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dimanche 27 novembre 2011


Pour un débat serein sur la question pénale

Point de vue | LEMONDE.FR | 25.11.11 | 09h48
par Pierre Méheust, professeur d'histoire-géographie et ex-membre du Comité d'Orientation Restreint sur la loi pénitentiair

L'élection présidentielle dans le viseur, le débat s'annonce vif sur les thèmes de la justice et de la sécurité publique, comme en 2002, comme en 2007, bis repetita placent. Bien que placés au centre des débats, trop de temps et trop d'énergie ont déjà été perdus, trop d'espoirs déçus et trop d'avancées ont été caricaturées.

Nous devrions nous épargner les querelles stériles et les débats inutiles pour nous interroger sereinement sur les questions de fond. La trame du récit semble, hélas, déjà écrite : d'un côté les professionnels et les associations se sont arcboutés contre la politique sécuritaire de coups de menton menés depuis presque dix ans. De l'autre, un gouvernement qui a commis des maladresses, des erreurs et dont le bilan, qui reste à dresser, s'éloignera sans doute de beaucoup des engagements pris.
L'opposition n'a pas pour autant de boulevards tracés devant elle qui la mèneraient sans encombre place Beauvau ou place Vendôme. A lire les programmes des candidats et à écouter leurs discours, justice et police ont été délaissées et l'augmentation substantielle de leurs budgets permettrait d'ensoigner les maux. Mais à ne porter la critique que contre la faiblesse des moyens, l'opposition se prive d'une réelle occasion de repenser un projet de société dans lequel l'autorité judiciaire serait confortée et la pénitentiaire tiendrait son rang. Cet exercice est complexe et néanmoins indispensable.
Des bases existent pourtant pour ne pas construire sur du sable. Une conviction d'abord, celle de Victor Hugo et de Robert Badinter, la justice pénale ne peut êtreune justice qui tue. Aucun drame, si poignant soit-il, ne doit nous éloigner de cet idéal. Ensuite la loi pénitentiaire (2009) et les Règles Pénitentiaires Européennes (2006) donnent à la prison des objectifs et définissent la réinsertion : mener une vie responsable, exempte de délit et de crime. Cependant, notre société ne réussit pas à élever une pénalité républicaine sur ces textes socles qui doiventencadrer la réponse sociale aux transgressions. Ainsi, la phrase de Nietzsche, reprise par Foucault : "Nos sociétés ne savent plus ce que c'est que punir", semble toujours d'actualité.
Puisque les mots seuls ne suffisent pas, il faut que le politique se penche sur des questions fondamentales, concrètes, pour l'instant délaissées : que fait-on du temps de la peine ? Lorsqu'un homme est condamné à 10 ans de prison, qu'y fera-t-il, comment vivra-t-il et qui deviendra-t-il ? Lorsqu'un homme est condamné à un an de prison, comment cette sanction peut-elle être aménagée pour qu'elle fasse peine et pour qu'elle fasse sens pour la communauté comme pour l'individu ? Comment aider les personnes qui ont été victimes à se reconstruire ? Quels modèles de peines nouvelles peuvent être inventés ? Pourquoi la semi-liberté ne pourrait-elle pas être plus développée ? Pourquoi l'effort d'enseignement de l'éducation nationale et des associations reste-t-il si peu développé en détention alors que les besoins sont si grands et que cette action permet une insertion ou une réinsertion dans la société ? Et à l'issue de la peine, car il doit y avoir une issue, pourquoi l'insertion par l'activité économique, si prometteuse, reste-t-elle en arrière plan ?
Une des tâches du prochain gouvernement sera de redonner de la grandeur à l'autorité judiciaire et un horizon à ses administrations que sont la protection judiciaire de la jeunesse et la pénitentiaire. L'instrumentalisation partisane (de tous bords) des questions relatives à la sécurité a déjà profondément déstructuré le lien social et une société ne peut faire corps si l'on en fragilise une de ses composantes essentielles. Redonner du sens devrait-être l'action prioritaire de nos gouvernants. En effet, les actes de délinquance disent quelque chose de la fragilité de l'homme et de nos sociétés. La deuxième tâche sera de réconcilier la société civile qui a parfois cédé à la facilité d'une critique démagogique. Deux discours inconséquents et caricaturaux se font face : d'une part ceux qui instrumentalisent la douleur et font vaciller la justice en agitant le spectre de la vengeance, d'autre part ceux qui considèrent que toute mesure destinée à mieuxencadrer le suivi des délinquants est un pas vers la construction d'un "droit pénal de l'ennemi" et rejettent toute idée de responsabilité personnelle arguant d'un déterminisme social. La réalité est infiniment plus complexe.
Il faudra beaucoup de sagesse aux hommes politiques pour mener des débats à la hauteur des enjeux et beaucoup d'intelligence collective à la société pour ne pas céder à la tentation égoïste de la critique sans discernement.
Pierre Méheust est aussi professeur à Fleury-Mérogis et ancien président du GENEPI.


