LE MONDE
Par François Béguin , Mathilde Costil et Sylvie Gittus
Publié le 27 septembre 2019
SYNTHÈSELe ministère de la santé a reconnu vendredi qu’en matière d’accès à l’IVG, il existait « des territoires en tension dans la majorité des régions ».
Plus de quarante ans après le vote de la loi Veil, l’accès à l’avortement reste très inégal en France. S’il n’existe pas de « zones blanches » en termes d’accès à l’interruption volontaire de grossesse (IVG), il y a en revanche « des territoires en tension dans la majorité des régions, soit du fait de la démographie des professionnels, soit durant les périodes estivales », a admis, vendredi 27 septembre, le ministère de la santé.
Cette reconnaissance officielle des inégalités d’accès à l’IVG était attendue de longue date par des structures comme le Planning familial. « Ce n’est pas normal que des femmes doivent faire 50 ou 100 kilomètres de plus pour avorter parce qu’il n’y a pas de médecins ou parce que ceux présents ne veulent pas réaliser d’IVG », déplore Véronique Séhier, la coprésidente du Planning.
En 2018, la médiatisation de la situation de l’hôpital du Bailleul (Sarthe) avait mis en lumière ce type de difficulté. Pendant une grande partie de l’année, aucune IVG n’avait pu être pratiquée dans cet établissement en raison du départ à la retraite d’un médecin et du choix de trois des quatre praticiens encore en poste de faire valoir leur clause de conscience.
Alors que les résultats des opérations de « testing » annoncées en septembre 2016 par Marisol Touraine n’avaient jamais été communiqués, la ministre de la santé, Agnès Buzyn, avait commandé en septembre 2018 un « état des lieux » aux agences régionales de santé (ARS) pour s’assurer « qu’il n’y ait pas une augmentation du nombre de médecins qui font valoir la clause de conscience » et avoir la certitude que « l’accès à l’IVG aujourd’hui est toujours aussi simple ».
Les premiers résultats publiés vendredi, avant la remise d’un rapport global au Parlement fin janvier 2020, sont plutôt positifs. Selon l’enquête réalisée entre mai et juillet 2019 (auprès d’un nombre non précisé de femmes), le délai s’écoulant entre la première demande en vue d’une IVG et la réalisation effective de l’acte est en moyenne de 7,4 jours en France. Selon les régions, ce délai peut varier de 3 à 11 jours en moyenne. Des durées satisfaisantes qui ne disent cependant rien du parcours d’obstacles rencontrés par certaines femmes dans certains territoires à certaines époques de l’année.
Si « la plupart des ARS ne déclarent pas de difficulté majeure d’accès à l’IVG qui serait spécifiquement liée à l’exercice d’une clause de conscience », note le ministère de la santé, il constate par ailleurs « des difficultés d’accès voire des refus de prise en charge » des IVG tardives, c’est-à-dire au-delà de dix semaines de grossesse.
Dans certains départements (Haute-Marne, Doubs, Hautes-Pyrénées, Ariège), des fermetures de centres IVG, dues à des restructurations hospitalières et des fermetures de maternités, ont imposé des trajets beaucoup plus longs aux femmes. Selon les calculs du Monde, entre 2007 et 2017, hors fusions d’établissements, 27 centres ont ouvert et 70 ont fermé en France métropolitaine, soit une perte nette de 43 centres sur un total de 624 en 2007. En dix ans, la baisse a été de 7,7 %.
Plusieurs départements affichent par ailleurs d’importants « taux de fuite ». En Haute-Loire, en Ardèche, dans l’Ain ou en Haute-Saône, plus de 40 % des femmes qui avortent à l’hôpital le font dans un autre département que celui où elles résident (soit 1 771 avortements en 2017). Si l’attractivité ou la proximité de l’hôpital du département voisin peut en partie expliquer ce phénomène, il peut aussi être dû à un manque de centres IVG ou de médecins pratiquants. Au total, dans quinze départements (hors Ile-de-France), plus de 25 % des femmes ont avorté en dehors de leur département de résidence (soit 4 335 avortements).
Alors que les IVG instrumentales représentaient plus de deux tiers des IVG en 2001, elles n’en représentent plus qu’un tiers en 2017. Ce développement de l’IVG médicamenteuse est notamment dû à l’autorisation faite aux médecins libéraux en 2004 et aux sages-femmes en 2016 de la pratiquer. Si un tel élargissement répondait à une volonté des pouvoirs publics d’améliorer l’accessibilité de cet acte, il existe de fortes disparités dans le développement de cette offre libérale. Selon nos calculs, 37 départements comptent moins de cinq professionnels de santé libéraux pratiquant les IVG médicamenteuses.
Pour « réduire l’hétérogénéité des situations territoriales » et « conforter un accès rapide à l’IVG partout en France », Agnès Buzyn a annoncé, vendredi, que des IVG instrumentales pourront être réalisées dans les centres de santé dès le premier trimestre 2020. Un annuaire exhaustif de l’offre de l’IVG « actualisé pour prendre en compte la saisonnalité » sera également mis en place dans chaque région.
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