| 08.01.2019
Quelle est en France l'ampleur des inégalités socio-économiques dans le développement langagier et moteur chez les moins de 3 ans ? C'est à cette question qu'a voulu répondre une vaste étude chez plus de 10 000 enfants de la cohorte Elfe dans le « Bulletin Épidémiologique Hebdomadaire »(BEH).
À 2 ans, « le développement du langage des enfants est marqué par un fort gradient socioéconomique selon le revenu du ménage ou le diplôme de la mère », révèle l'étude. La différence brute est loin d'être ténue, de l'ordre d'un demi-écart-type entre les ménages les plus favorisés et les moins favorisés (tant en termes d'éducation que de revenu). À l'inverse, le développement moteur n'est pas (ou peu) soumis à l'influence du niveau socio-économique.
Niveau de diplôme maternel
Alors qu'aux alentours de 2 ans, « les enfants connaissent en moyenne 74 mots parmi les 100 proposés, ceux dont la mère a un diplôme de l'enseignement supérieur plus élevé que le niveau bac +2 en connaissent 6 de plus », est-il précisé. L'influence du niveau de diplôme est moins prononcée pour le père.
Sur les 18 000 enfants nés en 2011 de la cohorte Elfe (341 maternités), l'étude s'est basée sur les données de 11 496 enfants pour le langage et de 10 740 pour la motricité. Pour évaluer le langage, les auteurs ont retenu le MacArthur-Bates, qui mesure le volume et la variété du vocabulaire.
Cet indicateur compte le nombre de mots dits de manière spontanée par l'enfant parmi une liste de 100 proposés. Pour le développement moteur, l'étude a utilisé huit variables : monter les escaliers, frapper dans un ballon, courir, pédaler avec un tricycle, manger seul, boire seul, enfiler seul des chaussons ou des chaussettes, marcher de manière autonome avant l'âge de 18 mois.
Le mode de garde comme levier
Ce constat posé avant même l'entrée à l'école maternelle a de quoi faire réfléchir. La petite enfance est une phase clé du développement du cerveau et de l'apprentissage de l'enfant. Le niveau langagier précoce reste très corrélé à celui que l'on observe aux 3 ans de l'enfant, et les différences socio-économiques peuvent « influer sur la trajectoire future », est-il souligné.
Tout n'est pas joué pour autant, des leviers d'action sont possibles. « Les enfants gardés en crèche ou par une assistante maternelle ont acquis un vocabulaire plus riche que ceux gardés par les parents ou les grands-parents », relèvent les auteurs soulignant le rôle potentiellement bénéfique des activités éducatives proposées par les professionnels de la petite enfance.
Alors que le président de la République a annoncé en mars 2018 l'abaissement de l'école obligatoire à 3 ans dans l'objectif de réduire les inégalités sociales, l'étude suggère des pistes pour aller plus loin et plus précocement, via des politiques ambitieuses de soutien à la parentalité (accès au mode de garde, promotion de mesures éducatives, notamment la lecture parentale).
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