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Le nouveau coronavirus n’arrêtant pas de muter, les variantes du Sars-CoV-2 sont désormais innombrables. Photo Niaid
Si une nouvelle forme du virus a été identifiée dans plusieurs pays, d’autres facteurs peuvent expliquer la moindre mortalité constatée actuellement.
Le coronavirus mute, et certains experts ont fait planer l’espoir d’un virus qui serait devenu moins redoutable. Certains pointent la situation en France où le nombre de personnes contaminées augmente nettement depuis début août (3 607 cas supplémentaires samedi, 4 500 vendredi, 4 771 jeudi…), sans que cela ne se traduise - pour l’instant - par un afflux important de malades dans les hôpitaux. Un Covid-19 moins dangereux ? «Aucun argument scientifique ne vient étayer cette théorie, hélas», répond avec fermeté le ministre de la Santé, dans une interview au JDD. Le 16 août, le directeur général de la santé en Malaisie a annoncé qu’une mutation du coronavirus a été détectée dans deux nouveaux foyers de contamination du pays. La forme mutée a également été relevée à Singapour récemment. Mais cette variante du Sars-CoV-2 n’est pas nouvelle : les scientifiques l’ont vu apparaître il y a des mois et suivent sa progression à travers les frontières. Le coronavirus qui circule aujourd’hui n’est pas celui qui a commencé à se répandre en Chine au début de l’année. C’est la forme mutée qui circule majoritairement en France.
Dès le mois de mai, aux Etats-Unis, une étude du Laboratoire national de Los Alamos alertait sur l’«émergence d’une forme plus transmissible du Sars-CoV-2». Un virus n’arrête pas de muter au cours de son évolution ; ses variantes deviennent rapidement innombrables. Mais les chercheurs américains ont choisi de se concentrer sur les mutations du coronavirus qui concernent ses spicules - ces protéines pointues dressées tout autour de l’enveloppe du virus - qui lui permettent de s’attacher aux cellules humaines, et donc d’infecter un hôte. En anglais, elles portent le nom de protéines Spike. «Nous avons identifié treize mutations de Spike», écrivaient les chercheurs américains de Los Alamos. Parmi elles, «la mutation Spike D614G demande une attention urgente. Elle a commencé à se répandre en Europe début février, et elle devient rapidement la forme dominante du virus quand elle investit une nouvelle région.» Après l’Europe, D614G a débarqué aux Etats-Unis par la Côte Est, puis on l’a vue en Océanie, ensuite en Asie, et à la mi-mars, elle était déjà la forme principale du coronavirus dans le monde entier.
Cette facilité à s’imposer dans tous les nouveaux territoires suggérait que la mutation D614G était plus contagieuse, sans qu’on sache encore pourquoi. En outre, la variante se réplique mieux à l’intérieur du corps : dans la cavité nasale des personnes infectées, on trouvait une plus grande quantité de virus qu’auparavant. Ces soupçons ont été confirmés le 3 juillet par une nouvelle étude parue dans Cell : D614G est associée à une augmentation «des charges virales dans les voies respiratoires supérieures, mais pas à une augmentation de la sévérité de la maladie».
«Profil des malades»
Le président de la Société internationale des maladies infectieuses, Paul Tambyah, a relevé la semaine dernière que la prolifération de D614G coïncidait avec une baisse des décès dus au Covid-19. «C’est peut-être une bonne chose d’avoir un virus plus contagieux mais moins mortel», estime Tambyah pour Reuters. Il rappelle que de nombreux virus ont tendance à perdre de la virulence au fil de leurs mutations car c’est «dans leur intérêt d’infecter plus de personnes sans les tuer : un virus dépend de son hôte pour le gîte et le couvert».
Mais de nombreux scientifiques doutent sérieusement de cette théorie de moindre virulence et invitent à ne pas tirer de conclusions hâtives. Si l’on meurt moins du Covid-19 aujourd’hui, c’est parce qu’on connaît et on traite mieux la maladie, et que les mesures d’hygiène et la distanciation sont bien respectées, rappelle le professeur de microbiologie britannique Brendan Wren : «sans faire d’analyses comparatives des modèles d’infection entre la mutation et son virus parent, on ne peut pas corréler l’émergence de la mutation et une moindre sévérité de la maladie», souligne-t-il. Son confrère Paul Hunter, chercheur en médecine, rappelle pour sa part que «la maladie se propage maintenant dans des pays avec des populations plus jeunes», donc plus robustes, et qu’«avec l’expérience, les docteurs arrivent mieux à garder les patients en vie». Le ministre de la Santé, Olivier Véran, ne dit pas autre chose : «Seul le profil des malades a changé, plus jeunes et donc moins symptomatiques». Sans oublier qu’on teste beaucoup plus qu’avant les cas soupçonnés de Covid, et que mécaniquement, on enregistre plus de résultats positifs.
Concernant les nouvelles contaminations en forte hausse en France, des médecins rappellent qu’il y a un décalage temporel entre infection et maladie. Et redoutent, dans les jours ou semaines à venir, un nouvel afflux de malades dans les hôpitaux et leurs services de réanimation. «Lorsque les indices hospitaliers vont nettement se dégrader, il sera trop tard», avertit sur Twitter le professeur Gilbert Deray, néphrologue à la Pitié-Salpétrière. Selon Santé publique France, 4 711 personnes étaient hospitalisées à la date de samedi, dont 380 en réanimation. Des chiffres stables, mais qui pourraient se dégrader. A Marseille, déjà, les médecins constatent une hausse de nouveaux patients (lire page 3).
Résistances
Pour tenter de faire le bilan des transformations du virus et essayer d’anticiper un peu ses évolutions futures, l’université d’Etat du Michigan a développé un nouveau système d’intelligence artificielle. Le réseau de neurones a analysé plus de 8 000 interactions entre la protéine Spike du virus et les récepteurs des cellules humaines. Il s’agit de comprendre «l’impact des mutations connues sur l’affinité de liaison» entre le virus et son hôte. Il en résulte que l’affinité est accrue dans «cinq des six sous-types» de virus. Et le logiciel continue sa prospection du côté de l’avenir : «Il est extrêmement important de savoir si les futurs sous-types du Sars-CoV-2 poseront un danger imminent pour la santé publique», argue Guo-Wei Wei, professeur de mathématiques et biologie moléculaire qui a mené l’étude. «A cette fin, nous avons conduit une revue systématique de toutes les 3 686 mutations futures possibles sur les 194 sites possibles de mutation» de l’interface de liaison sur la protéine Spike. Le modèle informatique prédit qu’il y a encore de nombreuses possibilités de mutations dans un futur proche qui rendraient le coronavirus plus contagieux.
Ces mutations rendent-elles plus hypothétique la mise au point de vaccins (Lire interview ci-contre) ? Rien de tout cela n’est très inquiétant, estime Sebastian Maurer-Stroh, chercheur à l’Agence pour la science, la technologie et la recherche de Singapour : «Les variantes du virus sont presque identiques et ne modifient pas les zones que notre système immunitaire reconnaît habituellement. Donc ça ne devrait pas faire de différence pour les vaccins en cours de développement.» Etude après étude, on connaît d’ailleurs de mieux en mieux les vulnérabilités du Sars-CoV-2 et ses résistances. Un nouveau papier publié ce 18 août dans Science révèle par exemple que les protéines Spike du virus sont entièrement recouvertes de glycanes, des sucres qui forment comme un «manteau» en les protégeant des anticorps. Il faudra en tenir compte dans le développement des vaccins.
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