Feu vert pour le cannabis à visée thérapeutique. Douleurs neuropathiques réfractaires aux thérapies, médicamenteuses ou non, formes d’épilepsie sévères et pharmacorésistantes, soins de support dans le traitement du cancer, soins palliatifs, douleurs provoquées par la sclérose en plaques ou autres pathologies du système nerveux central : le Comité scientifique spécialisé temporaire (CSST) a rendu publiques mercredi cinq indications pour lesquelles la prescription du cannabis thérapeutique va être autorisée.

Fleurs séchées

Après des mois d’auditions à l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), d’échanges avec les collectifs de patients et les sociétés savantes de médecine, le CSST a remis un projet d’expérimentation détaillé d’une nouvelle gamme de médicaments dérivés du cannabis. Ce projet, transmis aux associations de patients, sera débattu le 26 juin lors d’une dernière audition prévue à l’Agence du médicament avant d’être soumis pour validation finale au ministère de la Santé. Entre 300 000 et 1 million de patients pourraient être concernés par la prise de cannabis thérapeutique, selon les travaux menés par le CSST présidé par le médecin psychiatre Nicolas Authier (lire interview page 4),qui a planché pendant une année.
Le cannabis thérapeutique est considéré comme un médicament et sera prescrit dans un cadre très rigoureux pour éviter les dérives. Pour un effet immédiat, les experts recommandent la mise à disposition d’huile et de fleurs séchées, tandis que les solutions buvables et les capsules d’huile seront prescrites pour un effet prolongé.
Autant dire qu’on ne badine pas avec le cannabis thérapeutique. Qu’on ne saurait confondre avec sa variante récréative qui, hasard (malheureux ?) du calendrier, fait en ce moment même l’objet d’une proposition de loi transpartisane portée par des députés marcheurs mais aussi LFI, le PS, etc. et d’un appel à une légalisation contrôlée porté par 70 personnalités dans l’Obs.

«Planètes alignées»

La France est-elle prête à accepter le cannabis médicament ? Selon un sondage Ifop pour Echo citoyen et Terra Nova de juin 2018, 82 % des Français sont favorables à l’autoriser sur ordonnance. A ce jour, seule l’Académie de pharmacie fait de la résistance, en refusant le terme même de «cannabis thérapeutique». Une dénomination qu’elle juge «abusive et dangereuse», précisant : «Mélange végétal composé de 200 principes actifs différents, variables en quantités et en proportions en fonction des modalités de culture, de récolte, de conservation, n’étant ni dosé, ni contrôlé, le cannabis dit thérapeutique ne peut apporter les garanties d’un médicament.»
L’Hexagone a de fait longtemps été réticent. A ce jour, quelque 45 pays, dont 21 en Europe, permettent un accès légal aux traitements à base de cannabis. Les premiers à l’avoir autorisé sont le Canada, les Pays-Bas et Israël. Pour Olivier Véran, député LREM et médecin hospitalier neurologue à l’origine d’une note à l’attention de la ministre Agnès Buzyn, «les planètes sont aujourd’hui alignées. S’il devait y avoir un blocage, il ne serait que politique». Cet ancien rapporteur de la loi santé de Marisol Touraine (qui refuse d’évoquer les cannabis «récréatif» et «de bien-être» «pour éviter de tout mélanger» et servir les opposants) l’assure : «J’ai hâte de pouvoir prescrire du cannabis à mes patients. Ma priorité, ce sont les malades.»