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Articles, témoignages, infos sur la psychiatrie, la psychanalyse, la clinique, etc.

jeudi 5 avril 2012



la Ligue contre le cancer publie le 1er rapport de
« l’Observatoire sociétal des cancers » :


Une véritable étude qui s’appuie sur les retours d’un acteur trop souvent oublié : la personne malade.

Paris, le 23 mars – Une des mesures emblématique du Plan cancer 2009-2013 est de créer, sous l’égide de la Ligue contre le cancer, un Observatoire sociétal des cancers en s’appuyant sur son maillage territorial, composé de 103 Comités départementaux. Les objectifs : disposer de données sur le vécu des malades et les représentations autour du cancer. Au cœur de la Semaine nationale de lutte contre le cancer, semaine de mobilisation, la Ligue publie le premier rapport de l’Observatoire sociétal des cancers.

Le cancer est aujourd’hui la première cause de mortalité en France. Plusieurs millions de Français sont touchés de près ou de loin par la maladie. Chaque jour, on dénombre 1000 nouveaux cas de cancer. Quel est le vécu des malades et de leurs proches ? Comment la société appréhende-t-elle cette maladie ?

L’Observatoire sociétal des cancers donne la parole aux malades :
La mesure 30 du Plan cancer 2009-2013 « Créer un Observatoire sociétal des cancers » s’inscrit dans l’axe « Vivre pendant et après un cancer » qui vise à améliorer la qualité de vie pendant et après la maladie et à combattre toute forme d’exclusion. L’objectif de cette mesure est de « fournir toutes les observations nécessaires concernant les aspects sociaux et sociétaux de la maladie cancéreuse ».
« Le travail de la Ligue via cette analyse inédite n’a pas pour vocation d’être exhaustif, mais met en lumière les difficultés des malades qui vivent cette maladie, dans une réalité très éloignée des données théoriques. Depuis sa création, notre association travaille activement pour accompagner les malades dans leur quotidien. La force de l’Observatoire sociétal des cancers est de donner une vision fine des situations vécues face au cancer, dont seule la Ligue peut rendre compte. C’est cette singularité qui fait de ce premier rapport un document de référence, une véritable observation de la réalité du vécu des malades, souvent en décalage avec les représentations que la société en a » explique Jacqueline Godet, présidente* de la Ligue contre le cancer.

L’Observatoire sociétal des cancers : les 1ers grands enseignements
Le cancer est une maladie paupérisante, avec des effets aggravés pour les plus vulnérables : arrêt maladie, perte de revenus, invalidité, rupture sociale, fracture psychologique :

Ils témoignent :
« Depuis la maladie, j’ai de grosses difficultés financières. J’ai perdu mon emploi, et n’ai pas d’aide. Je vis difficilement avec 500 € par mois. »
«Mon avenir, c’est la pauvreté.»
«Il n’y a pas assez d’aide pour les personnes atteintes d’un cancer pour qu’elles puissent trouver un logement dans des situations d’urgence. Cela créée des catastrophes financières. »


La vie du malade est jalonnée de nombreuses étapes administratives, souvent vécues comme une double peine :
Ils témoignent :

« Il y a eu une erreur dans mon dossier à la sécurité sociale. J’ai dû attendre environ un an pour que tout soit réglé, avec tous les problèmes que cela engendre »
«L’assurance pour mon prêt immobilier a été très longue à se mettre en place. On me demandait régulièrement de fournir des informations complémentaires, des certificats médicaux et des copies de mon dossier médical »

«Inévitablement, je suis tributaire d'une tierce personne »

Focus : LA VIE PROFESSIONNELLE PENDANT OU APRES UN CANCER
L’Observatoire sociétal des cancers se penche particulièrement, pour ce 1er rapport, sur la problématique de la vie professionnelle et fait le point :
  •   Quel est le vécu d’un chef d’entreprise lorsqu’un de ses salariés est atteint d’un cancer ? Pense-t-il avoir un rôle à jouer ?
  •   Le cancer est-il tabou dans l’entreprise ?
  •   Quelle est la perception du grand public quant aux difficultés que les personnes atteintes
    de cancer peuvent rencontrer dans le monde de l’entreprise ?
    Les témoignages sont éloquents : «Je ne pense pas que je retrouverai mon poste, mais j'essaye de ne pas y penser. Pour l'instant je me soigne », « Le fait de ne pas travailler, je réfléchis beaucoup, j'ai des angoisses. ». Ou encore : « Le chômage me fait peur; il me faut travailler pour ne pas gamberger. Avoir une vie sociale, c'est primordial ».
Découvrez le rapport de l’OBSERVATOIRE SOCIETAL DES CANCERS sur
www.ligue-cancer.net 

