensuite marché vers la Préfecture, tentant de rallier les passants à leur cause. « Cette journée s'adresse à tous. Il est important que les usagers prennent conscience de ce qui est en train d'arriver : on sacrifie l'hôpital sur l'autel des économies à faire, on le brade pour le livrer au privé. Dans les services, comme les moyens manquent, le personnel devient une variable d'ajustement, les aides-soignants remplacent les infirmiers et la qualité des soins ne repose plus que sur l'engagement des salariés », s'indigne Isabelle Morère, secrétaire du syndicat CGT de l'hôpital Marchant à Toulouse.

« Rentabilité, économie »

La réduction de moyens, les militants de l'association Act'Up la dénoncent également. « L'hôpital ne remplit plus sa mission de service public. C'est pourtant là que se rendent 99 % des patients séropositifs. Le temps consacré aux consultations a baissé, les rendez-vous ne s'obtiennent plus en un mois mais en trois », explique Guy Molinié, président d'Act up Toulouse. Rentabilité, économie, ces mots, les manifestants les avaient tous à la bouche hier dans les rues de Toulouse. Pour mieux les rejeter. « Aujourd'hui, tout est pensé en terme d'actes rémunérateurs. Pourtant, à l'hôpital, beaucoup de choses importantes se règlent dans les couloirs. Les réunions d'équipes, on ne les tarifie pas, pas plus que les coups de téléphone que je passe ou que je reçois », s'indigne Valérie, psychologue clinicienne à l'hôpital de Lavaur dans le Tarn. Venu avec le camion de la FSU (fédération syndicale unitaire, le syndicat des enseignants), Xavier Mouchard a pris le micro pour chanter « tous unis pour l'hosto ». « Parce que certaines luttes doivent être communes. Quand on a vécu l'hôpital de l'intérieur, en tant que malade, on se dit, heureusement que tous ces soignants sont là ».

Des milliers de manifestants pour défendre l'hôpital public

Près de deux ans après le vote de la Loi Bachelot, une journée de mobilisation a eu lieu pour dénoncer une "privatisation" du système de santé.

Des rassemblements sont prévus dans 20 régions selon les syndicats pour la défense de l'hôpital public. AFP
Des rassemblements sont prévus dans 20 régions selon les syndicats pour la défense de l'hôpital public. AFP

Des milliers de personnes ont participé samedi 2 avril à des rassemblements contre la politique de santé du gouvernement. Ces manifestations avaient été organisées dans plusieurs villes à l'appel d'un large mouvement d'associations d'usagers, de syndicats et de partis politiques.


Près de deux ans après le vote de la Loi Bachelot (HPST), les protestataires entendaient dénoncer les fermetures d'établissements et une "privatisation" du système de santé. Mais aussi les difficultés d'accès aux soins liées à la désertification médicale en milieu rural et dans les banlieues, ou encore à la pratique des dépassements d'honoraires par les médecins libéraux.

Un "H" humain pour sauver une maternité

A Paris, entre 2.000 et 5.000 personnes se sont rassemblées Place de la Bastille selon que l'on se tourne vers la police où les organisateurs.
A Lyon, un peu plus de 500 personnes ont défilé dans le centre-ville, d'après les chiffres de la police. A Bordeaux, 400 personnes environ ont fait de même, précédés par des handicapés en fauteuil. Les manifestants étaient environ 300 à Toulouse et 450 à Niort.


A La Seyne-sur-Mer, dans le Var, un millier de personnes ont formé un "H" (pour hôpital), pour défendre la maternité de la commune, menacée de fermeture. Des rassemblements ont aussi été organisés à Nancy, Rennes ou encore Lille.


Les manifestations ont souvent eu lieu devant des bâtiments des Agences régionales de santé (ARS), qui chapeautent désormais à l'échelon régional tous les domaines du système de santé (hôpital, médecine de ville et accueil des personnes âgées et handicapées).

"Réduction des moyens"

"Après des années d'une politique de réduction des moyens et de réformes successives, la mise en place par la loi Hôpital Patients Santé Territoire (loi Bachelot) des Agences régionales de Santé accélère la privatisation de notre système de santé", estime la coordination.

"Pour le service public cela se traduit par des fermetures de services, fusions d'hôpitaux et réductions de personnels. Cela aboutit à de véritables déserts médicaux, dans les secteurs urbains comme à la campagne. La permanence des soins est menacée. Pour les malades et leurs proches, les distances augmentent, avec tous les risques et les coûts supplémentaires que cela comporte", ajoute-t-elle.


Pour la coordination, "les directeurs des ARS, nommés par le gouvernement, sont des superpréfets sanitaires régionaux. Ils détiennent tous les pouvoirs pour organiser la santé dans son ensemble, en appliquant les directives gouvernementales".

"Désorganisation"

Les ARS planifient "la désorganisation et la réduction des soins publics", et "favorisent le transfert vers le privé lucratif des soins les plus rentables pour le plus grand profit des groupes financiers de la santé et de leurs actionnaires", accuse la coordination.

Quant à la Sécurité sociale, "de nombreuses mesures ont fait reculer ce principe solidaire: forfaits, franchises, dépassements d'honoraires, pénalités, déremboursements. Ce qui reste à la charge des foyers ne cesse d'augmenter". "Tout cela pousse vers l'assurance privée individuelle celles et ceux qui en ont encore les moyens et c'est par millions aujourd'hui que des gens diffèrent ou renoncent aux soins", selon l'appel.


Dans un communiqué diffusé le 15 mars dernier, la Fédération hospitalière de France (FHF, qui représente les directions des hôpitaux publics) s'inquiétait "des suppressions d'emploi très importantes", dans les hôpitaux, "représentant plus d'un départ à la retraite d'agent sur quatre".


Sur l'année 2009, "en dehors du secteur médico-social, plus de 9.800 emplois ont ainsi été supprimés dans les hôpitaux publics, dont près de 5.000 personnels soignants, un chiffre qui devrait encore croître en 2010 au vu de la contraction constatée de la progression des dépenses de personnel dans les comptes des hôpitaux publics", selon la FHF.


La FHF estimait que cette évolution "en partie liée à la faible progression de l'enveloppe accordée aux hôpitaux", est "considérablement aggravée par la politique de 'convergence' conduite par le gouvernement au bénéfice des cliniques privées".


Nouvelobs.com avec AP

Déstigmatiser la maladie mentale.

En-date du 27 Mars, une chronique de Monde.fr s'attache à donner la parole à la folie. Là est sans-doute manière efficace de déstigmatiser la maladie mentale.

Chronique d'abonnés. Vous pouvez la conserver en document si utile.
texte                    

Psychanalyse de la folie.
par th fd B., 'écrivain occasionnel
27.03.11 STRUCTURATION de la Folie.


"La folie n'est pas linéaire ; ça m'est venu comme une évidence récemment.
Non pas à force de la contempler, mais d'y réfléchir encore et toujours, depuis des ans. À force d'en avoir été malade - de la folie - et d'avoir accepté le peu de choix de m'en ab-straire... et dans la psychanalyse, où le point important fut de l'objectiver en tant que sorte de nécessité partielle.

