Un médecin généraliste en consultation en 2015 à Quimper.Photo Fred Tanneau. AFP
Trois syndicats de médecins vont signer ce jeudi deux accords avec l'Assurance maladie pour mieux organiser la médecine de ville.
C’est le paradoxe du jour. Alors que le collectif inter-urgences vient de voter la poursuite du mouvement de grèves dans les hôpitaux, c’est l’embellie du côté de la médecine de ville. Ce jeudi seront en effet officiellement signés, par trois syndicats de médecins libéraux, deux accords avec la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam), visant à mieux structurer la médecine de ville, l’un portant sur les assistants médicaux et l’autre sur ce que l’on appelle les Communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS). Un accord en forme de très bonne nouvelle pour la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, qui n’en a pas beaucoup ces temps-ci.
Les textes qui seront signés sont importants, même s’ils ne marqueront pas obligatoirement une rupture. Un rien bureaucratiques, ils posent des jalons, les prémisses d’une nouvelle organisation de la médecine de ville. Rien ne dit pour autant que cela sera suffisant, tant celle-ci reste aujourd’hui éclatée et incapable d’assurer une réelle permanence des soins, laissant les urgences hospitalières débordées de toutes parts. «Cela va dans le bon sens, reconnaît le Dr Jacques Battistoni, président de MG France, première organisation de généralistes. Les choses bougent, indéniablement, la Sécu met un peu d’argent.»
Jusqu’à 4 000 embauches d’assistants médicaux
Le premier point porte sur les assistants médicaux. L’idée était de faire en sorte que par le biais d’un secrétariat un peu médicalisé qui serait pris en charge en partie par la Cnam, du temps médical puisse être dégagé pour les médecins. L’accord sur les assistants médicaux a donc retenu le principe d’aides allouées pour l’embauche d’un assistant médical pour un médecin dans les zones sous-denses (soit 18% du territoire) et d’un assistant pour deux médecins sur le reste du territoire. Dans les «déserts», la subvention financière de la Cnam sera complète la première année (36 000 €) puis dégressive (27 000 € la deuxième année, 21 000 € les années suivantes). Ce n’est pas rien. Hors de ces zones, le soutien financier s’échelonnera de 7 000 à 18 000 € en fonction de différents critères. En contrepartie, les praticiens devront satisfaire des objectifs d’augmentation de clientèle, qui varieront en fonction de leur file active de patients. Les pouvoirs publics espèrent aller jusqu’à l’embauche de 4 000 assistants. «C’est une bonne piste, mais le dispositif n’est pas très lisible. Et il n’y a pas d’assurance de sa pérennisation», s’inquiète néanmoins MG France. D’autres syndicalistes craignent que ce dispositif conduise à une médecine «de plus en plus productiviste»avec des objectifs de rentabilité pour pouvoir bénéficier de subventions. En tout cas, nos médecins ne pourront plus tout à fait se dire dévorés par la paperasse.
Second volet, les CPTS. Il s’agit d’organiser territorialement la médecine de ville autour de bassins de population de 60 000 habitants en moyenne. Le texte prévoit qu’une CPTS se crée dans chaque territoire, avec un projet de santé élaboré par des professionnels en accord avec l’Agence régionale de santé (ARS), et organisé autour d’objectifs clairs, relatifs à la permanence des soins et à leur accès, mais aussi à la prévention, à la coordination entre médecine de ville et médecine hospitalière. En échange, lesdites CPTS obtiendront des aides pouvant aller de 185 000 à 380 000 euros à partager entre l’ensemble des professionnels y prenant part. «Là aussi, cela va dans le bon sens, nous dit le Dr Battistoni, même si les sommes ne sont pas très élevées. Le point faible, c’est qu’avant d’avoir un financement, il faut avoir rédigé un projet de santé avec l’ARS. Il faut que les ARS aient des instructions claires.» Ces CPTS sont pluriprofessionnelles, tout médecin a vocation à y participer, mais il n’y a pas d’obligation. Là encore, l’organisation repose sur la bonne volonté du terrain.
Aucune mesure contraignante
Après plus de six mois de négociations, MG France a été le premier à annoncer sa signature, début juin. La Confédération des syndicats médicaux français lui a emboîté le pas, comme l’a annoncé son président, le docteur Jean-Paul Ortiz, à France Info. S’il a rappelé que les problèmes actuels étaient liés à l’inconséquence des pouvoirs publics qui n’ont pas su anticiper les évolutions de la démographie médicale, Jean-Paul Ortiz s’est montré plutôt positif : «Très concrètement, à partir de la rentrée de septembre, il pourra y avoir déjà des assistants médicaux dans les cabinets français.» Enfin, le Syndicat des médecins libéraux a voté son accord sur ces deux textes, ouvrant la voie à une signature globale.
En tout cas, cet accord doit beaucoup à Nicolas Revel, directeur général de la Cnam. Celui-ci a fait preuve de diplomatie et d’efficacité dans ses rapports avec les médecins libéraux, milieu d’ordinaire plutôt réticent avec la machinerie «Sécu». Reste que la suite a tout d’un pari. Le choix des pouvoirs publics de ne pas brusquer la médecine de ville en ne prenant aucune mesure contraignante (par exemple pour une meilleure répartition des médecins sur le territoire) n’assure pas du résultat, à savoir une médecine de ville enfin efficace collectivement.
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