Hôpital : le Dr Petroff élève la voix contre la T2A et la course aux examens

lequotidiendumedecin.fr 05/04/2012
 
Invitée mercredi par le parti Europe Écologie-Les Verts à s’exprimer sur les difficultés d’accès aux soins à Paris, le Dr Évelyne Petroff, illustre gynécologue obstétricienne de la maternité des Bleuets, a dressé un sombre tableau de la pratique depuis la mise en place de la tarification à l’activité (T2A).
Le Dr Petroff a longuement insisté sur « l’incompatibilité » entre ce mode de financement et sa profession.
« Mettre au monde un être humain, ce n’est pas qu’un acte, ce n’est pas qu’une expulsion fœtale, a-t-elle argumenté. On nous dit, à l’hôpital, que nous sommes passés l’an passé de 19 % de césariennes à 16 % cette année. Soit 80 000 euros en moins dans les caisses. Ce discours, aberrant pour les médecins, remet en question toute la conception de notre profession ». Et de rappeler qu’en 2007, « lorsque les Bleuets se trouvaient dans le 11e arrondissement de Paris, nous pratiquions 1 950 accouchements par an. Aujourd’hui, la T2A nous oblige à en faire 3 000 ».
Proche des idées défendues par la candidate Éva Joly, le Dr Petroff a souhaité « valoriser l’éducation thérapeutique du patient comme du médecin » et a dénoncé « la course à l’examen complémentaire ». « On confond hôpital et plateau technique, a-t-elle précisé. Sauf que le coût de ces appareils, au même titre que le secrétariat, nécessite de gagner 37 % de plus que ce que rapportent actuellement les 23 pauvres euros de notre consultation ».
› ANNE BAYLE-INIGUEZ

Hospitalisation d'office: droits de la défense pas toujours respectés


PARIS - La cour d'appel de Paris a récemment estimé que la pratique consistant pour un juge à maintenir l'hospitalisation d'office d'un patient en psychiatrie sans l'avoir entendu violait les droits de la défense, selon deux décisions consultées mercredi par l'AFP. 

Aux termes d'une loi controversée de 2011, les patients internés à la demande d'un tiers ou du préfet doivent, sauf raison médicale, être présentés avant le 15e jour de leur hospitalisation à un Juge de la liberté et de la détention (JLD), qui peut maintenir la mesure ou prononcer une mainlevée.

Mais dans les faits, certaines décisions sont prises sans que les patients aient été entendus, du fait notamment de la réticence de plusieurs établissements psychiatriques à acheminer leurs patients vers les tribunaux. Des dysfonctionnements ont été soulignés dans un récent rapport parlementaire.

Saisie par des avocats du Val-de-Marne, la cour d'appel de Paris a jugé cette pratique contraire aux droits de la défense dans deux décisions récentes.

Dans un premier jugement rendu le 20 février, la cour pose comme principe que nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue. Si les maladies mentales (...) peuvent amener à restreindre ou modifier ce droit (...), ces restrictions ne peuvent justifier une atteinte à l'essence même de ce droit.

Dans le cas d'espèce, la cour a annulé la décision du juge de Créteil en relevant qu'aucun motif médical circonstancié n'avait empêché l'audition du patient.

Dans un deuxième jugement du 15 mars, cette même juridiction a pris une décision similaire, estimant que faute d'audition du patient (...) les droits à un débat contradictoire et les droits de la défense (avaient) été violés.

Dans cette affaire, la cour a également estimé que le refus de l'hôpital d'acheminer le patient au tribunal ne constituait pas un obstacle insurmontable dont le juge pouvait se prévaloir pour se passer d'un débat contradictoire.

Pour remédier à ces difficultés, certains JLD se déplacent au sein des hôpitaux pour tenir des audiences foraines, tandis que d'autres juridictions ont recours à la visio-conférence.


(©AFP / 04 avril 2012) 

Des "déchiffreurs de l'éducation" pour lutter contre la "désinformation"

