| 20.06.2019
Pour la première fois, la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (Sfap) a élu un médecin de famille à sa tête. A 48 ans, le Dr Olivier Mermet, généraliste dans une MSP à Saint Pourçain-sur-Sioule (Allier), devient le nouveau président de la Sfap. Coordonnateur du réseau de soins palliatifs de l’Allier depuis 14 ans, il insiste sur l’importance des équipes de soins primaires dans ce domaine.
Vous êtes engagé depuis des années dans les soins palliatifs. Pourquoi cet intérêt pour ce sujet ?
Il y a 20 ans, j’ai fait ma thèse sur les difficultés que rencontraient les généralistes pour les soins palliatifs à domicile. Après avoir exercé exclusivement la médecine générale pendant une période, je me suis réintéressé à la question pour diffuser cette culture palliative au domicile. Mon objectif est que les patients puissent, en restant chez eux, bénéficier d’une expertise en soins palliatifs aussi et d’un accompagnement de qualité. Dans ma ville de Saint Pourçain-sur-Sioule, nous avons un hôpital de proximité dans lequel nous suivons nos propres patients.
On parle beaucoup de la prise en charge hospitalière de la fin de vie, mais quel rôle peuvent jouer les généralistes ?
Aujourd’hui, les généralistes peuvent d’ores et déjà s’impliquer en transmettant de l’information. Ils ont la possibilité de remplir les fiches URGENCE PALLIA, disponibles sur notre site. Elles permettent que le patient, s'il est envoyé aux urgences, ne reçoivent pas de traitements déraisonnables, par exemple. Les généralistes sont aujourd'hui encore assez peu confrontés aux situations de fin de vie à domicile mais elles ont tendance à augmenter avec le virage ambulatoire. Les patients sont renvoyés à domicile de plus en plus tôt des hôpitaux. L'offre de soins palliatifs est plus importante dans les grandes villes, pour autant à l’avenir les généralistes vont être de plus en plus sollicités. Avec la pyramide des âges, on estime que d’ici 30 ans en France, il y aura 250 000 morts de plus par an. Il va falloir gérer toutes ces personnes en situation de fin de vie. Toutes n’auront pas besoin d’une expertise palliative, en revanche tous les médecins auront besoin d’une formation pour l’ensemble des patients.
Justement, les généralistes se sentent parfois isolés et mal formés sur la question.
Pour l’instant, la douleur en soins palliatifs représente une dizaine d’heures dans la formation des généralistes, il faut améliorer cela. Il est aussi important de se former à l’interdisciplinarité. Les initiatives qui se créent actuellement comme les MSP ou les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) ouvrent de nouvelles possibilités de financement pour la coordination, la concertation. Pour que le généraliste ne se sente pas seul dans ces situations, il est important qu’il puisse prendre, avec son équipe soignante, les décisions le plus sereinement possible. Il doit pouvoir accès à une expertise palliative. Et il ne faut pas s’interdire non plus dans des territoires un peu plus reculés, des solutions peu développées pour l’instant en soins palliatifs comme la téléexpertise.
Un rapport récent du Centre national des soins palliatifs montrait les difficultés à mettre en place la sédation profonde et continue en ambulatoire. Comment faire mieux ?
La sédation à domicile a été présentée par le législateur comme quelque chose d’évident, ce qui était un peu rapide. Pour l’instant, un généraliste ayant une activité classique verra très peu de sédations à domicile pendant sa carrière. La DGS a demandé à la Sfap de créer un e-learning sur la sédation qui sera disponible dans les jours à venir. Il traite du contexte dans lequel on peut en faire bénéficier le patient. Nous avons également rédigé des fiches conseil qui sont disponibles sur le site de la Sfap. Nous conseillons au généraliste de se faire aider, par une équipe de soins palliatifs. Et si une sédation à domicile est mise en place, et qu’il n’y a pas de permanence 24 heures sur 24, il faut faire appel à une HAD.
Au-delà de la reconnaissance du rôle des généralistes, quelles seront vos priorités durant votre mandat ?
Je veux essayer de rassembler les professionnels de santé encore plus largement car les soins palliatifs concernent toutes les spécialités. Il est également nécessaire d'alerter sur les difficultés que rencontrent les aidants et de faire en sorte qu’ils soient mieux informés et entourés. Le rôle de la Sfap est aussi de participer au développement d’une culture palliative et faire en sorte que les soins palliatifs soient plus précoces. Trop souvent, les équipes sont appelées tardivement, trois jours avant le décès, c’est beaucoup trop tard.
On a vu à travers les États Généraux de la Bioéthique ou le Grand débat que la fin de vie était un sujet qui préoccupait beaucoup les Français. Pourquoi selon vous ?
Je crois que les citoyens dans leur ensemble redoutent la souffrance. Ce qui souligne l’intérêt de mieux communiquer sur les soins palliatifs et de mieux former les professionnels. Souvent si les gens demandent des solutions extrêmes, c’est par peur de la souffrance. Nous voyons que lorsque nous intervenons avec des équipes de soins palliatifs auprès de personnes qui ont des demandes d’euthanasie, ces demandes disparaissent la plupart du temps une fois que leurs symptômes sont contrôlés. C’est toujours un moment difficile, mais bien accompagnés nous pouvons aider les gens à ce qu’ils profitent de la vie jusqu’aux derniers instants.
Attendez-vous également davantage de moyens pour les soins palliatifs ?
Le dernier plan de développement des soins palliatifs s’est achevé fin 2018. La ministre de la Santé a annoncé la création d’un groupe de travail pour un nouveau plan de développement, c’est une bonne nouvelle. Nous espérons maintenant que les moyens adéquats seront mis en œuvre.
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