A la fois manifeste féministe et critique du patriarcat, « Les Sociétés matriarcales », classique de l’anthropologie signé de la chercheuse allemande, paraît en français.
« Les Sociétés matriarcales. Recherches sur les cultures autochtones à travers le monde » (Matriarchal Societies. Studies on Indigenous Cultures Across the Globe), d’Heide Goettner-Abendroth, traduit de l’anglais par Camille Chaplain, Des femmes-Antoinette Fouque, 600 p.
Il avait fallu attendre quinze ans pour que Gender Trouble, de Judith Butler (1990), parvienne en France (Trouble dans le genre, La Découverte, 2005) et y fasse événement comme il l’avait fait outre-Atlantique. On ne peut que se réjouir d’avoir eu cette fois-ci moins de dix ans à patienter pour que l’imposant pavé de la chercheuse allemande Heide Goettner-Abendroth, publié en anglais en 2012 et devenu un classique dans plusieurs pays, se jette dans la mare hexagonale. Tout à la fois manifeste méthodologique d’un champ nouveau, bilan de recherches anthropologiques et autobiographie intellectuelle, Les Sociétés matriarcales balaie les préjugés les plus tenaces et leur substitue un savoir de terrain.
Une forme de partialité patriarcale
Le livre est né d’un changement de perspective radical, qui a permis à l’auteure d’affirmer, dès les années 1980, l’existence de nombreuses sociétés matriarcales – où les pouvoirs politiques, économiques et religieux sont aux mains des femmes. Sociétés passées et présentes, jamais étudiées dans leur spécificité par les historiens et les anthropologues. Cette rupture fondatrice s’explique par le parcours intellectuel d’Heide Goettner-Abendroth. Alors qu’elle avait quitté la philosophie universitaire après la rédaction de sa thèse en se demandant en quoi « tout cela [la] concernait – en tant que femme », elle a découvert que les sciences sociales souffraient tout autant d’une forme de partialité patriarcale que la discipline séculaire. Elle a donc fondé, en 1986, l’Académie internationale HAGIA pour les recherches matriarcales, qu’elle dirige toujours. Elle s’emploie, depuis lors, à définir rigoureusement les structures des peuples matriarcaux, tout en les confrontant à celles des sociétés occidentales.
Un autre a priori que le texte déconstruit est ainsi l’idée selon laquelle les matriarcats seraient un miroir inversé des patriarcats, c’est-à-dire toujours des sociétés de domination d’un sexe sur l’autre. Au contraire, selon Goettner-Abendroth, « les sociétés matriarcales sont des sociétés de réelle égalité entre les sexes ». Plus qu’un postulat, cette définition s’élabore et se précise au fur et à mesure de ses recherches. Car, si chaque chapitre a pour objet une société – l’auteure en étudie une vingtaine dans ce livre, des peuples autochtones chinois aux Touareg d’Afrique du Nord, en passant par les Kuna d’Amérique centrale –, ils s’achèvent tous par un bilan visant à produire une définition générale de la notion de matriarcat.
L’égalité ne vaut certes pas, dans son esprit, comme refus de la prise en compte de la différence des sexes, voire d’une forme de binarisme et de complémentarité. Si le soin dévolu aux enfants est à la charge de l’ensemble de la communauté, les rôles religieux sont en revanche assignés différemment aux femmes et aux hommes, tout comme le travail – les premières sont le plus souvent agricultrices et horticultrices quand les seconds prennent en charge la chasse et la pêche. Il n’en reste pas moins que l’égalité politique entre les hommes et les femmes est un fait, et loin d’être le seul à caractériser ces sociétés.
Un livre engagé
L’équilibre entre les sexes induit, de toute évidence, des modes d’organisation qui contrastent radicalement avec ceux que nous connaissons. La plupart des peuples matriarcaux ignorent ainsi le régime de la propriété privée, à l’instar des Iroquois d’Amérique du Nord. « Chaque village est autosuffisant, autonome (villages-républiques) et égalitaire. » De la même façon, ces sociétés ne sont jamais colonisatrices. Et toute décision politique, en particulier concernant les conflits et leur gestion, doit faire l’objet d’un consensus – les femmes n’ont pas le droit de gouverner par la violence, et n’ont pas de forces de coercition sur lesquelles s’appuyer si elles tentaient de le faire.