LE MONDE | 
Publications bloquées, statistiques "discutables voire mensongères", chiffres détournés au service de la communication politique... C'est sur ce constat partagé de "désinformation" que s'est officiellement constitué, mardi 3 avril, le "collectif des déchiffreurs de l'éducation".
A l'origine de l'initiative, on trouve des professionnels de la statistique publique comme Jean-Claude Emin, ancien sous-directeur à la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) du ministère de l'éducation nationale, et Daniel Blondet, ancien chargé d'études à la direction générale de l'enseignement scolaire (DGESCO). Autour d'eux se sont rassemblés des syndicats (FSU, UNSA, CGT, SUD, SGEN-CFDT), les parents d'élèves de la FCPE, des universitaires et des associations (le CRAP-Cahiers pédagogiques, la Ligue de l'enseignement...). Leur ambition : publier, sur leur blog www.lesdechiffreurs.com, des données"scientifiquement fondées" et promouvoir ainsi un "débat public de qualité"sur l'éducation.
STATISTIQUES DÉTOURNÉES
Depuis le début du quinquennat de Nicolas Sarkozy, les informations diffusées au grand public issues de la DEPP, des inspections générales ou du monde universitaire, se font de plus en plus rares. "Des rapports existent sur les effets de l'assouplissement de la carte scolaire [lancé en 2007, ndlr], mais aucun n'a été publié", note ainsi Jean-Claude Emin. Aucune donnée n'a été rendue publique sur les prévisions d'effectifs d'élèves (qui ne cessent d'augmenter ces dernières années). Rien non plus sur l'aidepersonnalisée à l'école primaire.
Certaines informations sont diffusées avec des mois de retard. Ainsi, le bilan de la rentrée 2010 a été publié à l'été 2011 alors qu'il était prévu pour février. Seul un "pré-bilan" de la rentrée 2011 a "fuité" dans la presse en janvier. On attend encore le bilan complet.
Le collectif évoque aussi des statistiques "détournées au profit de la communication politique". Le plus bel exemple de détournement, disent-ils, est le comptage des "décrocheurs" : alors que le ministère a évoqué, tour à tour, 180 000 décrocheurs entre juin 2010 et mars 2011, 223 000 entre juin 2011 et octobre 2011, et 306 000 entre juin 2010 et septembre 2011, le collectif observe que tout converge vers une "surévaluation des chiffres"des décrocheurs. D'abord, parce que la définition du ministère englobe non seulement les jeunes sortis du système de formation initiale sans diplôme, mais aussi ceux qui "risquent" de quitter le système sans diplôme. Ensuite, parce que dès qu'un jeune quitte un établissement, il est comptabilisé comme décrocheur alors qu'il peut se réinscrire dans une autre formation. Par ailleurs, les chiffres du ministère portent sur des durées différentes et ne peuvent donc être comparés. Pour le collectif, l'ordre de grandeur àretenir est 120 000 jeunes sortis du système éducatif sans diplôme ou avec le seul brevet des collèges, soit 17 % à 18 % des 700 000 "sortants" du système scolaire chaque année.
"JUGE ET PARTIE"
Enfin, le collectif dénonce fermement les évaluations de CE1 et de CM2. Selon un membre de la DEPP présent à la conférence de presse du collectif, "ces évaluations sont sujets à caution du fait que la DEPP en a perdu la maîtrise et qu'elles ont été confiées à la direction générale de l'enseignement scolaire [DGESCO]." La DGESCO serait donc "juge et partie". Dans un rapport publié en septembre 2011, le Haut Conseil de l'éducation avait même qualifié ces évaluations de "partielles""peu exigeantes" et "trompeuses". Avec un petit rappel à l'ordre, au passage, adressé à la Rue de Grenelle : dans une démocratie, "il est essentiel que les données concernant les résultats du système éducatif soient objectives et transparentes, donc incontestables".
Le collectif des déchiffreurs de l'éducation nationale souhaite mettre fin à ces pratiques qui "faussent le débat sur l'école" et "jettent le discrédit" sur les travaux des services ministériels chargé de la statistique et de l'évaluation. Il revendique la mise en place de gardes- fous pour garantirl'indépendance et l'autonomie de la statistique publique. Deux articles sont déjà en ligne sur son blog : l'un sur l'augmentation des effectifs scolaires(Nicolas Sarkozy a récemment assuré qu'ils étaient en baisse), l'autre sur les 250 000 bacheliers en apprentissage (l'une des promesses de campagne du président-candidat).


Autisme : un courrier embarrassant pour un centre toujours cité en exemple
03 avril 2012 | Par Sophie Dufau - Mediapart.fr

C'est une plainte bien embarrassante. Il y a un peu moins de dix mois, Fernando Ramos, père de deux enfants autistes, a adressé un courrier à l'agence régionale de santé (ARS) du Nord-Pas-de-Calais afin, raconte-t-il, «d'ouvrir les yeux des pouvoirs publics sur les méthodes utilisées par le centre Camus de Villeneuve-d'Ascq». Selon lui, certaines pratiques employées ici relevaient « de la maltraitance ». La lettre reçue le 7 juillet 2011 par le directeur général de l'ARS a déclenché le 25 août et 9 septembre 2011 la visite de quatre membres de l'équipe d'inspection (IGR). Lesquels ont remis leur rapport le 29 février 2012. Révélé aujourd'hui par Mediapart, il conclut que ce centre présente des «dysfonctionnements» constituant «des facteurs de risques de maltraitance susceptibles d'avoir des répercussions sur les enfants accueillis»... 

C'est une plainte bien embarrassante parce que le centre Camus n'est pas une simple structure accueillant des enfants présentant des “troubles sévères du comportement”. C'est la tête de pont, en France, de la prise en charge des enfants autistes via la méthode comportementale ABA – pour Applied Behavior Analysis, ou en français, analyse appliquée du comportement (lire par exemple ici  ou ). Ce centre, qui a ouvert ses portes en juin 2008, a été largement présenté au grand public à l'automne de cette année-là, lorsque l'acteur Francis Perrin a eu carte blanche dans l'émission Envoyé spécial de France-2 pour présenter la méthode et les professionnels qui prenaient en charge son fils Louis, «un enfant presque comme les autres».


