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mardi 24 septembre 2019

Les questions que pose l’ouverture de la PMA à toutes les femmes

L’examen du texte sur la bioéthique, dans lequel se trouve la mesure sur la procréation médicalement assistée, doit débuter mardi 24 septembre à l’Assemblée nationale.
Par   Publié le 21 septembre 2019
Après de multiples consultations, plu­sieurs avis scien­tifiques, une mission parlementaire et un travail au sein d’une commission, la révision des lois de bioéthique, examinée tous les sept ans, arrive à l’Assemblée nationale mardi 24 septembre. Composé de 32 articles, le projet de loi, amendé à la marge en commission, fixe dans un subtil exercice d’équilibre un nouveau cadre législatif à la recherche scientifique et aux avancées médicales, en prenant en compte les évolutions ­sociétales récentes.
Certaines dispositions, comme celles touchant aux greffes et dons d’organes, concernent des milliers de personnes chaque année. D’autres au contraire s’adressent à une minorité de Français, mais sont dotées d’une forte portée symbolique. C’est le cas de l’ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) à toutes les femmes, dont les modalités sont présentées dans les quatre premiers articles. Le point sur les enjeux et les débats autour de cette mesure à fort potentiel polémique, contre laquelle les opposants ont d’ores et déjà appelé à manifester le 6 octobre.