Qu'est-ce que veut dire qu'elle n'est pas linéaire ? ... Cette évidence-là vient, je crois, de son développement si ce n'est sa logique interne, plus que de son aspect de renoncements alternés à des brisures, en son évolution.
Cette folie à plus d'un titre a la logique des éruptions volcaniques aux chambres à magma insondables... Parce qu'il y eu et qu'il reste à être la Forclusion, indispensable mécanisme de résurgence vitale à une avalanche de Dénis. Alors : (c'est à dire) dans l'enfance, un attentat, une guerre. Le traumatisme si se dit se dénoue parfois, comme dans la thérapie d'enfant. La torsion qui perdure s'oublie dans le forclos. Et ressurgit apparentée dans les Mythes des croyances adultes des grands pans de délires.

L'imprégnation psychotique eut lieu dans une cellule familiale muette d'une névrose affolante. Ce repli en l'imaginaire n'est pas une fuite, mais une Construction : tout simplement parce qu'il est des âges où particulièrement l'on se construit. Construction dans les champs du Langage : relier l'objet au désignant, articuler les nœuds d'espaces symboliques... et c'est là une fort belle affaire qui tient du miracle. Appelons cela le miracle de cette psychose, qu'elle permette une exogénèse (comme le crustacé a un exosquelette) au milieu d'origine. Attention, les valeurs familiales sont nombreuses et fortes, mauvaises bancales ou meilleures ou bien meilleures.
Alors s'explique dans les âges où l'on structure bien moins les choses à s'approprier comme (on le fit) petit les termes... les âges d'adulte, s'explique la survenue de l'impasse dans les méandres d'une succédante à la Névrose familiale, des impasses dirions-nous, avec toutes ces petites torsions qu'assène une névrose. Sans que l'on sache pourquoi alors ainsi un jour le sujet avance sa quête propre du parfait en poussant le mur de la névrose... comme il le fit bien auparavant. Mais là c'est énorme et ça envahit à le submerger : première crise de folie.
Souhaitons-lui de parvenir au plus tôt et durablement à gérer un soin médical indispensable, mais qui tend dans l'erreur à revendiquer des valeurs de contrainte.

Voilà de cette Historique, explicatif.

Reste à préciser que pour le commun
s'inversent les termes de psychose et folie, ou leur poids, la première étant pourtant bien plus fiable comme émergence de l'Analyse (la psychanalyse) et enfoncée profondément dans le langage. C'est peut-être dans le miracle de la psychose, qui arrache à la folie, qu'est la main de Dieu (ou de l'analyste) sur votre épaule à « aider d'aller ».

Restait à revenir sur la non-linéarité de la folie : car il s'agit en trois dimensions d'un parcours de nébuleuses de Langage qui se déforment s'entrecroisent s'inversent s'estompent ou se renforcent... et

JUSQU'A DIRE LE SYMBOLIQUE : ÊTRE."
source LeMonde.fr
Psychiatrie - Interview de Bernard Bruant, CGT Sainte-Anne : « la résistance s’organise »
01-04-2011

Les attaques contre la santé publique se poursuivent. Le gouvernement a récemment annoncé une réforme du secteur de la psychiatrie. D’après la CGT, elle « ne vise qu’à privilégier la rentabilité financière au détriment de la qualité des soins ». Le texte gouvernemental prévoit de créer une « communauté hospitalière de territoire parisien pour la psychiatrie », afin de regrouper des services et supprimer des postes.

Entretien avec Bernard Bruant, infirmier de secteur psychiatrique et secrétaire de la CGT à l’hôpital Sainte-Anne.


En quoi consiste la « communauté hospitalière de territoire parisien pour la psychiatrie » ?


Bernard Bruant :
Une « convention constitutive » décrit la mise en place de cette communauté hospitalière. C’est un prolongement de la loi Patient-Santé-Territoire (dite loi Bachelot) signée il y a environ un an. La loi Bachelot a été fortement contestée par les syndicats et les partis de gauche, à l’époque. Cette convention n’est que la déclinaison de cette loi dans le secteur de la psychiatrie.


Cette « communauté hospitalière », à Paris, est constituée de trois grands hôpitaux psychiatriques (Sainte-Anne, Maison Blanche et Perray-Vauclus), de l’hôpital d’Esquirol et de l’association ASM13. L’objectif est de regrouper les services pour faire des économies, sans tenir compte de la réalité du travail.


Par exemple, le service des tutelles de Sainte-Anne, qui s’occupe au quotidien de gérer l’argent des patients, va être transféré à Belleville pour être regroupé avec celui de Maison Blanche. Avant, à Sainte-Anne, une quinzaine d’employés s’occupaient de 5 à 600 patients. Il y avait un vrai lien entre le patient et son tuteur. Maintenant, ils vont avoir à faire à des gestionnaires qui ne les connaitront pas. En conséquence, beaucoup de nos patients y renonceront.


Quel est l’objectif de cette réforme ?


Bernard Bruant :
Clairement, il s’agit de faire des économies en supprimant du personnel. Ils ont déjà commencé. En deux ans, ils ont regroupé 32 centres hospitaliers en 8 groupes avec, évidemment, la fermeture de certains sites. Il n’y a plus d’embauche dans les hôpitaux sous le statut de la fonction publique. Il y a de moins en moins de personnel ouvrier, du fait du non-renouvellement des départs à la retraite. Le but avoué est la suppression de 4000 postes en deux ans. Après l’Assistance Publique, ils s’attaquent aux hôpitaux psychiatriques.


L’article 4 de la convention affirme qu’il n’y aura pas de suppression de personnels. Mais l’article 14 précise que, lorsque les médecins auront présenté un projet médical commun, les établissements « s’engagent à modifier la convention initiale » et « envisager des délégations ou transferts d’activité ». Ils pourront donc supprimer du personnel sans problème, au moyen d’avenants à la convention !


Quel sera l’impact de ces mesures ?


Bernard Bruant :
Les conditions de travail – mais surtout, ce qui va de pair, la qualité des soins – risquent de se dégrader. Nous sommes déjà dans une logique de gestion. Aujourd’hui, on passe autant de temps avec les malades que sur des ordinateurs, pour acter ce qu’on vient de faire. En psychiatrie, notre référence, c’est le temps, l’écoute, la présence... Tout ça ne rentre pas dans les logiciels ! On nous demande de plus en plus avec de moins en moins de personnel. Tous les salariés ont fait beaucoup d’efforts, pendant des années. Mais ils n’en peuvent plus.


Dernièrement, sous prétexte de reconnaître, enfin, nos 3 ans d’études après le Bac, les infirmiers viennent de perdre 7 ans de retraite ! Et les salaires sont trop bas. Sur Paris, de nombreux infirmiers sont obligés de cumuler deux emplois.


A force de tout regrouper, ils surchargent les services. Avant, dans les Centres Médico-psychologique (CMP), les consultations duraient 20 minutes. Aujourd’hui, ils enchaînent parfois 15 consultations en une heure. Il y a des CMP où 15 infirmiers s’occupent de 2 à 3000 patients ! Le rythme des visites à domicile est passé de une toutes les deux semaines à une tous les deux à trois mois.