De plus, en cette année 2012 où l'autisme a été déclaré Grande cause nationale et où la Haute autorité de Santé a, dans son rapport remis en mars dernier, classé l'ABA dans les «interventions recommandées» dans la prise en charge des personnes présentant des troubles envahissants du développement, c'est très souvent vers ce centre que les médias se tournent pour illustrer la prise en charge des enfants par les méthodes comportementales ou éducatives, comme le fait par exemple Sciences et avenir dans son numéro avril 2012

Le centre Camus a été créé par Vinca Rivière (que l'on voit sur la vidéo ci-dessus aux côtés de Francis Perrin), maître de conférences à l'université de Lille 3, qui se targue d'avoir fait entrer en France cette méthode comportementale. Emanation de l'association Pas-à-Pas qui en assure la gestion et dont Vinca Rivière est la trésorière, ce centre est fortement soutenu par Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé, ainsi qu'en témoigne une lettre de juin 2011


Enfin, le centre Camus accueille aujourd'hui vingt enfants et attend, pour fin mai ou début juin 2012, l'autorisation de poursuivre ses activités sous le statut d'établissement expérimental sous lequel il fonctionne aujourd'hui.        
C'est dans ce contexte qu'est arrivée la plainte de ce parent.


5 000 euros de formation

Fernando Ramos a deux filles : l'une née en mai 2003 et l'autre en mai 2004. Dès 2006, de l'Auvergne où il vit, cet ouvrier se paie une formation à la méthode ABA avec des psychologues dépêchées par l'association Pas-à-Pas. Un enseignement qui lui a coûté quelque 5 000 euros, auxquels s'ajoutent environ 600 euros par mois pour les supervisions des psychologues, sans compter les frais de déplacement. En 2007, apprenant que cette association allait créer le centre Camus, ce père divorcé déménage dans le Nord, habité par «l'espoir dans cette prise en charge qui promettait la rémission et un accès à une vie normale pour mes filles et toute la famille».

Au début, la plus jeune des filles est contente d'aller au centre et à l'école, au point d'ailleurs que le temps scolaire est augmenté afin de permettre «le développement des interactions sociales». Mais quelque vingt mois plus tard, tout se dégrade. Le père constate «une régression» de sa fille cadette : «Elle ne voulait plus aller au centre ; elle a eu une poussée gigantesque d’eczéma ; elle était redevenue incontinente et se faisait dessus jusqu'à dix fois par jour…» Elle, que des vidéos montrent à l'arrivée dans ce centre calme et gentille, était devenue agressive : «Elle jetait les objets pendant les séances, elle commençait aussi à taper les intervenants», raconte-t-il. Fin 2010 et début 2011, ce père alerte alors la direction du centre en estimant qu'il y avait un problème de prise en charge.

Ainsi écrit-il dans sa lettre : « La mère de mes filles de passage dans le Nord pendant les vacances d’avril est repartie en pleurant lorsqu’elle a vu la psychologue assise sur Alicia pendant 45min dans les toilettes pour ne plus qu’elle bouge.» Pour que l'enfant ne jette plus d'objet, une procédure dite «de blocage» était employée, consistant à lui serrer les bras le long du corps : «Tous les soirs je récupérai ma fille avec de très nombreux bleus sur les bras et poignets », poursuit-il dans sa plainte.

De même, il raconte que sa fille a été pendant deux mois régulièrement consignée, dans un coin d'une pièce murée par un matelas afin qu'elle ne se cogne pas, et dans le noir absolu, selon la procédure dite du “time out”.
Les punitions, Fernando Ramos ne les conteste pas. Cela, dit-il, «fait partie de la méthode», même s'«il faut mettre le moins souvent possible l'enfant en échec».

L'ABA consiste en un programme de techniques de modification du comportement et de développement de compétences. Toute «réponse correcte est renforcée positivement c’est-à-dire suivie immédiatement par quelque chose de plaisant pour l’enfant (jouet, bravo…)». En revanche, les comportements inappropriés «sont explicitement non renforcés et on procède à l’extinction : le comportement inadéquat est ignoré de façon systématique. Il va alors s’éteindre de lui-même puisqu’il n’est jamais renforcé ni socialement, ni d’aucune façon», est-il expliqué sur ce site de promotion de la méthode .


Pourtant, Vinca Rivière ne les conteste pas non plus : rencontrée dans le centre de Villeneuve-d'Ascq le 27 mars dernier, elle explique que «le time out, c'est une procédure de punition» se reprenant immédiatement en précisant que «littéralement, c'est une “mise au calme”». Exemple : «Si un enfant a des troubles du comportement associé à des stimulations sensorielles, comme par exemple la lumière, on va faire en sorte que ces stimulations-là ne l'atteignent pas. On va alors réduire la lumière.» Plus concrètement ? Elle précise qu'ici, faute de salle particulière, «on occulte la fenêtre». «Il y a des institutions qui mettent un chapeau sur la tête pour occulter la lumière», poursuit-elle, voire une cagoule sur la tête de l'enfant.

