Comment réaliser une consultation ou la demande d’avis d’expert à distance tout en préservant la qualité et la sécurité des soins ? La Haute autorité de santé publie ce jeudi un guide de bonnes pratiques que révèle en exclusivité Le Généraliste. Quels sont les dix commandements à respecter ? Suivez le guide !
Camille Roux
En avril 2018, saisie par le ministère de la Santé, la Haute autorité de santé avait conclu qu’aucune situation clinique ne pouvait être exclue a priori d’un recours à la téléconsultation ou à la téléexpertise. Elle avait alors publié une fiche mémo définissant les critères d’éligibilité du patient à une consultation à distance. Rappelant que « la téléconsultation n’est pas adaptée aux situations exigeant un examen physique direct par le professionnel médical consulté » ou si l’état cognitif, psychique ou physique ne la permettent pas.
La HAS a complété cet avis en publiant cette semaine un guide de bonnes pratiques. Destiné aux médecins mais aussi aux chirurgiens-dentistes et aux sages-femmes, il vise à assurer la qualité et la sécurité des actes de téléconsultation et de téléexpertise, respectivement entrés dans le remboursement de droit commun en septembre 2018 et février 2019.
Ces “recos” donnent en quelque sorte la bonne marche à suivre pour réaliser ces consultations à distance dans les “règles de l’art”. Elles concernent tous les actes de téléconsultation et téléexpertise quels que soient le lieu où ils sont réalisés (en cabinet de ville, en établissement ou au domicile des patients...), la spécialité du praticien et son mode d’exercice (libéral ou salarié). En leur donnant ces outils, la HAS veut encourager les médecins à se lancer dans la télémédecine et ainsi faciliter l’accès aux soins (ou éviter les renoncements), la téléconsultation demeurant à ce jour réalisée par une minorité d’entre eux. En filigrane, elle rappelle aux plateformes privées les lignes rouges à ne pas franchir.
Les dix commandements de la HAS
1-Tu organiseras ton activité
Un acte de télémédecine ne s’improvise pas. La HAS recommande aux professionnels de prévoir des plages dédiées et d’utiliser des locaux adaptés, calmes, bien éclairés, où le praticien ne sera pas interrompu et garantissant la confidentialité des échanges.
2-Tu t’équiperas pour sécuriser les données
La téléconsultation et la téléexpertise nécessitent des outils de communication spécifiques à la vidéotransmission et une messagerie sécurisée. Si les données personnelles doivent être externalisées, leur stockage et leurs échanges doivent être sécurisés via un hébergeur agréé ou certifié. La HAS recommande de prévoir les modalités de travail en mode dégradé (rupture de connexion Internet, dysfonctionnement de matériel...) et d’établir des contrats de maintenance avec les prestataires de services et fournisseurs, précisant leur délai d’intervention en cas de panne.
3-Tu te formeras
Le médecin est invité à une action de formation ou de développement professionnel continu (DPC) pour apprendre le travail à distance : communiquer avec ses patients, réaliser un examen clinique. De même, une initiation est souhaitable pour savoir utiliser le matériel et les équipements (outils informatiques, dispositifs médicaux connectés...)
4-Tu évalueras la satisfaction de l’usager
La HAS invite les professionnels de santé à faire remplir un questionnaire de satisfaction à leurs patients mais aussi à colliger et analyser les éventuels événements indésirables (ralentissements, problèmes d’image, déconnexions...). Un outil d’évaluation des pratiques appelé “méthode du patient traceur” est mis à disposition du médecin.
5-Tu informeras le patient
Recueillir le consentement du patient est un préalable à toute téléconsultation. Le professionnel devra veiller à bien l’informer sur les modalités de la consultation à distance, les technologies employées, les alternatives possibles, la possibilité d’être accompagné, la confidentialité des échanges, le coût et le reste à charge. Une notice d’information élaborée par la HAS et accessible en ligne peut être remise aux patients.
6-Tu prépareras la téléconsultation
Le professionnel doit juger au préalable de la pertinence d’une téléconsultation. Le médecin peut par exemple la refuser si d’après lui un examen physique s’impose, si le patient vient pour une urgence ou s’il s’agit d’une consultation d’annonce. La primo-consultation n’est pas un motif d’exclusion. Le professionnel doit avoir accès aux données médicales et aux informations administratives nécessaires à la réalisation de l’acte.
7-Tu vérifieras l’identité du patient
Le médecin doit s’assurer de l’identité du téléconsultant en lui demandant de montrer sa carte d’identité à la caméra. Il doit aussi connaître sa localisation exacte au moment de l’acte, et son numéro de téléphone. Ces informations permettront une prise en charge en urgence ou de rappeler le patient si la téléconsultation est interrompue. Le professionnel doit lui aussi s’identifier avec un système de double authentification (mot de passe et carte à puce, par exemple).
8-Tu te tiendras bien face au patient
Pour le bon déroulement de la téléconsultation, le médecin doit veiller à ne pas être dérangé, s’assurer de la bonne qualité du son et de l’image (luminosité adaptée, interlocuteurs compréhensibles). Il doit également veiller à ne pas tourner le dos au patient pendant la consultation et à ne pas sortir du champ de la caméra.
9-Tu élaboreras un compte-rendu de l’acte
Le professionnel doit enregistrer le compte-rendu de la téléconsultation (avec la date et l’heure de l’acte, les prescriptions médicamenteuses, l’identité des professionnels concernés, les éventuels incidents techniques survenus...) dans son propre dossier patient ainsi que dans le dossier médical partagé de celui-ci (s’il existe).
10-Tu communiqueras les informations
Le médecin doit transmettre au patient de manière sécurisée le compte-rendu, ainsi que les éventuelles prescriptions médicales et autres courriers (demande d’examen ou de consultation). Ce compte-rendu peut également être transmis, de manière sécurisée, au médecin traitant (s’il n’est pas l’auteur de l’acte) et aux autres professionnels de santé désignés par le patient et impliqués dans sa prise en charge.
16 011 consultations à distance
Entre le 15 septembre 2018 et mi-mai, l’Assurance maladie a pris en charge plus de 16 000 consultations à distance, selon ses derniers chiffres. Le nombre de téléconsultations a doublé depuis la mi-mars, puisqu’à 6 mois du début du dispositif, la Cnam ne comptabilisait que 8 000 actes de ce type. Avec 1 098 TLC du 6 au 12 mai, le déploiement semble s’accélérer. Pour autant, l’objectif de 500 000 actes en 2019 de la Cnam est loin d’être atteint. Près de la moitié des 16000 téléconsultations (47,2 %) ont été réalisées par des généralistes, 30,3 % par des spécialistes. Les libéraux ont ainsi effectué 80,8 % d’entre elles si on y ajoute les médecins à exercice particulier (MEP). Les centres de santé en ont fait 11,3 % et les établissements de santé 7,9 %, en grande partie sous forme de consultations externes. Concernant la téléexpertise, la Cnam ne dispose pas encore de premier bilan chiffré.
Dossier réalisé par Christophe Gattuso, Camille Roux et le Dr Linda Sitruk
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