L’administration pénitentiaire souhaite ouvrir dix quartiers de ce type en 2019 pour travailler sur le désengagement de la violence.
Ils sont deux à être arrivés à l’unité pour détenus violents (UDV) du centre de détention de Châteaudun (Eure-et-Loir), mardi 18 juin. L’un était déjà incarcéré à Châteaudun, l’autre vient du centre de détention de Joux-la-Ville (Yonne). Ces détenus sont affectés pour un séjour de six mois, renouvelable une seule fois pour trois mois, dans ce quartier flambant neuf. Ils vont devoir y suivre un programme personnalisé, censé réduire la violence de leur comportement.
Après Lille et Strasbourg en mai, et Marseille le 11 juin, c’est le quatrième quartier de ce type à ouvrir en France, dans le cadre d’une nouvelle politique de l’administration pénitentiaire pour lutter contre les violences en prison. Six autres devraient voir le jour d’ici à la fin de l’année.
« Aujourd’hui, face à un acte de violence contre un surveillant ou un autre détenu, on sanctionne sur le plan disciplinaire, avec parfois le recours au quartier disciplinaire ou au transfert d’établissement, et, sur le plan pénal, pour les faits les plus graves, résume Pauline Rossignol, chargée de la sécurité à la direction interrégionale des services pénitentiaires de Dijon, dont dépend l’Eure-et-Loir.Désormais, on va aussi s’interroger et les interroger sur leur parcours pour travailler avec eux sur la suite de leur détention. » Certains détenus maintenus dans des quartiers d’isolement, faute de prise en charge satisfaisante, pourraient aussi être orientés vers les UDV.
Quartier étanche du reste de la prison
Chaque année, on dénombre 8 000 agressions entre détenus et 4 000 dirigées contre le personnel. Pour tenter de sortir de l’impasse que constitue la violence en prison, l’administration pénitentiaire a travaillé sur trois axes : une recherche a été commandée à un sociologue sur le phénomène de passage à l’acte en détention, l’échelle des sanctions disciplinaires a été durcie depuis le 15 mars, et les unités pour détenus violents ont été créées.
Ce programme ne s’adresse pas aux détenus radicalisés, pour lesquels des quartiers de prise en charge spécifique existent, ni à ceux atteints de troubles psychiatriques, moins accessibles à un programme de désengagement de la violence, ni aux personnes les plus violentes, affectés dans les maisons centrales de haute sécurité.
Le niveau de sécurité est néanmoins élevé dans ce quartier étanche du reste de la prison. Certes, le vert et le bleu pastel donnent un aspect apaisant aux deux coursives réunissant les onze cellules individuelles de l’UDV de Châteaudun, et des douches individuelles ont été installées. Un confort auquel les 542 autres détenus de la prison n’ont pas accès. Mais chaque cellule a son « passe-menottes » par lequel le détenu tend ses poignets afin d’être entravé avant que les surveillants ouvrent la porte. La vidéosurveillance, omniprésente, le mobilier scellé au mur et au sol, même dans la salle réservée aux entretiens, et les cours de promenade individuelle montrent le souci de minimiser les risques.
La sécurité dynamique et les gestes de contrôle constituaient un des modules des trois semaines de la formation que les surveillants, les conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation et la psychologue, tous volontaires, ont suivie avant de venir travailler dans ce bâtiment. Cette formation a aussi porté sur les entretiens, l’évaluation des détenus, la communication non violente et la prise en charge du stress.
Un dispositif adapté au fil des mois
Les deux premiers « pensionnaires » de l’UDV vont d’abord rester à l’isolement pendant deux semaines consacrées à une évaluation pluridisciplinaire. « Cette phase sera la plus délicate », expliquait, à la veille de l’ouverture, la major Virginie Magnier, chef de l’UDV. Ensuite, un programme de prise en charge individuel est arrêté, en concertation avec le personnel pénitentiaire, mais aussi médical et enseignant.
Des partenariats spécifiques avec des associations ont été noués par le service d’insertion et de probation, notamment pour que les activités culturelles ou d’enseignement, traditionnellement ralenties durant l’été, soient maintenues. Le dispositif de sécurité (rythme des fouilles à nu, déplacement sans menottes, activités en groupe, etc.) est adapté au fil des mois et selon l’évolution de la personne.
Concernant l’expérimentation en situation réelle, les premiers retours de l’UDV de Strasbourg « sont très positifs », assure l’administration pénitentiaire. Ce quartier, qui accueille cinq détenus depuis son ouverture, pourrait ainsi monter à huit sa capacité opérationnelle, dès septembre. En revanche, quelques ratés ont marqué les débuts à la prison de Lille-Sequedin, où, par exemple, a été envoyé un détenu ne parlant pas le français sans que la présence d’un interprète soit prévue.
La difficulté est d’obtenir un minimum d’adhésion au programme de la personne. Les détenus savent que refuser une affectation en UDV sera mauvais pour leur dossier. A l’échelle des près de 72 000 prisonniers, les quatre-vingts places que devraient représenter au total les UDV sont une goutte d’eau.
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