« Punition par choc électrique »

Pour bien faire comprendre la méthode ABA, elle prend un autre exemple : «En analyse du comportement, il y a des procédures de punition par choc électrique. Tout le monde trouve ça scandaleux, mais c'est accepté par le gouvernement hollandais sous certaines procédures pour des troubles sévères et en derniers recours. Ce qu'on appelle “choc électrique”, on le présente en formation en faisant sucer une pile de 9 volts : ça picote la langue. Mais ça suffit à changer un comportement, je l'ai vu en Hollande, et l'efficacité en est démontrée depuis les années 50. La personne au comportement inapproprié (là, explique-t-elle, une femme qui se tapait violemment le menton) porte en permanence à la taille une ceinture reliée à un émetteur placé sur sa cuisse.» A distance, «l'éducateur actionne le dispositif grâce à sa télécommande dès qu'elle émet le comportement. Ça produit effectivement un choc. Mais l'important est de voir que cette personne, qui ne pouvait plus rien faire, a diminué son comportement et a pu faire autre chose. On a des cas d'adulte qui ont acquis davantage d'autonomie avec ça. Cette punition-là, elle est efficace si le comportement diminue rapidement, sinon, ce n'est pas une bonne punition. Donc si ça ne diminue pas, on arrête, on va pas mettre du 80 volts !  Mais en France, dès qu'on parle de ça, on pense à Vol au-dessus d'un nid de coucou...», le film de Milos Forman.

Les inspecteurs mandatés par l'Agence régionale de santé du Nord-Pas-de-Calais n'ont pas recueilli ce type d'explication. Ils ont simplement examiné les faits relatés par la plainte de Fernando Ramos. Toutefois, leur enquête auprès du personnel confirme que « les hématomes (constatés sur les bras de la fillette) sont consécutifs aux blocages exercés par l'éducateur» et que des temps de time-out, solution pourtant dite « extrême », ont bien été mis en place.


Ils constatent aussi que le père de l'enfant n'a pas signé le programme “diminuer les comportements inadaptés” et que rien ne précise dans les comptes-rendus de réunion dans quelles conditions s'est effectué le time out. Enfin, ils notent que la pratique a continué même après que le père, qui nous raconte en avoir appris l'existence par une éducatrice, en a demandé l'arrêt. «Tous ces manquements sont constitutifs de facteurs de risque de maltraitance», concluent les inspecteurs.  

A l'évocation d'une plainte d'un parent, Vinca Rivière balaie les accusations : «Des parents en colère, je peux vous dire que, malheureusement, c'est courant... On voit bien la douleur des parents. Mais quand on dit que l'on a 50 % de résultats, on répète qu'on ne fait pas du 100 %. Maintenant, il y a aussi les problèmes sociaux, les parents qui divorcent... Ça a aussi des conséquences, mais comment aider ? On n'a pas forcément les moyens. Mais nos intervenants, ils sont tout le temps supervisés, ils savent utiliser la punition.»

L'encadrement, la formation. C'est pourtant là aussi que le bât blesse.

Un fonctionnement en vase clos

Lors d'une réunion des délégués du personnel, en avril 2011, les éducateurs et les intervenants font part de « leur impression d'être délaissés » et «l'ensemble des salariés constate qu'il y a un manque de supervision ».

Selon les conclusions de l'inspection, « les éducateurs et intervenants nouvellement embauchés bénéficient de deux jours de formation théorique » puis de trois jours d'observation, suivis trois à quatre semaines plus tard d'une formation de deux jours. Sur le papier. Car dans les faits, cette seconde formation « n'a pas été instaurée »

En outre, certains parents se plaignent, en conseil de la vie sociale, qu'un turn-over important perturbe la prise en charge. En effet, depuis l'ouverture du centre, presque la moitié du personnel intervenant auprès des enfants a démissionné et « les arrêts maladie sont journaliers», constatent les inspecteurs au vu des registres de 2010 et 2011. Vinca Rivière rétorque que «dans les structures expérimentales, le turn-over est toujours important. Car l'exigence n'est pas la même que dans les autres structures. (...) Ici, pour assurer la supervision, on demande à chacun de se filmer. Chaque enfant a un caméscope avec lui, et les éducateurs doivent se filmer pour évaluer leur travail et son efficacité sur l'enfant. Alors certes, quand on met une caméra, au début ça fait drôle, mais c'est pour vérifier que les procédures sont bien utilisées.»


Les parents se plaignent aussi de ne pas être informés que des stagiaires interviennent auprès de leurs enfants. Fernando Ramos lui a compté dix-sept intervenants en un an auprès de sa fille. «Ceci est ce qui ressortait des plannings, mais ceux-ci n’étant pas fiables, elle en a eu beaucoup plus, écrit-il dans sa plainte. Sans compter les stagiaires qui venaient sans l’accord des parents faire des expérimentations sur les enfants, sans aucun contrôle de la direction, les parents n’ont jamais les résultats de tout ça, nos enfants servent de cobayes.»

Assurant proposer pour chaque enfant, à raison d'au moins 30 heures par semaine, la présence constante « d'un, deux, trois, voire quatre adultes dans un cas très difficile », ce centre a naturellement besoin de beaucoup de personnel. Alors durant toute l'année scolaire, des stagiaires en Master 2 “Psychologie spécialité analyse expérimentale appliquée au comportement” de l'université de Lille 3 «assurent des missions d'intervention auprès des enfants et des tâches propres au psychologue», notent les inspecteurs.

