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vendredi 16 mars 2018

Les horloges affolées de Carlo Rovelli

Il est temps de repenser le temps, montre le physicien dans un essai défiant nos certitudes.

LE MONDE  | Par 

Qu’est-ce que le temps ? « Si personne ne me pose la question, je le sais ; si quelqu’un pose la question et que je veuille expliquer, je ne sais plus », écrivait saint Augustin à l’orée du Ve siècle. Quelque 1 600 ans et combien de révolutions scientifiques plus tard, difficile de savoir si la confusion s’est dissipée ou si elle n’en est que plus grande. Dans un essai à la fois exigeant, didactique et poétique, le physicien Carlo Rovelli, auteur du best-seller mondial Sept brèves leçons de physique (Odile Jacob, 2015), nous offre un bel aperçu de ce que la science actuelle répond, quand la question lui est posée.
L’essai se présente comme un voyage initiatique en trois étapes. Il commence par « l’effritement du temps », ou plutôt de nos intuitions les plus familières sur sa nature. Il n’y a pas un seul « maintenant » mais une infinité de présents locaux ; le temps ne s’écoule pas uniformément ; aucun cadre temporel absolu ne permet de mesurer le changement. De là, on débouche sur « l’étrange paysage de la physique relativiste », sans toutefois s’arrêter à Einstein. Ce qui entraîne – dans un chapitre parfois ardu pour le novice – jusqu’à la toute récente « théorie de la gravitation quantique à boucles », dont Rovelli est l’un des pères fondateurs. C’est l’un des principaux modèles prétendant aujourd’hui unifier mécanique quantique et relativité générale, sans qu’un consensus soit encore atteint dans la communauté scientifique.


Rovelli dépeint ensuite le « monde sans temps » imaginé par cette théorie. Attention, tout, dans cette deuxième étape, n’est pas « gelé et immobile » comme dans « l’Univers-bloc » de la cosmologie éternaliste. Selon cette conception, défendue par Bertrand Russell (1872-1970) ou Stephen Hawking, mort le 14 mars, les mondes passé, présent et futur coexistent à l’intérieur d’une même réalité statique, le cours du temps étant une pure illusion. Au contraire, dans l’Univers décrit par Rovelli, « le changement est omniprésent »,sans toutefois être ordonné par le temps linéaire qui structure nos vies, notre pensée et notre grammaire. Ce qu’il faut imaginer à sa place, c’est un « réseau immense et désordonné d’événements quantiques », dans lequel la nouvelle équation du monde ne comprend que « des variables qui changent les unes par rapport aux autres ».

Un « effet de perspective »


La dernière étape du voyage est celle de la reconstruction, du retour à la source du temps vécu. Pour Rovelli, ce dernier est bien quelque chose de réel, mais à la manière d’une équipe de football, qui n’existe qu’à partir du moment où les joueurs sont sélectionnés : avant cela, elle n’était nulle part. Le temps de notre expérience ne fait pas partie de la grammaire élémentaire du monde, mais il émerge. De quelle manière ? A partir du flou de notre vision macroscopique. En somme, le temps est « l’expression de notre ignorance du monde » – de ses détails microscopiques. Tout comme nous avons fini par comprendre que « c’est nous qui tournons, pas l’Univers », nous devons nous préparer à une prise de conscience encore plus bouleversante : la flèche du temps est peut-être elle aussi un « effet de perspective ».

Ainsi se retrouve-t-on, au terme d’un parcours riche de tant de réponses à nos interrogations millénaires sur la nature du temps, devant des centaines d’autres questions, qui nous laissent avec une seule certitude, celle qui nous était donnée dès le titre de l’introduction : « Le plus grand mystère est celui du temps ».

Lire un extrait sur le site des éditions Flammarion.

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