Questions d'économie de la santé n° 171

Surcoût des événements indésirables associés aux soins à l’hôpital
Premières estimations à partir de neuf indicateurs de sécurité des patients

Nestrigue C.Or Z.
Questions d'économie de la santé n° 171. 2011/12

Cette étude fournit de premières estimations nationales du coût de prise en charge d’une partie des événements indésirables associés aux soins qui surviennent à l’hôpital, en exploitant les données hospitalières collectées en routine...


Lire l quite ici
Lextimes.fr 

Droit et psychiatrie par Olivier Dupuy

24 nov. 2011 — De nouvelles dispositions régissent la prise en charge des personnes atteintes de troubles psychiques depuis le 1er août dernier. Les notions d’« hospitalisation à la demande d’un tiers », d’« hospitalisation d’office » ou de « sortie d’essai » n'ont plus cours. La loi nouvelle(1) introduit de nombreuses et importantes innovations : création d’une période d’observation et de soins de 72 heures, d’un dispositif de prise en charge« en cas de péril imminent », d’un programme de soins et d’un contrôle judiciaire obligatoire après 15 jours d’hospitalisation sans consentement.

Quels sont les droits et les garanties auxquels tout citoyen soumis à une mesure de soins psychiatriques peut aujourd’hui prétendre ? Quelles sont les règles qui régissent la prise en charge des patients souffrant de troubles mentaux ?

Dans ce « Droit et psychiatrie »(2), Olivier Dupuy, docteur en droit, explique de manière précise, complète, argumentée et dans un langage accessible cette réforme du 5 juillet 2011 et livre les clés pour repérer les apports d’une réforme que les pouvoirs publics qualifient eux-mêmes de complexe. Outil de référence utile aussi bien aux professionnels exerçant dans le champ de la santé mentale qu'à tout citoyen intéressé par le sujet. ■ (A.A.)
________
(1) L. n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en chargeJ.O., n° 155, 6 juill. 2011, p. 11705.
(2) Droit et psychiatrie. La réforme du 5 juillet 2011 expliquée, Olivier Dupuy, Heures de France, coll. Guides d'exercice professionnel des établissements sanitaires et médico-sociaux, nov. 2011, 216 p. 21 € ou 19,95 € sur fnac.com.

Violences faites aux femmes : les 25 novembre se suivent et se ressemblent

Point de vue | LEMONDE.FR | 25.11.11 
Une affiche de la campagne d'éducation contre les comportements sexistes et les violences faites aux femmes diffusée en novembre 2006.

En 1999 l'Assemblée générale des Nations unies déclarait que le 25 novembre serait désormais la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes. Depuis, chaque année, les associations féministes se rassemblent pourinterpeller les gouvernements et faire reculer les violences sexistes.