  • Une PMA vraiment pour toutes les femmes ?
A l’heure actuelle, en cas d’infertilité ou de risque de transmission de maladie infectieuse ou génétique, les couples hétérosexuels « en âge de procréer » peuvent avoir recours aux techniques de PMA (insémination artificielle, fécondation in vitro et transfert d’embryon congelé) pour essayer d’avoir un enfant. En 2017, 3 % des enfants sont nés grâce à une PMA, selon l’agence de biomédecine.
La nouvelle loi de bioéthique prévoit de supprimer le critère d’infertilité et de permettre que les couples de lesbiennes et les femmes « non mariées » puissent, elles aussi, bénéficier de cette ­assistance médicale. Selon les ­projections du gouvernement, 2 000 femmes supplémentaires seront susceptibles de s’inscrire dans un parcours de PMA.
Les conditions d’âge pour y accéder seront fixées par décret, a indiqué le ministère de la santé, et la PMA sera remboursée par la ­Sécurité sociale, comme elle l’est aujourd’hui, occasionnant un coût supplémentaire annuel de 10 à 15 millions d’euros. Pour prévenir d’éventuelles discriminations, un amendement précise qu’à la suite de l’évaluation des dossiers, les centres de PMA auront interdiction de « débouter le couple ou la femme célibataire en raison de son orientation sexuelle ».
Lors des débats en commission, une situation spécifique a été abordée, provoquant des échanges nourris : celle de la PMA post-mortem. Cette disposition, consistant pour une femme devenue veuve à recourir aux gamètes de son conjoint décédé pendant leur parcours de PMA, est interdite par la loi. Contre l’avis du gouvernement, elle a fait l’objet de plusieurs amendements, rejetés de justesse, mais qui réapparaîtront probablement lors de la séance publique.
  • Existe-t-il un risque de pénurie de gamètes ?
La situation peu florissante des stocks de gamètes (sperme et ovocytes) interroge la capacité de répondre à la nouvelle demande, un argument opportunément repris par les anti-PMA pour toutes. En 2016, 746 femmes ont donné leurs ovocytes et 363 hommes des spermatozoïdes. La même année, plus de 3 000 couples se sont inscrits pour accéder à un don de gamètes, relève l’agence de biomédecine, en précisant que 1 400 dons d’ovocytes et 300 dons de sperme annuels seraient nécessaires pour faire face aux besoins actuels. La forte demande d’ovocytes s’explique par le fait qu’un don de spermatozoïdes peut être attribué jusqu’à dix couples receveurs, tandis qu’un don d’ovocytes est destiné à deux couples receveurs maximum.
Or, mathématiquement, l’arrivée des femmes seules ou en couple lesbien va augmenter les recours aux dons. La plupart des observateurs s’accordent sur la nécessité de mettre en œuvre une vaste campagne d’information, d’autant que le don de gamètes est encore largement méconnu au sein de la population française.
Certains plaident aussi pour que les aspirants à une PMA avec tiers donneur aient la possibilité de faire appel à un don dirigé de gamètes. Cette pratique, qui consiste à se rendre dans un centre de PMA accompagné de « son » donneur ou de « sa » donneuse, est actuellement proscrite au nom de l’anonymat du don. Mais, dans les faits, les couples qui recommandent un donneur de gamètes progressent plus vite dans la liste d’attente. Des amendements autorisant ce « don relationnel indirect », rejetés en commission, seront de nouveau discutés en séance.
D’autant que le projet de loi prévoit que les donneurs ­consentent désormais à la possible divulgation de leur identité et d’informations non identifiantes, à la majorité de l’enfant né de leurs gamètes. Cette levée partielle de l’anonymat laisse craindre une baisse des dons, au moins momentanée.
  • L’accès aux origines des enfants nés de dons, une avancée ?
L’article 3 du texte introduit un bouleversement majeur dans la tradition bioéthique française, en ouvrant un nouveau droit aux personnes nées d’une PMA avec tiers donneur. A leur majorité, ils auront désormais la possibilité d’accéder à des infos non identifiantes voire, s’ils le souhaitent, à l’identité du donneur de gamètes ayant permis leur venue au monde.
La disposition ne signe pas la fin de l’anonymat du don, puisque le couple (ou la femme) receveur ne disposera pas de ces données, qui seront exclusivement transmises, si elle en manifeste le souhait, à la personne majeure née d’un don. Une commission créée par la loi sera chargée de gérer ces demandes. Il ne s’agit en aucun cas d’un « droit à la rencontre », a tenu à préciser à plusieurs reprises la ministre de la santé, Agnès Buzyn, qui s’est par ailleurs montrée défavorable à des amendements permettant d’organiser la mise en relation entre demi-frères ou sœurs génétiques, au grand regret des associations d’adultes nés de dons.
Pour ces derniers, nés avant la loi, la situation restera inchangée. Il n’est pas question, comme le demande par exemple l’association PMAnonyme, de recontacter les anciens donneurs pour qu’ils ­consentent à livrer des informations les concernant.
Il y a fort à parier que l’accès aux origines ne concernera pas les enfants nés de dons juste après la promulgation de la loi, compte tenu de la nécessité de constituer un stock de gamètes sous le nouveau régime, ce qui prendra un certain temps. Or, pendant ce délai, qui sera fixé par décret, ce sont les paillettes de donneurs n’ayant pas consenti à délivrer des informations qui seront utilisées.
Dernière limite, et de taille, ­concernant cet accès aux origines : seuls les enfants qui auront ­connaissance de leur histoire et de l’intervention d’un donneur dans le projet de leurs parents pourront en formuler la demande. Les enfants de couples hétérosexuels seront à cet égard désavantagés par rapport à ceux des couples de femmes, nécessairement informés.
  • Quel état civil pour les enfants ?
La question du mode d’établissement de la filiation des futurs enfants nés d’une PMA avec tiers donneur au sein des couples de femmes a déchiré le camp des partisans de l’ouverture, avant même la présentation du projet de loi. Le sujet est à la fois technique et éminemment sensible.
Alors que certains plaidaient pour un système calqué sur celui des couples hétérosexuels ayant recours à un don, d’autres souhaitaient au contraire profiter de l’occasion pour créer une même filiation pour tous les enfants conçus par don de gamètes, et mettre ainsi fin aux secrets de famille. Fin juillet, l’option choisie par le gouvernement, désireux de ne rien modifier pour les couples hétérosexuels, consistait à faire figurer sur l’acte d’état civil intégral des enfants de lesbiennes une déclaration anticipée de volonté, ­établie devant notaire au moment du consentement au don et transmise à l’officier d’état civil après la naissance.
Mais l’émoi suscité par cette proposition l’a conduit à revoir sa copie. A la veille de l’examen du texte en commission, la ministre de la justice, Nicole Belloubet, a annoncé que la création d’un titre à part dans le code civil, réservé aux enfants des couples de femmes, était abandonnée. C’est finalement une reconnaissance commune des deux mères, enregistrée devant notaire au même ­moment que le consentement obligatoire au don de gamètes, qui apparaîtra sur l’acte de naissance intégral de l’enfant.
Le débat est cependant loin d’être clos, comme l’ont montré les protestations venues notamment des bancs de la droite lors de l’examen en commission. En effet, pour les tenants d’une filiation fondée sur l’accouchement, la proposition gouvernementale de la faire reposer sur la volonté est tout bonnement inacceptable.

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