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lundi 17 juin 2019

Loi de bioéthique : les personnes intersexes se cherchent une place

Par Catherine Mallaval — 
En 2016, le Comité ­contre la torture de l’ONU exhortait déjà la France à «garantir le respect de l’intégrité physique» des intersexes.
En 2016, le Comité ­contre la torture de l’ONU exhortait déjà la France à «garantir le respect de l’intégrité physique» des intersexes. Photo Adrien Selbert. VU

Des personnes nées ni fille ni garçon et à qui on a assigné médicalement un genre demandent l’interdiction de ces «mutilations». Un colloque est organisé ce lundi à l’Assemblée pour convaincre la majorité.

Ce sont des personnes qui viennent au monde sans être clairement de sexe masculin ou féminin. En langage savant, on les qualifie un rien froidement d’«individus présentant des variations du développement sexuel». En langage courant, elles répondent au nom d’«intersexes» ou de «personnes intersexuées». Différents, rares (environ 200 enfants sur les 800 000 naissances annuelles en France), ils et elles croisent les doigts pour que le projet de loi bioéthique qui sera présenté le 26 juillet en Conseil des ministres leur fasse une place. Une vraie. Aux côtés de ces gros morceaux que seront l’ouverture de la PMA à toutes, le dépistage génétique ou encore les big data en santé.
Dans le rapport de la mission d’information parlementaire relative à la bioéthique rendu en janvier, qui doit servir de support au projet de loi, ils sont là. De même que dans celui du Conseil d’Etat portant aussi sur la révision de cette loi. Et «il faut maintenant qu’ils aient toute leur place dans la future loi», insiste fermement l’avocat Benjamin Pitcho, qui organise lundi un colloque mêlant députés, avocats et personnes intersexes à l’Assemblée nationale, en collaboration avec l’Espace éthique Ile-de-France.
Objectif : «Reconnaître et respecter les droits des personnes intersexuées.» Et plus particulièrement, la nécessité d’interdire toute mutilation non consentie sur ces personnes qu’on opère trop souvent à la naissance pour les «assigner» dans un sexe ou l’autre. Et en faire des garçons ou des filles de force tant la société a horreur du doute et a fait du sexe un pilier de l’identification sociale.

Répercussions

Problème : ces interventions (telles que clitoridectomie, vaginoplastie, dilatation vaginale, castration et ablation des gonades…), le plus souvent réalisées dans les trois premières années de la vie, sont très lourdes. C’est sans compter avec la prise de traitements hormonaux pendant des années, voire à vie. Et les répercussions physiques et psychologiques qu’elles peuvent engendrer.
Le Collectif intersexes et allié·e·s dénonce ainsi depuis des années «l’ablation d’organes sains, les cicatrices très marquées, les infections des voies urinaires, la perte totale de sensations sexuelles» et, finalement, «le sentiment profond de violation de la personne et de pathologisation d’un corps sain».
Violent. Et risqué. Car comme le rappelle MPitcho, ces interventions sont réalisées «sans que nul ne sache vers quelle identité de genre l’enfant va se développer, risquant ainsi de l’enfermer dans un corps en discordance grave avec son identité».
Le combat, en France, contre ces interventions - notamment interdites à Malte, au Portugal ou en Californie - n’est pas nouveau : il traîne. En mai 2016, le Comité contre la torture de l’ONU a déjà exhorté la France à «prendre des mesures législatives, administratives ou autres pour garantir le respect de l’intégrité physique des personnes intersexuées». En 2017, après un appel de la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah) à cesser ces opérations-mutilations, «lorsqu’elles ne sont pas impératives pour des raisons médicales», le président Hollande, en fin de quinquennat, était allé au charbon pour demander l’interdiction de ces chirurgies sur les enfants intersexes…

«Consentement»

Mais que faire ? Normalement l’article 16-3 du code civil prévoit d’une part «qu’il ne peut être porté atteinte à l’intégrité du corps humain qu’en cas de nécessité médicale pour la personne» et que «le consentement de l’intéressé doit être recueilli préalablement hors le cas où son état rend nécessaire une intervention […] à laquelle il n’est pas à même de consentir». Pour l’avocat Benjamin Pitcho, «il faut modifier la loi». Comment ? En affirmant (sauf cas où le pronostic vital est engagé) que les actes médicaux sexués sur des mineurs ne répondent pas à une nécessité médicale. Et attendre aussi que le mineur soit en état de participer à une décision qui concerne directement son corps. Qu’il choisisse de rester tel qu’il est né ou d’opter pour un sexe ou l’autre.
«Respecter la liberté», tel est le maître-mot de MPitcho, qui milite également pour des mesures d’accompagnement (aide aux parents, formation du personnel enseignant…) afin que les intersexes se fassent tranquillement une place. Et que tous ceux qui ont été mutilés soient dédommagés.

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