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lundi 12 mars 2018

« Ouvrir la porte à la légalisation de l’euthanasie, n’est-ce pas un encouragement de cette pratique ?

Dans une tribune au « Monde » , 85 parlementaires s’opposent à la récente proposition de 156 députés de modifier la législation concernant la fin de vie et dénoncent les risques d’une « médecine eugénique ».

LE MONDE |  | Par 
[Dans une tribune publiée par Le Monde (daté 1er mars), 156 députés d’horizons différents plaidaient pour « donner aux malades en fin de vie la libre disposition de leur corps et de leur destin » ­et annonçaient vouloir légiférer sur ­le sujet cette année. A leurs yeux, il faut aller plus loin que la loi Claeys-Leonetti de 2016, qui a « surtout transcrit dans la loi ce qui était déjà acquis par voie réglementaire ». Des parlementaires et des soignants leur répondent.]

Tribune. La tribune parue dans Le Monde (du 1er mars) signée par 156 députés, appelant à une modification de la loi en faveur de la légalisation de l’euthanasie, interpelle. Si, bien sûr, tout le monde est d’accord sur le droit de mourir dans la dignité et dans le moins de souffrance possible, la ligne de démarcation sur la nécessité de légiférer sur l’euthanasie et/ou le suicide assisté pose question.
Tout d’abord, alors que la loi Claeys-Leonetti est à peine mise en œuvre, mal connue et a fortiori non encore évaluée, cela soulève le problème de l’insuffisance des soins palliatifs, pour ne pas parler de grande misère.

C’est pourquoi, disons-le clairement, ouvrir la porte à la légalisation de l’euthanasie, n’est-ce pas un encouragement de cette pratique, dans une société de plus en plus déshumanisée, hygiéniste, qui rejette la mort, devenue indécente, tel un dernier tabou ? Il s’agirait donc de trouver une solution expéditive à une vie qui serait tout à coup devenue inutile. Quant au fait d’affirmer que c’est une liberté à conquérir, cela nous paraît exactement le contraire. Vouloir une loi, donc un cadre normatif, pour la fin de vie, c’est alimenter un « bio-pouvoir », une société de contrôle, que décrivait Michel Foucault dans les années 1970 et qui s’intéresse moins à la mort de l’individu qu’à la mortalité comme valeur statistique :« Le pouvoir laisse tomber la mort », énonçait déjà Michel Foucault en 1976.

Une mort aseptisée et cachée, presque honteuse

Quel sera l’accompagnement de ceux qui auront demandé et obtenu le droit à l’euthanasie ? Une chose est certaine, la rapidité de l’acte rendra les choses plus simples pour le personnel soignant qui s’efforce, malgré la fatigue, de prendre en charge tous les malades. Et une fois les malades en fin de vie disparus, que dire et que faire des malades incurables – nous pensons en particulier aux maladies neurodégénératives et aux patients lourdement handicapés ne pouvant exprimer leur volonté ?
Attention à ne pas évoluer vers une médecine eugénique : faut-il une uniformisation de la bonne façon de mourir (euthanasie), une mort aseptisée et cachée, presque honteuse, selon le concept de « pornography of death » du sociologue anglais Geoffrey Gorer ?
La prise en charge des patients en fin de vie nécessite de l’humanité, de la compassion et, surtout, beaucoup, beaucoup de temps.
La loi Claeys-Leonetti, qui va trop loin pour certains, pas assez pour d’autres, a été votée à la quasi unanimité et a l’avantage d’ouvrir à l’apaisement de la fin de vie par la sédation, de tenir compte des volontés par les directives anticipées et de s’appuyer sur la collégialité. Ce n’est pas une loi pour ceux qui veulent mourir, mais pour ceux qui vont mourir et, comme le disait Jean Leonetti, « dormir pour ne pas souffrir avant que de mourir ». Après l’hygiénisme d’une vie politiquement correcte, celui d’une mort propre et expéditive au prétexte de plus d’égalité devant la mort, c’est enlever de la liberté. A défaut d’avoir choisi sa vie, laissons à celui qui voudrait choisir le moment de sa mort, la liberté de le faire en dehors de tout cadre normatif. Au moment où il est question de bioéthique, attention de ne pas tomber sous le joug d’une « gouvernementalité algorithmique » pour reprendre l’expression de la chercheuse Antoinette Rouvroy, qui n’est rien d’autre qu’une approche modernisée du « bio-pouvoir » de Foucault, où ces usages algorithmiques deviendraient « le miroir des normativités les plus immanentes ».
Michel Amiel, sénateur LREM des Bouches-du-Rhône, co-rapporteur de la loi Claeys-Leonetti créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie 
Philippe Bas, sénateur LR de la Manche, président de la commission des lois 
Anne Blanc, députée LREM de l’Aveyron 
Agnès Canayer, sénatrice LR de la Seine-Maritime 
Gérard Dériot, sénateur ratt. LR de l’Allier, co-rapporteur de la loi Claeys-Leonetti 
André Gattolin, sénateur LREM des Hauts-de-Seine 
Eric Jeansannetas, sénateur socialiste de la Creuse 
Alain Milon, sénateur LR du Vaucluse, président de la commission des affaires sociales 
François Pillet, sénateur ratt. LR du Cher 
Bruno Retailleau, sénateur LR de la Vendée, président du groupe LR

La liste complète des signataires :

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