Il faut comprendre la particularité de la psychiatrie française. L’idée de la psychiatrie de secteur, qui régit les soins psychiatriques depuis 1960, était de mettre en place une continuité dans le soin autour d’un maillage géographique. Il s’agit d’un travail continu de prévention, de soin et de suivi, à travers les hôpitaux et tout un réseau de petites structures locales. Les dernières réformes détruisent 50 ans de travail !


Aujourd’hui, le temps d’hospitalisation a beaucoup diminué. Les patients qui ont des pathologies lourdes sont de moins en moins pris en charge, à Paris. Ils sont envoyés en province ou en Belgique. L’hôpital devient un centre de gestion de crise où les patients restent au maximum deux ou trois semaines.


Les syndicats ont-ils été consultés ?


Bernard Bruant :
Non. Les textes nous ont été présentés en janvier, lors des conseils de surveillance de chaque établissement. Il n’y a eu aucun groupe de travail, aucun vote... Lors des conseils, on avait juste le droit « d’émettre des vœux » ! Le paradoxe est que les présidents des conseils de surveillance qui ont voté ce texte sont des élus socialistes qui s’étaient opposés à la loi Bachelot. Le seul qui a voté contre est le PCF Jean Vuillermoz, ce qui lui a valu d’être convoqué par Bertrand Delanoë ! Ils sont passés en force, en deux mois.


Quelle a été la réaction des médecins ?


Bernard Bruant :
Les médecins réagissent peu, pour le moment. Mais certains commencent à exprimer leurs craintes. Par exemple, le sous-directeur de Sainte-Anne a démissionné. Ceci dit, depuis la loi Bachelot, les directeurs des hôpitaux sont nommés par l’Agence Régionale de Santé, et ces directeurs nomment les chefs de service et/ou de pôle. Donc, si les médecins espèrent diriger un service, il leur est difficile de contredire la direction.


Les syndicats sont-ils soutenus ?


Bernard Bruant :
C’est de plus en plus dur, pour les syndicats. Avec la souffrance au travail, on se transforme en assistants sociaux ! Et comme les gens sont à bout, ils ont du mal à s’engager dans la lutte avec nous. Dès qu’on lance une grève, la direction réquisitionne en masse. Ils essayent également de nous mettre « hors jeu » avec la création d’un ordre infirmier. Mais pour le moment, il est boycotté par 80 % du personnel. Et la résistance s’organise, car les attaques d’aujourd’hui sont trop graves.

*
Mobilisation, le samedi 2 avril : journée nationale d’action "Notre santé est en danger".

Cotisation à l'ordre infirmier, Nora Berra évoque le principe d'une adhésion facultative

30.03.11

Répondant mercredi après-midi à une question concernant l'ordre des infirmiers, posée par Etienne Blanc, député UMP de l’Ain, Nora Berra, secrétaire d’État chargée de la Santé, a tout d'abord considéré que le maintien pour les infirmiers libéraux d'une cotisation annuelle à 75 euros était trop élevé. "Ce n'est pas la cotisation symbolique demandée en 2006", a-t-elle déclaré. Elle a aussi estimé que cet ordre n'avait pas réussi à convaincre les infirmiers de son utilité et, malgré les efforts continus de concertation, n'était pas parvenu à susciter l'inscription du plus grand nombre. Concernant la diminution de la cotisation des infirmiers salariés à 30 euros, elle a qualifié cette avancée de "partielle, peu étayée et surtout tardive". Un peu comme un ultimatum, elle a ensuite ajouté que si l'ordre ne parvenait pas à convaincre la majorité des infirmiers, "il nous faudra envisager le principe d'une adhésion facultative pour tous les infirmiers".
L.W.


Ordre national des infirmiers, Le conseil départemental de Paris demande la démission du bureau national

01.04.11
Le Conseil départemental de l'ordre des infirmiers (CDOI) de Paris épingle dans un communiqué les choix de gestion du bureau national de l'instance ordinale des infirmiers. "Beaucoup de problèmes sont le résultat de décisions inadaptées du bureau national, qui n'a pas su être à l'écoute des infirmières de terrain, des élus départementaux et qui a refusé la main tendue des parlementaires lors de la médiation de juin 2010", écrit le CDOI parisien. Il demande donc "la démission du bureau national, responsable de cette gestion qui met en péril la pérennité de l'ordre". Le CDOI dénonce "les dépenses excessives, envisagées sur un calcul erroné de rentrées de cotisation".

Il estime que les problèmes de gestion du bureau national occulte le travail et les actions réalisées par les conseils départementaux et régionaux en direction des professionnels. "Pour que les infirmières se reconnaissent dans leur ordre, il est indispensable de lui donner un souffle nouveau, un élan qui ne peut être porté que par une équipe nationale renouvelée", indique-t-il.
De leurs côtés, les syndicats qui se sont toujours positionnés contre l'ordre des infirmiers poursuivent leurs appels au boycott et fustigent certains employeurs qui feraient pression sur les infirmiers pour qu'ils s'inscrivent au tableau de l'ONI. La fédération des personnels des services publics et des services de santé FO déclare dans un communiqué que rien légalement n'oblige les infirmiers à s'inscrire. Et la fédération CFTC santé sociaux ajoute de son côté dans un communiqué que la baisse de la cotisation à 30 euros pour les salariés ne règlera pas les difficultés financières de l'ordre.
L.W.

31 mars 2011
 Depuis bientôt 10 ans, c’est devenu un rituel : une à deux fois par an, un représentant du gouvernement (souvent proche de Nicolas Sarkozy) annonce un nouveau dispositif de lutte contre le décrochage scolaire. Il y a quelques semaines, c’était la suspension des allocations familiales (texte proposé et défendu par Eric Ciotti) qui était réinstaurée (après avoir été abrogée à la demande… de Nicolas Sarkozy en 2004). Ce lundi 28 mars, c’est la Secrétaire d’Etat à la jeunesse et à la vie associative, Jeannette Bougrab, qui montait au créneau sur la thématique, en annonçant un énième dispositif, lequel devrait être considéré comme une réponse aux affrontements entre jeunes survenus ces dernières semaines à Asnières et Gennevilliers (92).

Compte tenu des résultats peu significatifs, voire contre productifs, des précédents dispositifs (références en fin d’article), il est plus que douteux qu’il faille espérer des améliorations à l’avenir. Cette annonce mérite en revanche que l’on s’y attarde un instant car elle est emblématique de la construction politico-médiatique de la question du décrochage scolaire depuis 10 ans. Suivons ainsi la dépêche AFP qui a été reprise par presque tous les médias et par de très nombreux sites Internet.