Car ce centre entretient des liens très étroits avec l'université de Lille 3 : dans cette université, Vinca Rivière est responsable d'une part du master “Analyse expérimentale et appliquée du comportement” et d'autre part du diplôme universitaire (DU) “Analyse du comportement appliqué aux troubles du développement et du comportement”. Elle espère de plus obtenir le 6 avril prochain, à l'issue d'un conseil d'administration de l'université, l'ouverture d'une licence professionnelle. «C'est le ministre de l'enseignement supérieur qui l'a demandée», précise-t-elle, reconnaissant que «ce n'est pas la voie normale» pour obtenir la création d'une licence pro, et que le ministère, s'il peut tout à fait suggérer la création d'un diplôme, est dans ce cas passé outre les réserves d'universitaires locaux.  

Au moment de l'inspection de l'ARS, tous les psychologues travaillant au centre Camus étaient titulaires du Master 2 et avaient réalisé leurs stages au sein de l'association Pas-à-Pas, et notamment au centre Camus. C'est le cas du directeur adjoint, Olivier Cartigny, beau-fils de Vinca Rivière, nommé à ce poste en janvier 2010 après avoir travaillé au centre Camus comme intervenant durant ses études.

De plus, la majorité des crédits de la formation des éducateurs et intervenants du centre est utilisée pour l'inscription au DU. Enfin, pour ce qui est de la supervision des professionnels du centre Camus, elle est assurée par l'université de Lille 3 en la personne de la trésorière de l'association Pas-à-Pas, Vinca Rivière. Bref, un système en vase clos qui fait dire aux inspecteurs que «les professionnels ne disposent pas d'un recours externe pour exprimer les difficultés rencontrées dans l'exercice de leur fonction » et qu'il est nécessaire d'organiser une supervision externe afin que chacun puisse s'exprimer librement, « hors du cadre hiérarchique ».

80 000 euros par enfant et par an

Mais l'ouverture n'est pas le fort de cette structure. Ici, aucune pluridisciplinarité dans la prise en charge des enfants, contrairement aux recommandations de la Haute autorité de santé. Pas de partenariat non plus avec des structures extérieures, alors que comme le rappelait déjà une première rencontre avec les agents de l'ARS en début 2011, la loi oblige les structures expérimentales à passer des conventions avec d'autres professionnels de santé.

Mais devant le souhait de parents de voir intervenir kinésithérapeute, orthophoniste, ergothérapeute, et autres enseignants de français ou mathématiques, Vinca Rivière rétorque qu'«ici, c'est l'ABA et rien d'autre». Et tant pis si la Haute autorité de santé recommande aux parents d'être «vigilants vis-à-vis des méthodes exigeant une exclusivité de traitement».

En cette fin mars 2012, à Villeneuve-d'Ascq, elle s'en explique : «Il y a les parents qui veulent faire ça, ça et ça... mais ce n'est pas possible, ce n'est pas dans le protocole scientifique et ça peut avoir des conséquences sur la mise en place du traitement. On ne fera pas entrer dans le centre des professionnels qui n'ont pas de connaissance en analyse du comportement.» Si elle reconnaît, qu'à l'étranger, les centres accueillent, par exemple, des orthophonistes, elle précise que « nous, en France, on ne les prend pas parce qu'ils n'ont pas la même approche scientifique que nous. On veut que les orthophonistes partent dans notre formation à l'université. La base, c'est notre formation.»

A regarder l'organigramme, le centre Camus a pourtant bien un médecin : c'est la sœur de Vinca Rivière, qui y officie trois heures par semaine et s'assure que « les vaccins sont bien à jour», que l'enfant dort bien, grandit bien..., «un suivi somatique tel qu'on peut le faire pour n'importe quel enfant».

Pourtant le centre, dont les locaux sont gracieusement mis à disposition par la ville de Villeneuve-d'Ascq, est financièrement très bien doté. Ici, le budget de fonctionnement alloué par le ministère de la santé s'élève à plus de 80 000 euros par enfant et par an. A titre de comparaison, non loin de là, un Itep (Institut thérapeutique éducatif et pédagogique) accueillant 35 enfants majoritairement autistes fonctionne lui avec quelque 45 000 euros par enfant et par an.

«Notre prix, c'est le prix de l'efficacité», rétorque Vinca Rivière, qui assure qu'avec sa méthode «50 % des enfants qui seront pris avant l'âge de 4 ans n'auront plus besoin de suivi au bout de 2 ou 3 ans». L'an passé, au centre de Villeneuve-d'Ascq, on ne comptait que quatre enfants dans le groupe des 3-6 ans, et aucun dans le groupe de 0-3 ans. De plus, en vertu d'une procédure «dérogatoire» exceptionnelle, l'admission des enfants se fait sur dossier sélectionné par le centre lui-même, la Maison départementale des personnes handicapées ne pouvant s'opposer à ses choix. Enfin, «le gros souci pour pouvoir voir l'efficacité» selon Vinca Rivière, c'est qu'il faut connaître «les techniques d'observation du traitement comportemental». Autrement dit, à ses yeux, seuls les professionnels formés à sa méthode sont aptes à juger de ses résultats.

