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mardi 14 janvier 2020

Crise de l'hôpital : démissions en bloc

Par Eric Favereau — 
Lors d’une manifestation du personnel hospitalier à Paris, le 17 décembre.
Lors d’une manifestation du personnel hospitalier à Paris, le 17 décembre. Photo Corentin Fohlen. Divergence

Plus de 1 200 chefs de service et responsables hospitaliers annoncent ce mardi dans une lettre à la ministre de la Santé leur intention de démissionner de leur fonction d’encadrement si des négociations ne sont pas engagées. Un acte fort et inédit pour dénoncer les conditions de travail au sein des établissements publics.

C’est historique. Jamais les médecins des hôpitaux n’avaient engagé un tel bras de fer pour protester contre les difficultés qui les assaillent jour après jour. «C’est pour vous alerter solennellement que nous avons pris en toute responsabilité la décision inédite et difficile de démissionner collectivement à partir du 14 janvier si à cette date des négociations ne sont pas engagées», écrivent les signataires à la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, dans une lettre rendue publique ce mardi. Ces 1 200 praticiens, chefs de service ou responsables hospitaliers démissionneraient seulement de leurs fonctions d’encadrement.

Autour du professeur André Grimaldi, le collectif Inter-Hôpital, initiateur du texte, va préciser ce mardi matin quelle forme cette démission va prendre. «Bien sûr, les soins aux malades sont maintenus, mais toute participation aux instances de l’hôpital va être suspendue, ou alors faite de façon collective», nous explique un des signataires. Très rapidement, au-delà du symbole, la vie hospitalière en sera affectée.

«Faire avancer les choses»

Cet acte de rébellion, qui couvait depuis plusieurs semaines, touche tous les services, toutes les régions et tous les hôpitaux. A Marseille, ils sont plus d’une cinquantaine à démissionner, à l’instar de Jean-Luc Jouve, chef de service de l’orthopédie pédiatrique à la Timone. Sans étiquette politique ni syndicale, il mène l’action et dit son désarroi : «On n’en peut plus. Nous avons vu les moyens s’écorner au fil des années. Nous n’avons pas beaucoup de solutions pour tenter de peser dans les décisions, sans modifier la qualité des soins. La démission de nos fonctions administratives est symbolique mais elle peut faire avancer les choses, nous continuerons les soins.»
A Toulouse, à Bordeaux, ils sont plus d’une dizaine à démissionner. A Paris, les trois candidats à la présidence de la Commission médicale d’établissement - la plus haute instance, qui regroupe tous les médecins de l’Assistance publique - Hôpitaux de Paris - ont apporté leur soutien. A Clermont-Ferrand, à Limoges, à Lille, le même acte est posé : on arrête.
A côté de cette action, un texte de soutien aux démissionnaires, signé à ce jour par 4 894 soignants, est rendu public. «Nous, personnels hospitaliers de toutes catégories professionnelles, apportons notre soutien aux médecins, chefs de service, responsables d’unités de soins ou membres nommés ou élus de structures ayant décidé de démissionner collectivement de leurs fonctions d’administration, de gestion et de représentation», écrivent ces infirmières, cadres de santé ou médecins de base. «Nous soutenons la demande d’un Grenelle de la santé. Les médecins démissionnaires ne demandent rien pour eux. Ils continuent à soigner. La population doit répondre à leur appel. Leur cri d’alerte doit être entendu par le gouvernement», pointe leur texte.

Cassure

Cette double initiative marque un tournant dans la crise chronique qui secoue l’hôpital. En dépit de quatre plans successifs présentés par la ministre et d’annonces répétées de budgets supplémentaires, rien n’y fait, les pouvoirs publics n’arrivent pas à dissiper la méfiance des hospitaliers. C’est peut-être cela le plus grave, cette cassure. Agnès Buzyn, arrivée au ministère de la Santé auréolée de son passé de brillante médecin hospitalier, a tardé à prendre la mesure de la crise. «Depuis un an, ce ne sont que des annonces. Par exemple, on nous a dit que la dictature de la T2A [la tarification par activité, ndlr] allait cesser. Or, dans la pratique, rien n’a changé», observe désabusé un chef de pôle parisien.
Lundi, la ministre de la Santé n’a pas nié la profondeur de la crise. Invoquant l’immobilisme passé, elle a demandé «du temps». «Nous avons un calendrier. Pour la première fois depuis dix ans, les actes médicaux hospitaliers vont être revalorisés», a-t-elle déclaré sur France Info. Réponse du professeur Grimaldi : «Nous attendons la réponse de la ministre à notre lettre.»
La tenue d’un Grenelle de la santé est désormais la dernière revendication à discuter pour sortir de l’impasse. Le climat, en tout cas, reste lourd. Des menaces commencent à planer sur certains chefs de service qui, depuis un mois, refusent de coder les actes médicaux. Une nouvelle journée d’action devrait être fixée «avant la fin du mois»

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