SYLVIE BROSSARD Publié le 16 janvier 2020
QUEBEC
Est-ce que la situation des personnes souffrant de problèmes de santé mentale a réellement changé au Québec depuis le mouvement de désinstitutionnalisation amorcé au début des années 60 ?
Après la parution du livre choc Les fous crient au secours de Jean-Charles Pagé en 1962, le gouvernement de Jean Lesage a confié au psychiatre Dominique Bédard le mandat de diriger une commission d’étude sur les soins psychiatriques pratiqués au Québec.
À l’époque, l’institution visée s’appelait Saint-Jean-de-Dieu et elle était dirigée de main de fer par les religieuses qui n’avaient pas ou très peu de technique et de formation psychothérapeutique.
Elles n’avaient aucune conception de la maladie mentale et certaines d’entre elles n’étaient même pas infirmières. Les malades étaient internés contre leur gré, subissaient des mauvais traitements et étaient considérés comme des « sous-humains », certains recevant plus de privilèges que d’autres selon qu’ils étaient de bons patients ou non. Le plus horrible, c’est qu’ils pouvaient vieillir dans cette institution sans possibilité de recouvrer un jour leur liberté. Il n’y avait aucune loi qui encadrait la pratique de l’internement.
Aujourd’hui, qu’est-ce qui a changé ? Les personnes « malades » ne sont plus sous le joug d’une « officière** » autoritaire et imbue de ses pouvoirs disproportionnés, mais les protocoles en vigueur perçoivent principalement la problématique sous l’angle de la biopsychiatrie. Selon cette théorie, la détresse psychologique et les problèmes de comportement sont des maladies du cerveau déterminées par les gènes. Ce qui veut dire qu’ils sont principalement d’origine biologique et qu’ils doivent être traités à vie avec des médicaments.
C’est dans cette optique que le rapport Bédard recommandait une équipe traitante essentiellement composée du psychiatre, du travailleur social, du psychologue, de l’infirmière, de l’ergothérapeute (qu’on appelait à l’époque la « thérapeute d’occupation ») et du préposé aux malades. Le psychiatre est investi de l’autorité et de la responsabilité pour toutes les activités de l’équipe et c’est lui qui a le dernier mot. Pour les soignants en psychiatrie biologique, les neuroleptiques ou antipsychotiques sont la pierre angulaire du traitement, et c’est à cette époque qu’on commence à développer la notion de santé mentale qui prend en compte la globalité de l’individu.
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