« Les recherches matriarcales féministes se consacrent nécessairement toujours, d’une façon ou d’une autre, à la critique du patriarcat » : on le comprend, Les Sociétés matriarcales n’est pas un simple compte rendu de recherches anthropologiques. C’est aussi un livre engagé. En décrivant les structures de ces peuples autochtones, non comme l’ascendant renversé d’un sexe sur l’autre mais comme une sortie de l’inégalité, Heide Goettner-Abendroth dessine en creux le portrait de nos propres sociétés. Et si nous n’ignorons plus grand-chose désormais de la concomitance des inégalités entre les sexes et de nos élans de domination et de violence, il n’en reste pas moins réjouissant de voir s’ouvrir la possibilité d’un modèle différent.
« Les recherches matriarcales féministes se consacrent nécessairement toujours, d’une façon ou d’une autre, à la critique du patriarcat » : on le comprend, Les Sociétés matriarcales n’est pas un simple compte rendu de recherches anthropologiques. C’est aussi un livre engagé. En décrivant les structures de ces peuples autochtones, non comme l’ascendant renversé d’un sexe sur l’autre mais comme une sortie de l’inégalité, Heide Goettner-Abendroth dessine en creux le portrait de nos propres sociétés. Et si nous n’ignorons plus grand-chose désormais de la concomitance des inégalités entre les sexes et de nos élans de domination et de violence, il n’en reste pas moins réjouissant de voir s’ouvrir la possibilité d’un modèle différent.
« Les recherches matriarcales féministes se consacrent nécessairement toujours, d’une façon ou d’une autre, à la critique du patriarcat » : on le comprend, Les Sociétés matriarcales n’est pas un simple compte rendu de recherches anthropologiques. C’est aussi un livre engagé. En décrivant les structures de ces peuples autochtones, non comme l’ascendant renversé d’un sexe sur l’autre mais comme une sortie de l’inégalité, Heide Goettner-Abendroth dessine en creux le portrait de nos propres sociétés. Et si nous n’ignorons plus grand-chose désormais de la concomitance des inégalités entre les sexes et de nos élans de domination et de violence, il n’en reste pas moins réjouissant de voir s’ouvrir la possibilité d’un modèle différent.
« Les recherches matriarcales féministes se consacrent nécessairement toujours, d’une façon ou d’une autre, à la critique du patriarcat » : on le comprend, Les Sociétés matriarcales n’est pas un simple compte rendu de recherches anthropologiques. C’est aussi un livre engagé. En décrivant les structures de ces peuples autochtones, non comme l’ascendant renversé d’un sexe sur l’autre mais comme une sortie de l’inégalité, Heide Goettner-Abendroth dessine en creux le portrait de nos propres sociétés. Et si nous n’ignorons plus grand-chose désormais de la concomitance des inégalités entre les sexes et de nos élans de domination et de violence, il n’en reste pas moins réjouissant de voir s’ouvrir la possibilité d’un modèle différent.
EXTRAIT
« Le paradigme matriarcal a été soutenu et encouragé par le mouvement des femmes contemporain, mais il va au-delà de tous les divers féminismes occidentaux, qui ont tendance à rester prisonniers du mode de pensée européen et occidental. Il ne se cantonne pas à la situation des femmes et ne se rallie pas à un antagonisme essentialiste entre les femmes-en-général et les hommes-en-général. Dans l’optique du paradigme matriarcal, de telles généralisations anhistoriques sont contre-productives ; elles oublient la très grande diversité des sociétés (…). A l’inverse, les recherches matriarcales modernes s’attachent à la structure globale de la société – les femmes et les hommes, les personnes âgées et les jeunes, la nature humaine et non humaine. » Les Sociétés matriarcales, pages 14-15
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