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vendredi 27 septembre 2019

Moi, Rémi, 38 ans, né d’un don de sperme et donneur à mon tour

L’examen du projet de loi de bioéthique a débuté à l’Assemblée le 24 septembre. Parmi les mesures phares, la PMA pour toutes et l’accès à l’identité de leur géniteur pour les enfants nés d’un don de sperme. L’un d’eux, Rémi Cheymol, témoigne sur son parcours.
Par   Publié le 27 septembre 2019
Rémi Cheymol, en septembre.
Rémi Cheymol, en septembre. CHARLOTTE YONGA POUR « M LE MAGAZINE DU MONDE »
Depuis longtemps, donner son sperme était pour lui une évidence. Alors, en 2010, quelques mois après la naissance de son premier fils, Rémi Cheymol s’est rendu, avec l’accord de sa conjointe, au centre d’étude et de conservation des œufs et du sperme humains (Cecos) le plus proche de chez lui, à l’hôpital Tenon, à Paris. « À l’époque, pour être éligible, il fallait avoir déjà un enfant, c’est pour ça que j’avais attendu », précise ce donneur de 38 ans, à l’allure d’adolescent malgré ses cheveux gris. La condition a été supprimée lors de la dernière révision de la loi de bioéthique, en 2011.

« Renvoyer l’ascenseur »

De sa première entrevue avec l’équipe médicale, qui sera suivie de cinq rendez-vous pour effectuer les prélèvements, ce fonctionnaire au ministère de l’écologie garde un souvenir un peu flou. « Je me rappelle que la psychologue m’a interrogé sur mes motivations. J’ai alors expliqué que je voulais renvoyer l’ascenseur, boucler la boucle. »
Une boucle esquissée dix ans plus tôt et qui a la forme d’un point d’interrogation. À l’époque, ce jeune homme de « 20, 21 ans » vit avec sa mère depuis la séparation de ses parents, bien des années avant. Un soir, au détour d’une conversation, cette dernière lui apprend qu’il est né d’un don de sperme, et que son père n’est donc pas son géniteur. « Elle était très émue. Elle a commencé par me dire que j’avais une belle histoire, particulière. Ce secret lui pesait, j’ai su plus tard qu’elle et mon père étaient allés voir un psychologue pour aborder tout cela. »

« Moi, je parle facilement de mon don dans mon entourage, mais être donneur, c’est facile, beaucoup plus que d’être un homme stérile. » Rémi Cheymol
La révélation est « une sacrée surprise, un choc, mais n’a jamais constitué un traumatisme », analyse-t-il aujourd’hui, avec le recul. Les jours qui suivent, le jeune homme, un brin frimeur, fait à tous ses amis le récit de cette nouvelle hérédité auréolée de mystère. Mais il « rate le coche » avec son père. « Il savait que je savais, mais ne m’a rien dit, alors je n’ai pas osé non plus. Un silence s’est installé, et on n’en a parlé que beaucoup plus tard, juste une fois, grâce à ma compagne », regrette ce fils unique.
Il découvre que, dans la famille paternelle, tous ignorent que le couple a eu recours à un don de sperme pour procréer. Un « tabou » sur lequel Rémi a davantage réfléchi en devenant père à son tour. « Je me suis dit à ce moment-là que ça doit vraiment être un effort et une grande preuve d’amour de faire tout ce parcours pour avoir un enfant. Moi, je parle facilement de mon don dans mon entourage, mais être donneur, c’est facile, beaucoup plus que d’être un homme stérile. »

Aider un couple à avoir un enfant

Donneur et né de don, il est d’autant plus à l’aise avec le récit de son histoire qu’il dit n’avoir jamais eu d’interrogation existentielle concernant ce géniteur inconnu. « Peut-être parce qu’au fond je ne suis pas très curieux, je ne sais pas, plaisante-t-il. Je n’ai jamais joué au jeu des ressemblances avec les hommes de mon entourage, sauf pour rire. Et, comme je n’ai pas eu de souci médical jusqu’à présent, la question ne me tourmente pas. » Il a simplement expliqué la situation à ses deux garçons de 7 et 9 ans, anticipant le jour où on les interrogerait sur leurs antécédents médicaux. « Pour eux, c’est intégré, sans difficulté, comme pour moi. Mon père, c’est celui qui m’a élevé, ça me paraît même bizarre de devoir le dire. »
Auparavant résolument opposé à la levée de l’anonymat du donneur de gamètes, il reconnaît toutefois avoir évolué en découvrant la souffrance de certaines personnes nées de dons lors d’un débat auquel l’avait convié, il y a quelques années, la psychologue rencontrée au Cecos de Tenon. « Je ne partage pas ce vécu, mais je peux comprendre leurs revendications », concède-t-il au sujet de ceux qui militent pour obtenir le droit d’accéder à cette part de leurs origines – un changement prévu dans la loi de bioéthique en cours d’examen à l’Assemblée nationale. Comme tous les donneurs de sperme (soit seulement 350 hommes par an environ), il n’a pas eu d’information sur la suite de son don, effectué il y a neuf ans. Il y pense parfois, et aime imaginer qu’il a aidé un couple à avoir un enfant.
Mais si, dans quelques années, d’éventuels descendants frappaient à sa porte pour lui demander des comptes, il serait « très clair » « Je leur expliquerais que je suis désolé, mais qu’on n’a rien en commun et qu’ils doivent s’adresser à leurs parents s’ils ont besoin de quelque chose. Il me semble que l’éducation, les valeurs que nous transmettent nos parents, les rencontres qu’on fait forgent davantage notre identité que notre seul patrimoine génétique. Moi, je me suis juste masturbé dans une éprouvette ! »

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