Pas de chance pour la fille de Fernando Ramos. Elle avait 21 mois quand elle rencontra pour la première fois les psychologues de l'association Pas-à-Pas. Aujourd'hui, estime son papa, «elle est dans une impasse» : retourné vivre en Auvergne, il n'a jamais eu connaissance du devenir de sa lettre. Et n'a pas non plus trouvé de structure qui lui convienne pour accueillir sa fille. Il veille donc seul à ses apprentissages et à la modification de son comportement.

Et l'agence régionale de santé confirme que l'autorisation du centre Camus sera renouvelée.

Information transmise par C. Renonciat
Université Paris-Diderot Paris 7


Ufr d'Etudes psychanalytiques
ex-UFR Sciences Humaines Cliniques


À propos du changement du nom de notre UFR…

Les raisons d’un changement

Le changement du nom de l’UFR Sciences Humaines Cliniques, en UFR d’Études psychanalytiques (Psychoanalytic studies) a été approuvé à la majorité des enseignants-chercheurs de l’UFR, lors de l’assemblée générale qui a eu lieu le 5 octobre 2011. Il a été également approuvé le 12 décembre 2011 par le Conseil Scientifique de l’Université et enfin le 24 décembre 2011 par le Conseil d’Administration.
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Montluçon


La Maison des adolescents, ouverte depuis un an, tisse progressivement ses liens
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Marin Ledun: «Bas prix et suicides en entreprise sont liés!»

Créé le 02-04-2012 
Marin Ledun a décroché ce week-end le Grand prix français du roman noir du festival de Beaune.

Le Festival International du Film policier de Beaune a également récompensé des romans. Comme «Les visages écrasés», de Marin Ledun, qui a décroché le Grand prix français du roman noir (Seuil, 2011, 264 p. – 14 €). (Seuil)
Le Festival International du Film policier de Beaune a également récompensé des romans. Comme «Les visages écrasés», de Marin Ledun, qui a décroché le Grand prix français du roman noir (Seuil, 2011, 264 p. – 14 €). (Seuil)
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Suicide : un mort par semaine

03 avril 2012
Cinq suicides en à peine deux mois : quatre sur l’île de Bora Bora et un à l’université de la Polynésie française, voici le bilan de ce début d’année 2012. Le fenua compte environ 300 tentatives de suicide par an, soit pratiquement une par jour et 54 personnes sont mortes par suicide en 2011, soit une par semaine.

Lettre ouverte au président de la Haute autorité de santé

« Une Recommandation utile aux parcours des autistes, sous réserve qu'on ne confonde pas l'accompagnement des personnes avec des procédures » 
par Moïse Assouline, 
Médecin directeur du Centre Françoise Grémy, Paris, 
et de l'UMI Centre (Unité Mobile pour les Situations Complexes en Autisme et TED de Paris et Hauts de Seine), 
Association l’Elan Retrouvé

Je vous remercie de demander leur avis aux membres du comité de lecture sur la rédaction finale de la Recommandation de Bonnes Pratiques relative à l'autisme. J'approuve ce texte, avec certaines réserves.
Voici le contexte de mes observations.
Je suis psychiatre, praticien à temps plein depuis 30 ans et j'ai accompagné, avec plusieurs équipes pluri-disciplinaires, des centaines d'adolescents autistes et leurs familles, pour beaucoup pendant plus de dix ans.  
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Tout ce que vous voulez savoir sur le programme santé de François Hollande : une interview du docteur Jean-Marie Le Guen


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mercredi 4 avril 2012

Quelques biais (de publication) dans les interactions gène-environnement en psychiatrie

Très en vogue depuis une dizaine d’années, pour son aptitude à synthétiser l’interaction croisée des influences génétiques et environnementales, le modèle « G x E » [1] a fait l’objet d’une «étude critique » dans The American Journal of Psychiatry.
Les auteurs ont réexaminé toutes les publications réalisées sur ce thème entre 2000 et 2009, soit 103 études, pour vérifier si la validité prêtée à ce nouveau paradigme G x E est toujours vérifiée, et justifie vraiment son succès croissant, ou si ses partisans s’emportent hâtivement pour proclamer sa pertinence. Et cette méta-analyse les incite à conclure que l’enthousiasme pour cette théorie est un peu exagéré, ou plutôt prématuré, car s’ils ne la remettent pas fondamentalement en question, ils estiment qu’elle se trouve entachée par un « biais de publication» fréquent : les résultats négatifs (venant contredire ce modèle) resteraient généralement inédits (negative results go unpublished) ; par conséquent, la proportion opposée des comptes-rendus positifs se trouverait mécaniquement surévaluée, puisque nombre de résultats contradictoires sont ainsi écartés d’emblée.
Pour les auteurs, même si ce modèle G x E est attesté, le fait d’écarter par principe des données négatives contribue à semer le doute sur certaines recherches au carrefour du gène et de l’environnement (G x E) en psychiatrie. Cette observation est intéressante dans la mesure où elle incite à relire les publications avec un esprit critique, un biais pouvant parfois se dissimuler là où on ne l’attend pas ! Comme le rappelle à ce propos Michel Cucherat (Service de Biostatistique et de Pharmacologie clinique, Lyon) [2], « les essais positifs sont plus facilement publiés que les négatifs
Ces travaux « peu concluants » ne font alors pas l’objet d’une publication, cette censure pouvant venir par exemple des comités de lecture ou des auteurs eux-mêmes, peu enclins à publier des résultats ne confirmant pas un a priori théorique.