L’évidence supposée du lien entre décrochage et délinquance

Le plus étonnant pour les professionnels de l’éducation comme pour les chercheurs est bien cette association systématique entre d’une part les questions d’absentéisme scolaire, de décrochage ou de déscolarisation et d’autre part les questions d’ordre public, de sécurité ou de délinquance. En effet, toutes les recherches empiriques attestent que ce lien décrochage/délinquance n’a rien de mécanique. Mais rien n’y fait. Les titres annonçant la mesure de cette semaine sont sans équivoque : « Violences à Asnières : un dispositif pour décrocheurs scolaires », titraient aussi bien Le Monde que Libération. Les articles de presse (par exemple Le Point) ont même parfois été illustrés par une photo montrant des CRS en tenue de combat !

Rappelons en quelques mots ce que montrent pourtant les recherches : le décrochage est le produit d’un long processus toujours collectif, impliquant autant l’élève et sa famille que l’institution scolaire elle-même. Il se noue dans et autour de l’école, le plus souvent en lien avec des difficultés dans les apprentissages, lesquelles se forgent durant les premières expériences scolaires et s’accentuent au collège, à travers des verdicts scolaires négatifs, des exclusions répétées, des situations familiales marquées par la précarité économique et des horaires de travail des parents décalés, le renforcement parallèle d’une inscription des jeunes dans une socialisation de quartier en partie contradictoire avec les exigences scolaires. Mais cette inscription dans la socialisation du quartier ne rime pas pour autant automatiquement avec délinquance et ne concerne pas uniquement les quartiers dits sensibles des grandes agglomérations. Ce repli sur la socialisation extrascolaire est avant tout synonyme de recherche d’une façon d’exister socialement malgré l’échec scolaire, de retrouver une image de soi et une valeur personnelle autre que celle du « cancre », du « nul » ou du « raté ». Est-ce si difficile à comprendre ? Pourtant, rien n’y fait.

Les gentils et les méchants décrocheurs

La dépêche AFP précise que la « cible principale de cet accompagnement » sont « les jeunes qui “tiennent les murs” et qui ne tombent pas dans ces situations par de désir ou par envie (…) l’Etat ne laissera pas tomber ceux qui sont en difficulté mais qui ne causent aucun trouble à l’ordre public, a affirmé Jeannette Bougrab ». Le terme de « cible » utilisé dans cette déclaration est déjà un peu suggestif. Mais alors que dire de celui employé à un autre endroit dans la dépêche : « ce dispositif sera mené au laser » ? Traiter les décrocheurs au laser est clairement plus subtil que de les passer au karcher. Mais n’est-ce pas un peu la même logique… ? Cette volonté de distinguer les bons et les mauvais décrocheurs ne fait que réactualiser un manichéisme qui fut très présent dans les commentaires des émeutes de 2005, à travers la partition entre la « racaille » et les « vrais jeunes ». Suivant le raisonnement proposé aujourd’hui, deux profils de décrocheurs pourraient être identifiés selon la même logique : d’un côté, ceux qui sont en difficulté mais ne sont pas dangereux, plutôt des victimes, potentiellement méritants, bref les gentils qu’on veut aider, et de l’autre côté les décrocheurs délinquants, ceux qui ont « choisi cette situation par désir ou par envie », les mauvais garçons, les irrécupérables, bref les méchants, qui ne méritent pas un quelconque accompagnement.

Ces présupposés manichéens et surannés pourraient faire sourire s’ils ne déterminaient pas des politiques publiques et des représentations aux effets bien concrets. Outre la violence symbolique qu’ils infligent aux jeunes supposés « moins méritants » que les autres, ces préjugés ne peuvent qu’accentuer les antagonismes, les ressentiments et l’esprit de concurrence déjà bien ancrés dans notre société contemporaine et jusque dans nos écoles censées assurer « l’égalité républicaine ».
par Étienne DOUAT et Laurent MUCCHIELLI

Pour aller plus loin :
M. Esterle-Hedibel, « Absentéisme, déscolarisation, décrochage scolaire, les apports des recherches récentes » (Déviance et Société, 2006).
E. Douat, L’école buissonnière (éditions La Dispute, 2011).

Défaillances du suivi des délinquants sexuels : le diagnostic des inspections générales

Tandis que le gouvernement souhaite renforcer le suivi des délinquants sexuels, un rapport des Inspections générales des Affaires sociales (IGAS) et des Services judiciaires (IGSJ) pointe les dysfonctionnements d’un dispositif d’injonction de soins, confronté à un sérieux manque de moyen et d’organisation.
FRÉQUEMMENT critiqué à la suite de faits-divers dramatiques, le dispositif médico-légal d’injonction de soins et de suivi des délinquants sexuels reste aujourd’hui mal connu, faute de statistiques suffisantes. Une mission menée conjointement par l’inspection générale des Affaires sociales (IGAS) et son homologue des Services judiciaires (IGSJ) chiffre à environ 3 800 le nombre d’injonctions de soins en cours d’exécution en France. Selon un recensement effectué par la mission auprès des tribunaux de grande instance (TGI), 10 % d’entre elles concernent des infractions autres que sexuelles.

Rappelant que la prise en charge des délinquants sexuels débute en détention, la mission note qu’un tiers des auteurs de violence sexuelle est accueilli dans l’un des 22 établissements pénitentiaires spécialement conçus pour proposer des soins adaptés à ce type de personne. De plus, « si les équipes soignantes de ces établissements ont été renforcées, cette augmentation masque de notables disparités », relève le rapport. « On sait que la récidive intervient souvent dans les mois qui suivent la sortie de prison et il est donc crucial que le suivi socio-judiciaire et l’injonction de soins soient effectifs dans les jours qui suivent, ce qui n’est pas toujours le cas », considère la mission, qui met en cause un manque de coordination récurrent entre les différents acteurs du dispositif (juge de l’application des peines, agent de probation, médecins coordonnateur et traitant).

S’agissant des médecins coordonnateurs – essentiellement psychiatres –, le rapport met en exergue leur inégale répartition sur le territoire. Si, globalement, le nombre de ces professionnels (220) apparaît suffisant au regard des 3 800 personnes à suivre, 16 départements et 32 tribunaux de grande instance en sont totalement dépourvus.

En matière de structures de prise en charge, l’accès aux centres médico-psychologiques (CMP) pour les auteurs de violence sexuelle « n’est pas toujours facile », note le rapport. Quant aux centres de ressources régionaux pour la prise en charge des auteurs de violence sexuelle (CRAVS), ils sont loin d’avoir tous lancé « une politique dynamique d’appui aux médecins coordonnateurs ».

61 recommandations.

Afin d’améliorer l’opérabilité du système de suivi socio-judiciaire et d’injonction de soins des délinquants sexuels et/ou violents, la mission IGAS-IGSJ propose aux ministères de la Santé et de la Justice pas moins de 61 mesures. Parmi lesquelles le recrutement de 100 coordonnateurs supplémentaires, la suppression du plafonnement du nombre de cas suivi par le médecin coordonnateur (actuellement limité à 20) et la possibilité de désigner, dans cette fonction, « un médecin ayant expertisé le condamné au cours de la procédure judiciaire ». L’élaboration de protocoles permettrait par ailleurs de clarifier les rôles entre médecin coordonnateur, juge, agent de probation et praticien traitant. La mission appelle aussi à développer les outils statistiques autour de ce dispositif, pour « adapter les moyens nécessaires à la mise en œuvre de l’injonction de soins ».
DAVID BILHAUT

Jacques Boisumeau a écrit un roman sur le milieu psychiatrique - Saint-Christophe-du-Bois

mardi 29 mars 2011
Jacques Boisumeau.

