Le secrétaire d’Etat auprès de la ministre de la santé Adrien Taquet présente lundi une série de mesures, dotées de 80 millions d’euros.
Huit mois après sa nomination, le secrétaire d’Etat Adrien Taquet présente, lundi 14 octobre, les axes de sa « stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance ». Après un travail de concertation mené avec les professionnels du secteur, les départements (qui sont chargés de mettre en place cette politique publique décentralisée) et les collectifs d’anciens enfants placés, c’est le moment des annonces.
Il y a urgence. Malgré 8 milliards d’euros consacrés en 2018 au secteur de la protection de l’enfance, la situation est explosive. Sur l’ensemble du territoire, environ 341 000 mineurs sont pris en charge, la moitié environ étant placés en établissements ou en familles d’accueil. Mais dans bon nombre de départements, les dispositifs d’accueil sont saturés, les mesures judiciaires de placement mettent des mois à être exécutées, et les professionnels de l’Aide sociale à l’enfance (ASE) n’en finissent plus d’alerter.
Pour répondre à ces nombreux dysfonctionnements, 80 millions d’euros seront alloués dans le cadre du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la Sécurité sociale. La stratégie d’Adrien Taquet tient en quatre engagements prioritaires, de la détection des signes de maltraitance à l’accompagnement vers les dispositifs de droit commun des jeunes sortant de l’ASE, en passant par la sécurisation de leurs parcours et la prise en compte de leur parole.
Des mesures concernant l’adoption
Un ensemble de mesures sont déclinées. On retiendra notamment, en termes d’avancées, les mesures concernant l’adoption, annoncées pour 2020. L’enjeu est « de promouvoir les procédures d’adoption simple, ce qui permettra notamment aux familles d’accueil qui le souhaitent d’adopter un enfant qu’elles élèvent, ce qui est aujourd’hui très compliqué », explique M. Taquet. Un travail sera aussi mené auprès des personnes disposant d’un agrément d’adoption pour les sensibiliser aux profils des enfants de l’ASE. « Le taux d’enfants adoptés chez les enfants protégés est de 0,05 %, l’objectif est de parvenir à 5 % », selon le secrétaire d’Etat.
La demande d’un fichier national recensant les agréments des familles d’accueil, considéré comme une priorité par les collectifs d’anciens enfants placés, n’est en revanche pas satisfaite. Quant à l’annonce de négociations collectives pour réformer ce métier, confronté à un manque d’attractivité inquiétant, ses modalités interrogent. Selon le document de présentation de la stratégie, c’est un directeur des ressources humaines du département qui en sera chargé.
Un pilotage minimal, dénoncent les spécialistes, à l’image de Michèle Créoff, vice-présidente du Conseil national de la protection de l’enfance. « C’est hallucinant comme la méthodologie et la mobilisation de l’outil étatique sont dérisoires au regard de l’enjeu », regrette-t-elle. Elle relève par ailleurs l’absence d’avancées attendues de longue date, comme la mise en place d’outils de contrôle au niveau national des structures accueillant les enfants, renvoyée à des groupes de travail.
Prévenir les situations de danger
Tout un volet est consacré à la prévention des situations de danger. Se disant « convaincu que la meilleure façon de protéger les enfants, c’est parfois d’accompagner les parents », le secrétaire d’Etat plaide pour le développement des outils existants, tels que l’entretien prénatal précoce au quatrième mois et les bilans de santé en école maternelle. Le premier, qui est aujourd’hui facultatif et touche moins de 30 % des femmes enceintes, sera rendu obligatoire. L’objectif est que 60 % des futures mères bénéficient d’ici à 2022 de cet examen, effectué par un médecin ou une sage-femme.
Quant aux visites médicales en école maternelle, inégalement effectuées selon les départements, elles devront concerner 100 % des enfants, annonce le secrétaire d’Etat. En outre, pour venir en aide aux familles en difficulté, une vingtaine de relais parentaux, un dispositif d’accompagnement spécifique ouvert vingt-quatre heures sur vingt-quatre, vont être créés. Il en existe une dizaine sur l’ensemble du territoire national aujourd’hui.
« Une série d’intentions »
Toujours sur la prévention, une partie est consacrée à un volet technique mais central : l’amélioration du traitement des informations préoccupantes et l’évaluation du danger encouru par les enfants, aujourd’hui réalisés dans chaque département, avec plus ou moins d’efficacité, par les cellules de recueil et d’informations préoccupantes. Sur ce point comme sur d’autres, Michèle Créoff regrette la frilosité du gouvernement. « Pourquoi ne pas avoir choisi de rendre obligatoire le référentiel d’évaluation des informations préoccupantes, déjà appliqué avec succès par 44 départements aujourd’hui ? », interroge-t-elle.
Surtout, elle dénonce le choix fait de la contractualisation avec les départements pour la mise en œuvre de la stratégie. Une méthode qui fait l’effet d’une « douche froide » aussi pour Lyes Louffok, ancien enfant placé devenu un militant incontournable de leur cause, très remonté. « On attendait une politique nationale de protection de l’enfance, on a une série d’intentions, très peu de mesures opérationnelles et des oublis scandaleux », s’indigne-t-il. En colère, il résume : « Cette stratégie est une vraie déception pour les enfants placés. »
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