Les soignants de ce service qui accueille de nombreuses femmes précaires ont publié un « cri de détresse » sur le site du collectif Inter-Urgences.
Locaux « vétustes », effectifs à « flux tendus », équipe « à bout de souffle » et « sous la menace d’un craquage complet »… Dans un texte publié sur le site du collectif Inter-Urgences mardi 24 septembre, à l’avant-veille d’une nouvelle journée d’action des personnels des urgences grévistes, trente-neuf soignants du service de gynécologie-obstétrique de l’hôpital Lariboisière, dans le 10e arrondissement de Paris, lancent un « appel à l’aide ».
« Si les conditions restent telles quelles, une catastrophe va arriver comme (…) aux urgences générales », mettent-ils en garde, en référence au décès d’une femme survenu en décembre 2018 aux urgences de l’hôpital.
Les soignants interrogés par Le Monde font tous état d’un important malaise dans le service. « On nous demande des heures sup à gogo, on n’a plus de vie personnelle ; on ne veut plus venir travailler la boule au ventre, il y a des filles qui pleurent tout le week-end », raconte sous couvert d’anonymat une infirmière signataire du texte. « Il y a un grand mal-être, ajoute une de ses collègues, présente depuis quatorze ans dans le service. Toute la maternité est limite en burn-out. On vient travailler à reculons, je n’ai jamais connu ça… »
Sans non plus dévoiler son identité, une troisième soignante dit ressentir au quotidien de la « précipitation dans les soins » : « Plus ça va, plus ça empire, dit-elle. A cause du manque de personnel, il n’y a plus cette empathie qu’on avait avant. C’est devenu une usine ici. »
En raison d’arrêts maladie non remplacés, des auxiliaires de puériculture se retrouvent parfois, par exemple, seules pour vingt bébés, contre dix habituellement, privant ainsi les jeunes mamans de démonstration de bain.
« Souffrance »
Ce « cri de détresse » des personnels paramédicaux intervient moins d’un an après l’avertissement lancé par leur hiérarchie directe. Le 16 novembre 2018, dans un courrier adressé à la direction de l’hôpital et dont Le Monde a pu prendre connaissance, le chef de service Jean-Louis Benifla et neuf membres de l’équipe encadrante alertaient sur la « souffrance » du personnel. Dans un ultimatum à la direction, ils menaçaient même d’interrompre l’activité programmée et de ne plus prendre de nouvelles inscriptions à partir du 1er décembre si cette « souffrance » n’était pas prise en compte.
Dans ce service situé à côté de la gare du Nord, où près de 40 % des femmes suivies sont en situation de précarité, les responsables de la maternité faisaient valoir que les effectifs médicaux et paramédicaux étaient « les plus faibles » par rapport aux autres maternités de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) de taille similaire (2 500 naissances par an). Un audit externe avait alors été commandé par la direction.
« On ne veut plus venir travailler la boule au ventre, il y a des filles qui pleurent tout le week-end »
Celle-ci reconnaît aujourd’hui l’existence de « dysfonctionnements » et même d’un « malaise » au sein de la maternité, au vu notamment de la hausse de l’absentéisme. « On a fait le constat que le ratio de soignants n’était pas à la hauteur des autres services ; on s’est remis à niveau », explique Vincent-Nicolas Delpech, le directeur du groupe hospitalier réunissant Saint-Louis, Lariboisière, Fernand-Widal et Robert-Debré, ainsi que les hôpitaux universitaires Paris Nord-Val-de-Seine.
Depuis la fin août, des réunions ont lieu chaque semaine pour déployer d’ici à la fin de l’année un plan de réorganisation prévoyant l’arrivée de cinq personnels paramédicaux et d’un médecin supplémentaires, le remplacement d’infirmières par des sages-femmes de façon à « homogénéiser » la prise en charge, et des horaires en douze heures pour les sages-femmes, les auxiliaires de puériculture et les aides-soignantes prenant en charge les mères et les bébés. « L’administration a reconnu que nous avions raison », se félicite Jean-Louis Benifla au vu des renforts annoncés, tout en estimant que la maternité « reste encore sous-dotée ».
« Moisissures au plafond »
Mais pour une partie de l’équipe, le compte n’y est toujours pas. Les signataires du texte dénoncent ainsi la vétusté des locaux et décrivent des « prises électriques non protégées, des moisissures aux plafonds, des canalisations qui se bouchent régulièrement, des matelas de lit lacérés (…), du matériel de soins qui tombe régulièrement en panne et qui n’est remplacé que trois semaines plus tard ». D’autres racontent la chaleur dans les chambres en été faute de stores aux fenêtres. Des souris seraient régulièrement aperçues.
Des souris seraient régulièrement aperçues
Le matériel est également insuffisant, selon les soignants. « Il nous manque des fauteuils roulants, des tensiomètres, des thermomètres… On passe notre temps à courir après d’un étage à l’autre », raconte Tony Ferreira, 43 ans, infirmier en poste depuis plus de quatre ans dans le service. Les locaux modernes du « nouveau Lariboisière », annoncés pour 2023, paraissent encore loin aux équipes. « D’ici là, il y a un maintien minimal que nous engageons sans discuter », assure Vincent-Nicolas Delpech.
A tous ces problèmes est également venue s’ajouter, pour les soignants, la « honte » de « devoir demander à une jeune maman de sortir de sa chambre avec son bébé (…) pour une mise à l’abri aux urgences ». Faute de places d’hébergement d’urgence, des jeunes mères sans ressources (actuellement au nombre de quatre) se retrouvent, avec leurs nourrissons âgés de quelques semaines dans leur berceau, à même le sol, dans une petite pièce à l’extrémité des urgences gynécologiques. A la direction de l’AP-HP, on assure « s’efforcer de trouver des solutions individualisées et adaptées à chacune d’entre elles ».
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