Jacques Boisumeau habite Saint-Christophe-du-Bois depuis 1981. Il est connu pour avoir écrit et joué pour des associations locales. Il a adapté et interprété une pièce de Feydeau avec le Théâtre de la Doue. Il a également écrit les dialogues d'une comédie musicale qu'il a jouée avec la troupe Cré-Scène-Do.

Après une carrière d'infirmier, il a éprouvé le besoin de faire connaître le milieu psychiatrique où il a exercé pendant 34 ans. « Dans mon métier, j'ai toujours essayé de faire partager mon expérience. Arrivé à la retraite, je souhaite transmettre ce vécu ».

Pour ce faire, il met en scène des personnages imaginaires dans une histoire librement inspirée de son propre vécu de soignant qui aura pour titre Double Appel. Il a choisi un mode qui puisse intéresser un large public : « J'espère que mes lecteurs prendront autant de plaisir que j'en ai éprouvé à écrire cette histoire à la fois romancée, policière, tout en étant divertissante ».

Tout au long de sa démarche, Jacques a toujours eu le soin de valoriser le travail réalisé dans le milieu de la psychiatrie : « En livrant ma perception de la détresse humaine, je veux contribuer à sensibiliser à la souffrance morale et souligner l'indispensable permanence de l'attention soignante portée à la personne ».

Ceux qui veulent rencontrer Jacques Boisumeau pourront le voir à l'occasion du Grand Défi du dimanche 3 avril, à la salle des fêtes. La sortie de son livre Double Appel (Éditions Hérault de Maulévrier), est fixée au vendredi 20 mai à partir de 18 h 30 à la bibliothèque Attir'lire (près de la mairie). Contact : 02 41 56 92 46.

Un bouclier social pour les sans-abri

Jeudi 31 mars, l'hiver est considéré comme terminé. Les sans-abri peuvent retourner à la rue !

Dès le 1er avril à Paris, 600 personnes actuellement hébergées dans le cadre du plan hiver seront mises dehors. D'autres centres fermeront dans les jours suivants, et on atteindra plus de 1 000 personnes rendues à l'errance à Paris. Dans le Val-de-Marne, ils seront plus de 800 dans la même situation et près de 1 000 en Seine-Saint-Denis. Au total, ce seront près de 3 000 personnes qui n'auront plus de lieu couvert où dormir dans les prochains jours dans l'agglomération parisienne. C'est un drame. Et nous sommes tous concernés.

Ce n'est pas le froid qui tue les sans-abri. Le Collectif Les Morts de la rue, qui recense chaque année le nombre et l'âge des sans-abri qui meurent en France, le montre bien : on disparaît tout autant l'été que l'hiver, au printemps qu'en automne.

C'est l'usure qui tue ! Usure due à l'incertitude permanente : où vais-je m'installer, cet endroit est-il sûr, est-ce que je risque d'être attaqué, comment vais-je manger demain, tout à l'heure, y aura-t-il une association qui me donnera un repas, devrai-je le trouver dans une poubelle, comment réussir à réunir les documents qu'il me faut alors que je n'ai plus de papiers d'identité depuis longtemps ?... Usure de devoir une fois encore expliquer avec de pauvres mots pourquoi on ne trouve pas de travail dans un pays où tant de gens qualifiés et bien intégrés ont du mal à retrouver un emploi. Usure liée à la solitude et aux ruptures affectives en tous sens, avec la tentation des addictions... L'hébergement n'est pas une garantie de réinsertion, mais c'est un premier pas. Imaginez cette quête incessante pour réaliser les opérations les plus simples de la vie : se laver, dormir, manger, aller aux toilettes...

En dehors même du plan hivernal, rien que ces huit derniers mois, l'Association Emmaüs a été contrainte, faute de financements, de fermer trois centres d'hébergement "pérennes" et de remettre dans la rue plus de 150 personnes. Nous retrouvons donc dans les rues les personnes que nous hébergions dans nos centres et que nous ne pouvons plus abriter. Dans quelques jours, nous aurons sous les yeux la misère la plus crue que nous aurons refusé de secourir. Nous ne pouvons pas accepter cette solidarité réduite au plan hiver.

Au même moment vient d'être votée une loi qui oblige les personnes sans papiers à payer 30 euros pour bénéficier de l'aide médicale d'Etat. Or, même si cette somme est pour beaucoup de gens acceptable, nous savons qu'un certain nombre de personnes sans papiers ne pourront pas la payer. Un rapport de l'administration démontre que c'est une fausse bonne idée, les personnes qui ne se soigneront pas verront leur santé se dégrader et elles seront prises en charge un jour dans un état sanitaire très dégradé qui occasionnera des dépenses bien plus importantes. Nous propose-t-on de les laisser mourir sans être soignées, pour faire des économies ?

On nous annonce également que le budget des associations qui hébergent les sans-abri est réduit de 3 % environ en 2011 et que la même réduction s'appliquera les années suivantes. Nous ne pourrons pas, dans ces conditions, maintenir le nombre de places actuel. Ce n'est plus seulement la sortie du plan hiver qui est en cause, c'est le coeur de notre mission permanente. On peut nous demander de faire des économies, c'est notre rôle d'améliorer notre service aux personnes accueillies et hébergées au meilleur coût pour la collectivité. On ne peut pas nous demander de diminuer nos ressources tout en augmentant en permanence le niveau d'exigence de l'Etat.

Au nom du "logement d'abord", on nous dit qu'il ne faut plus augmenter le nombre de places d'hébergement. Mais en région parisienne, quand prévoit-on un nombre de logements sociaux suffisant pour accueillir les 30 % de personnes hébergées prêtes à entrer dans un logement HLM ? Et dans l'attente de cette date hypothétique, comment fait-on pour abriter les personnes dépourvues de toit ?

Au nom des difficultés budgétaires, on nous dit que la réduction du budget social est inévitable. Nous demandons que la réforme fiscale en préparation se construise sur des objectifs de justice sociale et de redistribution assurant à toute personne la possibilité de vivre sur notre territoire dans la dignité. En particulier, nous demandons que soit supprimé tout avantage fiscal au logement locatif privé sans contrepartie sociale et, plus généralement, toute aide à l'accession à la propriété sans plafond de ressources, afin que les moyens ainsi dégagés soient reconvertis vers le logement social, l'hébergement et l'action en direction des plus défavorisés.

