Jugé pour avoir abusé de jeunes scouts, il apparaît, selon un expert psychiatre, comme un être double n’accédant pas à la souffrance de l’autre.
« Mi-prêtre, mi-traître », selon un expert psychiatre. Bernard Preynat, jugé à Lyon pour avoir abusé de jeunes scouts pendant une vingtaine d’années, apparaît comme un être double, vicaire adulé par tous et redoutable prédateur. Sa personnalité « est de type pervers sexuel. Il n’accède pas à la souffrance de l’autre », explique à la barre du tribunal correctionnel le professeur Michel Debout, expert psychiatre désigné par le juge d’instruction.
Lors de leurs entretiens en 2017, Bernard Preynat n’a jamais évoqué les agressions sexuelles qu’il a dit mercredi, à la barre, avoir subies dans son enfance. Des confidences qui laissent les parties civiles sceptiques. « Je savais bien qu’on me soupçonnerait de vouloir me chercher des excuses, répond le prévenu. On n’est pas obligé de me croire. »
Si Preynat n’a rien dit avant, « c’est d’abord parce qu’il avait honte », explique le M. Debout. Et reconnaître qu’il a été victime, « c’est peut-être le signe qu’il avance ». Mais jamais, non plus, Preynat n’a prononcé le mot « victime » pour les autres : « Il m’expliquait que les enfants avaient l’air satisfaits. » « Si je dis qu’il était mi-prêtre, mi-traître, c’est qu’en ne maîtrisant pas ses pulsions, il trahissait son vœu de chasteté et son engagement de prêtre. »
Ses agressions ont eu lieu entre 1971 et 1991 à Sainte-Foy-lès-Lyon, la paroisse où il officiait, et lors de camps à l’étranger. De son propre aveu, jusqu’à « quatre à cinq » par semaine. « Sur la période, ça fait entre 3 000 et 4 000, vous êtes en train de juger un dossier à mille agressions sexuelles près, quand une seule suffit à briser la vie d’un homme », s’est indigné jeudi au tribunal Me Jean Boudot, avocat d’une victime.
A ses côtés, Me Emmanuelle Haziza réclame pour son client que le prévenu, âgé de 74 ans, soit condamné à une « peine lourde » – il encourt dix ans de prison. « Car vous avez anéanti sa vie d’enfant, sa vie d’adolescent, sa vie d’adulte. »
Les parties civiles finiront de plaider vendredi matin avant le réquisitoire et l’intervention de la défense, pour qui les faits sont prescrits. « Grâce à Dieu, ils ne le sont pas », a déjà rétorqué l’avocate d’une victime, allusion au titre du film de François Ozon sur l’affaire et à une déclaration du cardinal Barbarin qui disait le contraire.
Depuis le début du procès, Bernard Preynat a maladroitement demandé pardon, mais en minimisant souvent les faits détaillés à la barre par neuf de ses victimes – une dixième n’assiste pas à cette audience éprouvante mais aux vertus cathartiques.
« Cela a du sens, même trente ans après, de venir devant vous »
« Cette mise à nu est utile pour permettre à la société de comprendre pourquoi cela a du sens, même trente ans après, de venir devant vous », a déclaré aux juges Me Nadia Debbache.
En dressant son profil, le professeur Debout avait expliqué que pour vivre avec sa perversion, ce vicaire charismatique « avait construit un mécanisme de défense : le déni et le clivage ». Déni de la souffrance des enfants et clivage entre son ministère et ce qu’il faisait subir aux petits scouts âgés à l’époque de 7 à 15 ans. « C’est un être double, abonde l’experte mandatée par la défense, Liliane Daligand, avec une face obscure, du côté du mal, et une autre face lumineuse, lui qui faisait l’admiration de tous. »
« Je ne dirais pas que ma vie a été une imposture. Elle a été un drame, pour moi, pour mes victimes, pour l’Eglise », juge le prévenu, sans convaincre le camp d’en face. « Le problème avec Preynat, ce n’est pas l’aveu, c’est le remords. Quand il verbalise, il y a toujours un mot qui gêne », lui reproche Me Boudot.
Né le 5 février 1945 à Saint-Etienne, aîné de sept enfants, élevé dans une famille modeste, très religieuse, austère, avec un père autoritaire, Bernard Preynat a eu très tôt la vocation de prêtre. « Dès 7 ans », précise-t-il. « On jouait à la messe avec mes frères et sœeurs ».
Adolescent, il souffrait d’un grave eczéma qui lui valait d’être emmailloté « comme un bébé », relève la psychiatre. Il commet sa première agression « très tôt », à 16 ans, quand il était moniteur de colonie de vacances et subissait – selon ses dires – ses derniers abus. Elle lui vaut d’être renvoyé du séminaire de Montbrison (Loire) pour celui de Lyon. Sans explication à sa famille.
« Sa pédophilie était une addiction, avec une consommation charnelle effrénée. Il se “shootait” aux corps d’enfants », estime le docteur Daligand, pour qui tous les auteurs d’abus sexuels ont d’abord été victimes. « Ce qui ne veut pas dire que toutes les victimes deviendront des agresseurs. »
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