J’ai hésité à publier la photo. Mais non…
Arrivant dans l’Ehpad, il y a quelques semaines, j’ai trouvé mon père allongé par terre. Il y était depuis longtemps, il ne voulait ou n’arrivait pas à se lever. On lui avait fait sa toilette par terre et donné son petit-déjeuner ainsi. On lui avait même mis un oreiller sous la tête. Je suis restée une heure à lui parler. Lui par terre. Moi assise sur son lit. Au bout d’un moment j’ai quand même fait remarquer qu’on n’allait pas pouvoir le laisser ainsi. On m’a redit pour la quinzième fois qu’il était, pour résumer, « difficile » (j’ai encore une fois promis de le priver de jeux vidéos jusqu’aux prochaines vacances). Comme si nous y pouvions quelque chose. Ca a maugréé de toutes parts (la famille chiante).
Avec deux aides-soignantes et une infirmière nous l’avons finalement soulevé et mis sur son lit, assis. Sans problème mais pas sans douleur (nous étions 4 femmes pas spécialement musclées, mais il est tout léger désormais). Je me demande combien de temps il serait resté ainsi si je ne m’étais pas manifestée. C’est un résident difficile : gravement malade (Alzheimer), sans aucune autonomie, seulement âgé de 67 ans, il est encore robuste et en forme, toujours de bonne humeur ( à un point !) mais rétif aux soins. Un sens de la dignité sans doute.
Récemment, je suis arrivée vers 10 heures 30. Tout les résidents dormaient devant la télé allumée. Toutes les portes étaient fermées. Mon père déambulait seul dans le couloir ainsi clôturé. Son jogging était, comment dire…Mais il fallait attendre puisqu’il faut être deux pour s’en occuper.Dans les deux cas, l’ambiance était à chier [sic], l’étage ensommeillé, les résidents prostrés, livrés à eux-mêmes.
Le manque de personnel est criant. Leur travail est de toute évidence très éprouvant, j’imagine décourageant, très difficile, mal payé, pas considéré. La fréquentation quotidienne de fins de vie aussi tristes et parfois esseulées doit ronger. Je n’ai aucun doute là-dessus et je pense toujours en tenir compte quand j’y vais. Ils subissent des conditions de travail terriblement ingrates : il faudrait bien plus de gens. Ils ne peuvent pas faire leur travail comme ils le souhaiteraient. C’est impossible.
Je ne suis donc pas là pour juger. Je ne désigne ni ne cherche de coupable : la pire saloperie, c’est la maladie. Et moi qui travaille avec des enfants pleins d’avenir, je mesure à quel point je serais sans doute incapable de faire ce travail.
Mais il y a cependant une chose, je ne peux pas ne pas le remarquer, qui fait toute la différence, et ce n’est pas une question de salaire ni de rien d’autre, c’est l’humanité.
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