L'Association Emmaüs demande instamment à l'Etat de respecter la loi française et les directives européennes, c'est-à-dire d'assurer les besoins élémentaires (toit, nourriture, santé...) de toute personne vivant sur son territoire, quelle que soit sa situation administrative. L'Etat est en faute lorsqu'il contraint les associations à remettre les personnes à la rue sans solution. Il ne respecte pas la loi de mars 2009 qui pose le droit des personnes accueillies dans un centre d'hébergement d'urgence de s'y maintenir tant qu'une autre solution d'hébergement ne leur a pas été proposée, il ne respecte pas la loi DALO qui instaure un droit au logement opposable.

Emmaüs demande instamment à l'Etat de garantir aux associations, sur la base de l'année 2010 et pour plusieurs années, des budgets de fonctionnement et de modernisation qui leur permettent de s'adapter aux exigences nouvelles de l'administration, aux changements de leurs missions et à l'évolution de leurs publics.

Depuis plusieurs mois, en son nom ou au sein du Collectif des associations unies pour une nouvelle politique publique du logement, qui regroupe trente et une associations, Emmaüs en appelle au président de la République, qui s'était engagé en 2007 à ce qu'il n'y ait plus personne à la rue. Après avoir voté un "droit au logement opposable", voter un "bouclier social pour les sans-abri".

Nicolas Clément et Claude Chaudières, respectivement directeur général et vice-président d'Emmaüs
  Le travail, c’est pas la santé

Tribune

Les enjeux de 2012 par La Fondation Copernic


Par ERIC BEYNEL secrétaire national de l'Union syndicale Solidaires, MARTINE BILLARD député, coprésidente du Parti de Gauche, ALAIN CARRE vice-président du SMTIEG-CGT, ODILE CHAPUIS médecin du travail, YUSUF GHANTY médecin du travail, SANDRA DEMARCQ comité exécutif du NPA, GERARD FILOCHE inspecteur du travail, DOMINIQUE HUEZ président de l'association Santé et Médecine du Travail, WILLY PELLETIER coordinateur général de la Fondation Copernic

Certains raillent ce gouvernement ou sa majorité parlementaire. Il vaut mieux prendre la mesure de son action, d’une constance inouïe. Au détriment des salariés, mais d’abord des ouvriers et des employés. Le démantèlement de la médecine du travail s’inscrit dans ce programme, prophétiquement annoncé par l’ex-vice-président du Medef, Denis Kessler, en octobre 2007, dans Challenges : «Il s’agit aujourd’hui de sortir de 1945, et de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance.» Alors ce gouvernement casse. Jusqu’à l’absurde. Jusqu’à retarder l’accès à la retraite quand deux salariés du privé sur trois ne sont plus au travail avant 60 ans !


Jusqu’à l’absurde. Avant 2010, nous pensions que les accidentés du travail étaient des victimes. Les victimes d’une guerre économique innommée qui prend l’intérieur des entreprises pour théâtre des opérations. Des victimes de masse : 720 150 accidents avec arrêt par an, 46 436 incapacités permanentes, 700 morts, 4 500 mutilés. Des victimes mal indemnisées qui perçoivent 80% puis 60% d’un salaire faible, lié aux métiers d’exécution qu’ils accomplissent. Nous avions tort. Les accidentés du travail étaient des privilégiés. Les députés UMP ont légiféré et soumis à impôt leurs indemnités jusqu’alors épargnées. Gain : 150 millions d’euros. Quand en 2009, 464 dispositifs d’optimisation fiscale ont donné 70 milliards d’euros aux contribuables les plus riches. Sans compter le bouclier fiscal, les baisses de l’impôt sur la fortune et sur les droits de succession, le prélèvement forfaitaire libératoire sur les dividendes… Sur un chantier, Christian a eu le bras broyé. Michel s’est fait amputer de deux doigts par sa machine. Sarah ne peut tenir les objectifs assignés, elle est en dépression. Fiscalement, c’étaient des privilégiés !


Le travail - l’intensification du travail, le new management -, ce n’est pas la santé. Depuis 1995, les maladies professionnelles ont doublé. Les troubles musculo-squelettiques, les cancers professionnels explosent. Avec la multiplication des postes intenables, les dommages psychologiques ruinent toujours plus de vies (et de familles). Les conditions de travail se dégradent à mesure que s’avive la course aux bénéfices, qui génère en cascade une sous-traitance à bas prix. Résultat : en 2010, les firmes du CAC 40 dégagent 82,5 milliards d’euros de profits (85% de plus qu’en 2009). La «crise du travail» n’a pas les mêmes effets pour tous. On dénombre 35 000 maladies professionnelles par an, 10% des cancers sont liés au travail, près de 400 suicides. Mais en 2002, un rapport officiel jugeait les maladies professionnelles sous-évaluées de 70%. Ce sont des chiffres ? Non, ce sont des vies. Des vies de douleurs, d’angoisses, recluses souvent. Des vies où se soigner devient mission impossible. Des vies où «joindre les deux bouts» c’est «rogner sur tout». La France est championne d’Europe (eu égard aux pays fondateurs) des inégalités de santé au travail. Un ouvrier non qualifié a trois fois plus de risque de mourir d’un cancer, d’une maladie cardiovasculaire ou de mort violente qu’un cadre supérieur. Un tiers des maladies touchant les ouvriers sont liées à leur métier contre 10% chez les cadres.


S’imposait d’accroître le nombre, les marges d’action, l’indépendance des médecins du travail et des inspecteurs du travail. Mais depuis plus de vingt ans est organisée la pénurie des médecins du travail. Ils sont 6 500 pour «gérer» 16,5 millions de salariés du privé. Avec 600 postes vacants. En 2009, un médecin du travail sur deux avait plus de 55 ans. D’ici cinq ans, plus de 4 000 seront en retraite ; près de 5 600 dans dix ans. Un médecin du travail dans un service interentreprise suit en moyenne 3 050 salariés ! Dans cinq ans, 70% de ces services dépasseront 3 300 salariés par médecin. Une charge de travail qui espace les visites «normales» au minimum tous les trois ans et qui rend impossible la surveillance médicale personnalisée. Alors que l’actualité apprend que dans des organisations du travail en perpétuelles restructurations (à France Télécom, Renault, La Poste, EDF, Gaz de France, dans la grande distribution, etc.), seules des visites fort rapprochées aident à dépister et alerter, sur les effets pathogènes des mobilités forcées ; des harcèlements liés aux contrôles accrus ; des postes différents à intégrer, parfois empilés (tenir la caisse, ranger la réserve, gérer les stocks, servir et conseiller les clients, dans les commerces de grande distribution, notamment). Cette année, 500 médecins du travail partent à la retraite, seulement 100 postes sont ouverts à l’internat. La proposition de loi n° 106 sur la médecine du travail adoptée par la majorité sénatoriale, le 27 janvier, ne préconise pas de relever le numerus clausus réservé à la spécialité en faculté. Elle reprend le «cavalier parlementaire» sur la médecine du travail introduite par les députés UMP dans la loi sur les retraites et jugé irrecevable par le Conseil constitutionnel.


Ce texte va transformer la médecine du travail en médecine d’entreprise au service des employeurs.


