13/03/2018
Face aux traumatismes, certains s’en tirent mieux que d’autres alors que les épreuves qu’ils ont traversées auraient dû les abattre. Par quel miracle ? Simplement par ce qu’on appelle ‘résilience’. La résilience est cette faculté à vaincre des situations traumatiques, à absorber une perturbation, à se réorganiser pour rebondir, et à continuer de fonctionner de la même manière qu’avant.
Peut-on aider les patients à haut risque de schizophrénie ou de trouble bipolaire à (re)trouver cette résilience ? Question difficile (notamment parce que ces patients sont difficiles à identifier par manque de biomarqueur) à laquelle l’équipe de Merete Nordentoft (Copenhague) a tenté de répondre à travers l’étude ‘Danish High Risk and Resilience’ non encore publiée et dont elle a présenté les résultats majeurs en session plénière. Aujourd’hui, la résilience peut être favorisée par des expériences constructives de manière à restructurer le psychisme de l’enfant, parfois par la réflexion ou la parole, plus rarement cependant par l'encadrement médical d'une thérapie. Partant du constat que les enfants nés dans une famille présentant des prédispositions familiales à la schizophrénie (au moins un parent souffrant de schizophrénie), ont très fréquemment des troubles psychopathologiques (le risque de présenter un trouble bipolaire ou une dépression majeure est multiplié par 1,62 lorsqu’un des parents est schizophrène), elle a isolé 522 enfants âgés de 7 ans dont 202 avaient au moins un parent schizophrène, et 120 un parent souffrant de troubles bipolaires, et les a comparés à 200 enfants issus de familles ‘normales’.
De moins bons résultats aux tests cognitifs
Ces enfants et leurs familles ont été soumis à une batterie de tests cognitifs, physiques, neuromoteurs, à plusieurs examens en imagerie, à des tests psychologiques élaborés ainsi qu’à une enquête sur les symptômes, l’environnement, le climat émotionnel, le comportement et l’adaptation sociale. Les enfants dont un des parents souffre de schizophrénie ou de trouble bipolaire vivent très souvent (plus de 30% des cas) avec un seul parent, généralement celui qui est en ‘bonne santé’. Ces enfants ont dans 16,7% des cas un retard scolaire et présentent significativement plus fréquemment que les enfants vivant avec des parents ‘normaux’, des troubles de l’axe 1.
Leurs fonctions cognitives sont globalement moins bonnes, de même que leur QI. Leur fonctionnement social et moteur est aussi plus fréquemment altéré et ils présentent plus souvent des épisodes de type psychotique. Leur langage est aussi généralement moins élaboré et les tests de cognition visuelle et auditive sont plus souvent altérés.
L’intérêt (probable) d’une intervention précoce
Une deuxième phase de cette étude est en cours, et analyse le devenir de ces enfants 4 ans après. Ils ont donc aujourd’hui 11 ans. A ce jour, 153 familles ont pu être contactées, 14 seulement ayant refusé de passer la même batterie de tests que 4 ans plus tôt.
Une des questions posées par cette étude est celle de l’influence de l’environnement, notamment scolaire, une influence que certaines études établissent à 43% dans la genèse de troubles dans la population générale.
Parallèlement, cette équipe travaille sur des interventions ciblées destinées à renforcer les possibilités de résilience : training des parents pour les conduire à développer des relations sécurisantes avec leur enfant, psychoéducation des enfants, support psychologique des enfants lors de leurs activités quotidiennes, que ce soit à leur domicile, à l’école ou dans leurs lieux de divertissement, thérapie cognitivo-comportementale et traitement médicamenteux (très) précoce lorsque cela apparaît nécessaire.
Plusieurs questions, notamment sur la pathogenèse et la neurobiologie de ces patients « à risque » de psychoses au stade précoce, devraient trouver des ébauches de réponse lorsque les résultats à 7 et à 11 ans auront pu être comparés. « En attendant ces résultats, nous devons être conscients que ces enfants sont particulièrement vulnérables, certains de manière quasi invisible, et qu’ils ne peuvent que bénéficier d’une intervention précoce. Car la résilience est plus qu'une simple capacité de résistance, c'est également une dynamique qui permet à la personne de réagir positivement, de construire une existence relativement satisfaisante. »
Dr Dominique-Jean Bouilliez
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