Dr Alain Cohen

Duncan LE et Keller MC : A critical review of the first 10 years of candidate Gene-by-Environment Interaction research in psychiatry. Am J Psychiatry,2011; 168: 1041–1049.

La thérapie du Photomaton

LE MONDE | 
La cabine d'un Photomaton et le divan du psychanalyste ont en commun d'être des endroits où l'on s'expose, et où on attend d'en savoir plus sur soi. La machine silencieuse observe, elle n'exige rien, elle ne juge pas. Mais elle renvoie à chacun sa propre image... Ces similarités n'ont pas échappé à Alain Baczynsky. De 1979 à 1981, cet étudiant en art d'origine belge, installé à Paris, s'est livré à de drôles de séances de Photomaton psychanalytique. Après chaque rendez-vous avec son psy, il passe par l'automate tout proche, rue Jussieu. En une image et en quelques mots griffonnés sur l'envers de la photo, il résume le contenu de la séance, "pourgarder une trace. C'était très spontané, je faisais ça sous le coup de l'émotion", raconte Alain Baczynsky trente ans après les faits. Dans la cabine, il rejoue ce qui s'est passé... ou pas. Car, dit-il, "en analyse, on est souvent bloqué".
En trois ans, le temps de sa psychanalyse, il prendra ainsi 242 autoportraits dont une sélection a été réunie dans un livre aux éditions Textuel. Ces mises en scène au Photomaton sont particulièrement expressives : tantôt il pleure, tantôt il est mutique. Il se frappe, il se recroqueville au fond de l'image, ou il rature son visage. Il s'exhibe ou se dérobe, laissant ses mains ou ses vêtements parler à sa place. Certaines séances sont terribles : le 11 mars 1981, il livre une image quasiment blanche. Au dos, il inscrit :"Maman, ce gros mot." Ou bien il s'énerve sur lui-même : "La bouche pleine de merde et ça ne sort pas." Les textes, dans lesquels il ne s'épargne pas, livrent les questions qui le taraudent : les rapports avec sa mère, son identité juive problématique - "Je suis de la deuxième génération après laShoah. Mes parents ne faisaient confiance quasiment à personne... il fautapprendre à casser ce schéma." Au fur et à mesure des séances, les textes se font plus longs tandis que le visage s'efface, jusqu'à disparaître, ne laissant que le rideau muet. Et la série s'arrête en même temps que la psychanalyse.
On aurait tort de réduire Alain Baczynsky à l'être torturé sur l'image. "Je vais bien, merci", coupe-t-il en riant. Il se souvient d'ailleurs de cette période d'analyse comme d'"une époque super. Quand on va chez le psy, on ouvre des tiroirs et on pleure, dit-il, mais après, on revient à la vie de tous les jours". Et l'expérience était moins tragique que "tragi-comique" : il y avait des manifestations étudiantes, et le cabinet du psy, rue Jussieu, était aux premières loges. "Il devait fermer la fenêtre pour éviter les gaz lacrymogènes. En bas, les gens criaient "CRS, SS !", et moi je me demandais ce que je faisais là à raconter mes conneries..."
Exposer son intimité
Les photos ont dormi pendant des années dans une valise. Alain Baczynsky les a emportées en Israël, où il a fait surtout du théâtre et produit des oeuvres liées à la photographie. Il les avait oubliées, jusqu'à ce qu'une de ses amies, qui connaissait l'histoire, en parle devant Clément Chéroux en 2010. Ce conservateur au Centre Pompidou préparait une exposition sur le Photomaton (actuellement présentée au Musée de l'Elysée, à Lausanne). Alain Baczynsky n'a pas hésité à exposer son intimité. Il a même accepté que ses images rejoignent les collections de l'Etat. "Je me suis demandé si je n'étais pas en train de me déshabiller devant tout le monde. Mais je pense que beaucoup de gens qui ont fait ce chemin peuvent se reconnaître dans ces émotions." Il évoque d'autres artistes qui ont fait de leur intimité la matière de leur oeuvre, comme Sophie Calle : "Je n'ai pas copié sur elle, à l'époque elle était encore au lycée !"
A Paris, trente ans après les faits, Alain Baczynsky a aussi tenu à revoir son psychanalyste de l'époque, pour lui montrer ses photos. Il n'en est toujours pas revenu.
Couverture de l'ouvrage d'Alain Baczynsky, "Regardez, il va peut-être se passer quelque chose...".

"L'Esthétique Photomaton", Musée de l'Elysée, Lausanne. Jusqu'au 20 mai.
Regardez, il va peut-être se passer quelque chose, d'Alain Baczynsky, Ed. Textuel, 240 p, 29 €.