Il met en place un Service de santé au travail interentreprise (SSTIE) administré paritairement, qui fixera à tous les intervenants de santé, donc aux médecins (à l’indépendance par là réduite), des «contrats d’objectifs». Mais quelles seront les marges de définition des «contrats d’objectifs» pour un président de SSTIE, même d’origine syndicale, contraint d’appliquer la politique définie par l’assemblée générale des employeurs adhérents au SSTIE, et dans la limite de l’enveloppe budgétaire déterminée par cette assemblée ? Car selon les articles L.4622-1 et L.4622-5 de la loi, non modifiés par le Sénat, ce sont toujours les employeurs et eux seuls, qui sont chargés d’organiser les Services de Santé au Travail. Ils se regroupent en associations et créent des Services interentreprises de santé au travail (SIST), dont les employeurs adhérents et non leurs salariés, fixent l’objet et les moyens. Il en existe près de 300, chargés du suivi de 93% des salariés du privé. La santé au travail est donc confiée à des associations d’employeurs dont l’assemblée générale est la vraie instance décisionnelle. Comme l’indiquait la rapporteure de la proposition de loi au Sénat : «celui qui paie décide». Les employeurs deviennent juges et parties de la santé au travail. Autant demander à un automobiliste de se flasher lui-même en excès de vitesse. Les employeurs sont ceux qui créent les risques au travail, ils doivent le payer, mais sans contrôler ni décider des modalités de sa prévention et de sa réparation.


Hier, dans les SSTIE, concernant le suivi de 14 millions de salariés en PME-PMI, les médecins étaient moins liés aux employeurs que dans les grandes entreprises. Ils fournissaient plus aisément aux salariés des justificatifs et certificats d’incapacité de travail, d’accident et de maladie professionnelle, permettant des recours. Autant l’avouer : c’est précisément ce que la loi veut restreindre en ouvrant davantage le secteur au privé comme en Belgique.


Les employeurs deviennent juges et parties de la santé au travail mais le Sénat leur donne moyen de se déresponsabiliser. Selon l’article L.4644, ils pourront choisir des «salariés compétents» (après quelle fast formation?) pour s’occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels dans l’entreprise. Qui portera le chapeau en cas de drames ? Qui est responsable d’une organisation du travail non pathogène : l’employeur ou ses salariés ?


La proposition de loi, sous couvert de pluridisciplinarité, multiplie d’autre part les «intervenants en prévention des risques de santé» (infirmiers, internes, ergonomes, toxicologues). Mais quelles seront leurs libertés d’intervention pour se prononcer sur les risques et nuisances du travail sans disposer (à l’inverse des médecins du travail) d’un statut de salarié protégé, qui seul permet de résister aux pressions patronales ?


Enfin, avec le nouvel article L.4622-2 du Code du travail, le médecin sera chargé de surveiller la santé des salariés, de participer à la veille sanitaire dans l’entreprise mais s’ajoute une nouvelle mission : aider l’employeur dans la gestion des risques. S’installe ainsi une «confusion des genres» qui déplace le rôle des médecins vers la cogestion des entreprises, la cogestion de l’employabilité, le conseil en management. Comment dans ce cadre, les salariés feront-ils confiance au praticien, pour lui exposer sans fard ce qu’ils subissent sur leur poste ?


«Ne parlez pas d’acquis. En face, le patronat ne désarme jamais»,
disait Ambroise Croizat, le ministre du Travail qui, en 1946, installa la médecine du travail. Fils d’ouvrier, à l’usine dès l’âge de 13 ans, il avait été ajusteur.


Les députés vont examiner le texte du Sénat. Il faut sauver la médecine du travail. Là, on la démolit.


Depuis 1998, la Fondation Copernic s’emploie à faire trait d’union entre le mouvement social et toute la gauche antilibérale, pour remettre à l’endroit ce que le libéralisme fait tourner à l’envers.

L'Ile-de-France, une région riche mais touchée par de fortes inégalités de santé


I
l faut se méfier des bons résultats. Certes, l'Ile-de-France affiche un meilleur état de santé de sa population que la moyenne nationale et bénéficie d'une offre de soins très développée. Mais à y regarder de près, le tableau n'est pas si bon. "Les fortes inégalités de santé dans la région n'avaient jamais vraiment été mises en évidence. Il y a des réalités qu'on ne peut plus ignorer", relève le directeur général de l'agence régionale de santé (ARS), l'ancien ministre socialiste Claude Evin.

Créée il y tout juste un an, l'ARS d'Ile-de-France s'est consacrée à dresser un bilan minutieux de la situation sanitaire. Elle devait présenter son diagnostic et ses futures priorités, mercredi 30 mars, à la conférence régionale de la santé et de l'autonomie, où siègent les représentants des professionnels de santé et des usagers. "La caractéristique la plus préoccupante du paysage sanitaire francilien tient à l'importance des disparités de santé sur le territoire", relève son plan stratégique de santé, soumis à la consultation.

Dans cette région où cadres et professions intellectuelles sont surreprésentés, l'état de santé de la population est loin d'être homogène. Ici comme ailleurs, les inégalités sociales et de santé sont fortement liées. Ainsi, on vit en moyenne deux ans de plus dans les Hauts-de-Seine qu'en Seine-Saint-Denis. D'une commune à l'autre, parfois au sein d'un même département, l'espérance de vie peut varier de sept ans. D'où l'importance pour l'ARS de dresser des constats territoire par territoire, pour ensuite adapter les moyens, notamment en prévention, aux besoins. En bref, de faire du "sur-mesure", comme le dit Claude Evin.

Dans la région, les points noirs sont nombreux. Globalement, les indicateurs de santé sont au-dessus de la moyenne nationale. Mais on constate par exemple un plus fort taux de cancer des femmes et de mortalité infantile, alors que, sur ce point, le taux régional a longtemps figuré parmi les plus bas de France. La prévalence des pathologies infectieuses (VIH, tuberculose) y est aussi plus forte.

Si la région est riche et dynamique, une grande part de sa population est cependant très vulnérable (travailleurs pauvres, migrants, familles monoparentales...). En outre, le mode de vie de nombreux Franciliens est le facteur d'une santé dégradée : exposition aux nuisances sonores et à la pollution de l'air, surtout à Paris et dans la petite couronne, logements insalubres... Le temps de transport entre le domicile et le travail est aussi plus long dans la région parisienne que dans les autres, une heure et demie en moyenne, ce qui accroît le stress et la fatigue. En outre, les enfants y sont davantage touchés par l'obésité et le surpoids qu'en province.

L'ARS a aussi analysé la situation selon certaines pathologies. Ainsi, pour le cancer, les situations sont très disparates, avec, par exemple, une surmortalité par rapport à la moyenne régionale dans le Val-d'Oise, la Seine-et-Marne et la Seine-Saint-Denis. Pour ce dernier département, l'ARS évoque un problème d'insuffisance d'accès aux soins et de diagnostics tardifs.

Les inégalités sont tout aussi flagrantes en matière d'offre de soins, une donnée d'ailleurs corrélée, zone par zone, à l'état de santé de la population. Cette offre est "abondante mais complexe et souvent déséquilibrée", juge l'ARS.

