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mercredi 9 janvier 2019

Addiction à l’alcool, un plan tout en modération

Le texte, qui renforce les actions déjà en place, a été discrètement adopté en décembre.
Par François Béguin Publié le 07 janvier 2019

COLCANOPA
Annoncé depuis bientôt dix mois, reporté à plusieurs reprises, le « plan national de mobilisation contre les addictions 2018-2022 » a été dévoilé, mardi 8 janvier, par un simple tweet. Le texte a été discrètement adopté par le gouvernement en décembre 2018 et envoyé le 27 du même mois aux préfets de région et de département par la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca), la structure chargée de ce dossier auprès de Matignon.
En préambule de cette feuille de route, le premier ministre, Edouard Philippe, assure que les chiffres de la mortalité imputable au tabac (73 000 décès par an) et à l’alcool (49 000 décès par an) en France « ne sont pas acceptables ». Appelant à « changer nos regards et nos habitudes » sur ces consommations, le chef du gouvernement revendique un « discours public clair sur les risques et les dommages des consommations de substances psychoactives ».

Las. Les prises de position du chef de l’Etat sur le vin sont passées par là, et expliquent en partie les atermoiements de l’exécutif ces derniers mois.
« Tant que je serai président, il n’y aura pas d’amendement pour durcir la loi Evin », avait annoncé Emmanuel Macron, le 22 février 2018, en marge du Salon de l’agriculture, après que la ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn, ancienne présidente de l’Institut national du cancer, avait cru pouvoir rappeler que le vin était un « alcool comme les autres »« Moi, je bois du vin le midi et le soir. Je crois beaucoup à la formule de Pompidou : “N’emmerdez pas les Français” », avait déclaré le chef de l’Etat.

Aucune mesure forte sur l’alcool

Le plan, qui affiche « dix-neuf priorités » et s’inscrit globalement dans la continuité du précédent, se présente comme un catalogue de deux cents mesures, parfois techniques, appelant à « consolider »« renforcer »« soutenir »des actions déjà existantes et ayant montré leur efficacité. Si certaines d’entre elles, comme l’amende forfaitaire pour usage de cannabis ou le paquet de cigarettes à 10 euros à l’horizon 2020, sont déjà connues, il ne contient en revanche aucune mesure forte qui marquera les esprits sur l’alcool.
Aucune taxe sur les boissons « prémix » contenant du vin (comme le « rosé-sucette » ou le « rosé pamplemousse ») ou aucun prix minimal par unité d’alcool, comme vient de l’instaurer l’Ecosse, ne seront mis en place, même si, est-il noté, « l’action sur le prix apparaît dans toutes les études comme l’une des mesures les plus efficaces pour réduire la consommation d’alcool et les dommages qui en découlent ».
Cette absence de mesure forte sur l’alcool devrait susciter la déception des addictologues qui avaient publié, en avril 2018, une tribune appelant à un véritable plan alcool. « De ce que l’on sait du plan, il n’y aura pas de mesure contraignante, comme l’instauration d’un prix minimum, l’interdiction des publicités pour l’alcool autour des écoles ou l’encadrement de la publicité sur Internet », prédisait déjà, il y a quelques semaines, Nelly David, la directrice générale de l’Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie, regrettant l’absence de « politique volontariste » des pouvoirs publics sur ce sujet.
En juin, la proposition des producteurs et négociants de vins, spiritueux et bières de financer à hauteur de 4,8 millions d’euros, pendant quatre ans, des actions de prévention contre la dépendance à l’alcool avait provoqué la colère des acteurs de la prévention et de l’addiction, qui avaient dénoncé le « cynisme du lobby des alcooliers », et la « pingrerie » de la filière dont « les chiffres d’affaires cumulés se comptent en milliards ».

« Un plan techniquement très équilibré »

Le plan de la Mildeca, qui donne la priorité aux enfants et aux adolescents, en mettant l’accent sur la « responsabilisation et sur le rôle essentiel des parents et des adultes auprès des plus jeunes », n’est cependant pas une coquille vide. L’agrandissement « significatif » du pictogramme « femmes enceintes » pour les boissons alcooliques, déjà annoncé dans un « plan prévention », est confirmé.
La Mildeca propose également d’élaborer des « scénarios d’évolution du texte du message sanitaire législatif pour en faire un message non modifiable et sans mention complémentaire, renouvelé périodiquement, avec des contraintes réglementaires de visibilité et de lisibilité ». En clair, des formules plus dissuasives que « à consommer avec modération » pourraient faire leur apparition sur les bouteilles d’alcool.
Constatant que « la faible application de la loi encadrant la vente de tabac et d’alcool, notamment aux mineurs, explique aussi la facilité d’accès aux produits », la Mildeca souhaite par ailleurs mieux faire respecter l’interdiction de vente d’alcool, de cigarettes, ou de jeux de hasard à gratter, aux mineurs. A cette fin, elle propose par exemple l’organisation, avec les associations du secteur de l’addictologie, d’opérations de « testing » « visant à observer le degré de respect de la législation sur un territoire donné ».
« Même s’il ne contient pas de mesure flamboyante, c’est un plan techniquement très équilibré, qui tient globalement la route », juge Nathalie Latour, la déléguée générale de la Fédération Addiction, une structure qui fédère la majorité des associations du monde médico-social chargé du traitement des addictions.
Sollicitée par Le Monde, elle estime que le « problème majeur » du texte, « c’est sa dimension politique » : « Il souffre de ne pas être porté par l’ensemble du gouvernement, ce qui donne l’impression que la question des addictions n’est pas une priorité pour lui. »

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