C'est en matière de soins de ville que les problèmes sont les plus criants et pourraient s'accentuer. L'Ile-de-France est certes la région la mieux dotée en médecins, après Provence-Alpes-Côte d'Azur. Mais il s'agit surtout de spécialistes, qui sont très mal répartis sur le territoire - dans certaines communes, il n'y en a aucun.

L'offre de médecine générale, elle, est encore plus fragile, avec une densité très inégale. Paris compte ainsi 119 médecins généralistes pour 100 000 habitants, contre seulement 69,8 en Seine-Saint-Denis. En outre, l'Ile-de-France doit faire face à deux phénomènes croissants : beaucoup de généralistes se sont spécialisés, par exemple en homéopathie ou en acupuncture. Et parmi les médecins libéraux, la proportion de ceux pratiquant des dépassements d'honoraires est plus forte qu'ailleurs. Ce qui constitue une autre limite à l'accès aux soins, notamment pour les ménages les plus modestes.

Il n'y a pas que les médecins : c'est toute l'offre de premier recours qui inquiète l'ARS. Dans certaines zones, la trop faible présence des professionnels paramédicaux installés en libéral, surtout les kinésithérapeutes et les infirmières, pose problème, notamment pour le suivi des personnes âgées restant à domicile. Or cette population devrait s'accroître dans les prochaines années, alors que la région est sous-dotée en maisons de retraite, comme elle l'est également en structures d'accueil des personnes handicapées.

Il y a donc beaucoup à faire pour mieux répartir l'offre de soins et toucher plus facilement les populations fragiles. Outre les soins de ville, il faut aussi se pencher sur l'offre hospitalière qui, du fait du poids de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, est concentrée sur la capitale. "A l'heure du Grand Paris, il va falloir poursuivre le rééquilibrage hospitalier entre capitale et périphérie", estime M. Evin.
Laetitia Clavreul

Quatre murs de murmures


DR
A l’ombre de la République
Documentaire de Stéphane Mercurio
Canal +, rediffusion le 04/04.


« Je suppose que vous faites comme tout le monde : vous jetez vos repas à la poubelle… » Oui, comme tout le monde, répond la détenue. L’homme tourne le bouton de la douche, un faible filet d’eau s’échappe. Trop faible : les femmes de la cellule se lavent au seau. On évoque les parloirs, les coups de téléphone à la famille, le prix de la télé. L’homme est « contrôleur des lieux de privation de liberté ». Comme une trentaine de collègues, il s’assure que les droits fondamentaux sont respectés dans les lieux d’enfermement. Et en prison, en hôpital psychiatrique, dans les commissariats ou dans les centres de rétention, les droits fondamentaux, c’est aussi ça : un repas servi chaud, une douche qui coule assez pour se laver.


Fait exceptionnel, la réalisatrice Stéphane Mercurio a pu accompagner les équipes du contrôleur général des lieux de privation de liberté, l’autorité indépendante créée en 2008 par Nicolas Sarkozy, et qui vient d’échapper à la disparition que lui promettait le même Sarkozy (c’est très pénible au fond, ces institutions qui se permettent des remarques). La réalisatrice a pénétré des lieux fermés à double tour, gardés loin de tous les regards. Elle a pu recueillir des paroles rares, hors du contrôle de l’administration pénitentiaire.

A la maison d’arrêt de femmes de Versailles (Yvelines), ces paroles disent « favoritisme », « chouchoute ». Les contrôleurs ont reçu plusieurs lettres leur signalant « une compromission un peu fâcheuse » entre un membre de la direction et une ou deux détenues, dit Jean-Marie Delarue, le contrôleur général. Le scandale va éclater quelques mois plus tard et le documentaire en filme les prémices : le directeur de la maison d’arrêt et un surveillant ont eu des relations inappropriées avec Emma, la jeune fille appât du « gang des barbares ». Lors de sa suspension, pour sa défense, le directeur dira être tombé amoureux. Les détenues, elles, rapportent que la favorite se faisait appeler « la directrice » et se promenait à volonté dans les couloirs de la prison.

Après la prison de femmes, c’est l’ennui dans les chambres rose de l’hôpital psychiatrique d’Evreux (Eure). Jusqu’à la nuit, les contrôleurs épluchent les registres, demandent des comptes au médecin, soulignant de l’index des entrées et des sorties, s’alarment du nombre d’internements décidés sur arrêtés municipaux, sans certificat médical. « Il y a un protocole ici, raconte un malade. Tous les après-midi, il faut rester dans sa chambre et dormir. Mais moi, je n’ai pas sommeil. Alors le soir je n’arrive pas à m’endormir, et ils me donnent des somnifères… »

Camisole chimique, aussi, dans la prison moderne et gigantesque de Bourg-en-Bresse (Ain). « Un jour j’ai dit que j’avais mal à la tête, dit un détenu. Depuis, toutes les semaines, ils m’amènent un sac de médicaments. » Il montre une poche en plastique, bourrée de comprimés. La dose hebdomadaire qu’il rend aux infirmiers, sans se lasser, semaine après semaine. Un autre : « Ici, ils adorent les détenus sous cachets et les anciens toxicos, ceux qui sont au ralenti : ils ont un contrôle chimique sur eux. Les autres, ceux qui ont un peu de jugeote, un peu de mental, comme moi, ils les séquestrent. »
Du quotidien étouffant, vexatoire (il est d’ailleurs dommage que les personnels de surveillance aient, selon la réalisatrice, refusé de se confier), le documentaire passe à la critique sensible d’un système, à l’absurdité de la peine quand elle est trop longue, quand elle ne comprend aucun accompagnement. C’est le passage le plus émouvant, le plus terrible : les cafés-bus en compagnie des « longues peines » de la maison centrale de l’Ile-de-Ré (Charente-Maritime). Ici, des hommes qui purgent vingt, trente ans, perpète. « J’ai 63 ans, vingt-sept en taule. Je tiens grâce à ma femme, elle a 64 ans maintenant, mais le jour où elle m’attendra plus… » « J’ai été condamnée quand j’avais 18 ans, dit un autre. Ça fait trente et un ans. À mon procès, le procureur avait requis la peine de mort. Si j’avais su que c’était la peine de mort ou la perpétuité réelle, mon choix aurait été vite fait. »

Le plus étonnant dans le film de Stéphane Mercurio, c’est le nombre de détenus qui parlent à visage découvert et savent, ils le disent, les rétorsions prochaines. « Ils n’ont pas voulu être floutés, dit la réalisatrice. Eux qui sont si souvent niés ont soif de témoigner. » Ce que constate aussi Jean-Marie Delarue : « Ces lieux sont effacés - on ne sait pas ce qu’il s’y passe — et les personnes à l’intérieur s’effacent aussi, doucement. On ne les voit plus. À force, ce n’est pas seulement leur trace dans la société qui s’efface, c’est leur personnalité. » Il y a deux lieux où la caméra n’a pas pu entrer : les commissariats et les centres de rétention. Tous deux dépendent du ministère de l’Intérieur.

Paru dans Libération du 23 mars 2011