En France, 75 000 femmes sont violées par an et plus de 150 meurent sous les coups de leur compagnon ou ex-compagnon. A peine 10 % des femmes violées portent plainte et environ 2 % des violeurs sont condamnés. Le harcèlement sexuel touche 40 % des femmes en Europe. Des chiffres qui dépassent l'entendement et qui ne bougent quasiment pas d'une année sur l'autre.
Comme chaque 25 novembre, nous aurons sans aucun doute l'occasion d'entendre le gouvernement rappeler ses engagements et le premier ministre fera quelques annonces pour prouver sa détermination. Jouant dangereusement sur l'émotion suscitée par un fait divers tragique, il déclarera vraisemblablement le renforcement des dispositifs répressifs qui s'avèrent depuis des années peu efficaces. Puisque nous sommes à quelques mois de la présidentielle, nul doute que les candidates et candidats à l'élection présidentielle s'engageront également sur le terrain de la lutte contre les violences.
Parce que les responsables politiques refusent de s'attaquer réellement aux violences sexistes, les 25 novembre se suivent et se ressemblent.
Les crimes sexistes sont un fait social et politique qui nécessite un engagement qui aille largement au-delà des mesures spécifiques contre les violences. Nous ne sommes pas uniquement en présence d'une succession de faits individuels dramatiques : quand 75 000 femmes sont violées chaque année dans un pays, cela fait société. Les violences sont à la fois l'expression la plus dure de la domination qui persiste sur les femmes et le reflet d'une organisation sexuée de notre société, où femmes et hommes, s'ils ont légalement les mêmes droits, n'ont pas encore les mêmes statuts et les mêmes possibilités d'émancipation.
Les violences sexistes ne sont pas, pour l'immense majorité d'entre elles, le fait de psychopathes, de malades qu'il faudrait soigner. Elles sont le fait d'hommes que tout le monde qualifierait de "banals", pour lesquels on dirait – on l'a d'ailleurs beaucoup entendu ces derniers mois – "je le connais bien, ce n'est pas possible". Des patrons comme des employés. Des riches comme des précaires. Des Français comme des étrangers. Des noirs comme des blancs.
Les violences sexistes concernent, pour l'immense majorité d'entre elles, des femmes que tout le monde qualifieraient de "banales", pour lesquelles on dirait"tiens, je n'aurais pas pensé que…". Des cheffes d'entreprise, des mères de famille, des étudiantes, des employées ou des cadres sup. Des femmes discrètes comme des grandes gueules. Des jeunes comme des personnes âgées. Des minces comme des rondes. Des hétérosexuelles comme des lesbiennes.
Ces violences sont une honte pour notre pays. Et tant que la chape de plomb qui pèse sur elle ne sera pas levée, l'égalité femmes hommes restera lettre morte.
Que la droite refuse d'aborder les violences comme un fait social, cela se comprend aisément, elle qui n'a jamais intégré dans son programme politique l'analyse des rapports sociaux de sexe. Pour elle, les violences seraient une déviance qu'à force de réprimer, on devrait pouvoir faire disparaître. De plus,vouloir lutter contre un fait social d'une telle ampleur demande quelques moyens : pour éduquer, pour prévenir, pour accueillir, pour juger, pour soutenirles associations. Et puisque le gouvernement a fait de la rigueur et de l'austérité l'alpha et l'oméga de sa politique, on l'imagine mal annoncer des moyens financiers pour lutter contre des crimes qui au final, passent pour l'immense majorité d'entre eux totalement inaperçus. La droite fait le pari qu'annoncer en grande pompe des mesures sécuritaires ramènera sans doute plus d'électeurs du Front national.
C'est à la gauche de répondre à l'aspiration exprimée par des dizaines de milliers de citoyennes et citoyens dans les différents appels lancés par les associations féministes. Luttant pour l'émancipation des individus de toute forme d'oppression, la gauche sait que les violences envers les femmes dans la sphère privée et publique sont imbriquées dans les inégalités qui existent dans toutes les sphères de la société : économique, politique et sociale. La gauche sait aussi que c'est en parlant des violences, en faisant de la domination masculine un sujet politique qu'on permettra de lever le silence et d'entendre la parole des femmes, aujourd'hui bafouée. La gauche sait enfin que si elle veut transformer en profondeur la société, elle doit faire de l'égalité femmes-hommes une priorité de son mandat.
Si le nouveau gouvernement qui arrivera au pouvoir en 2012 prend des mesures immédiates pour enfin appliquer la loi votée en juillet 2010, engage un travail massif de prévention, d'éducation et de formation des professionnels, nous pourrons peut-être nous retrouver le 25 novembre 2012 pour faire la fête. Mais pour ceci, il y a une condition indispensable : intégrer dans les logiciels politiques une analyse des rapports sociaux de sexe et affirmer la volonté de les transformer pour aller vers l'égalité. Sur ce sujet, à gauche, le travail est devant nous.

Faire d’une histoire douloureuse une force positive

Journée de réflexion sur les violences faites aux femmes, dans la commune d'Almensilla, près de Séville (M.G./Le Monde.fr)
Dans une salle municipale d'Almensilla, dans la banlieue de Séville, une trentaine de femmes de tous âges sont réunies à l'occasion d'une journée de réflexion sur les violences conjugales organisée par la mairie. Elles écoutent les témoignages d'Antonia Avalos Torres et de Gracia Prada (il y a quelques jours, nous vous avions présenté ces femmes et lacommunauté solidaire d'épargne et de crédit qu'elles ont mise en place).
L'auditoire est attentif et oscille entre bonne humeur et inquiétude quant à la gravité du sujet abordé."Aujourd'hui, vous nous voyez comme des femmes bien dans notre peau, bien maquillée, jolies, entreprenantes. Mais cela n'a pas toujours été le cas, explique Antonia, sans se départir d'un grand sourire. Avant, nous ne parlions pas. Mais notre message, c'est qu'on peut sortir de la violence." Gracia précise : "Le plus difficile quand on a subi des violences, c'est de l'admettre devant la société. Souvent, on a honte."
Antonia Avalos Torres et Gracia Prada livrent leurs témoignages aux habitantes d'Almensilla. (M.G./Le Monde.fr)
Antonia et Gracia ont fait de leur histoire un "témoignage positif". Elles ne se disent jamais "victimes", mais "survivantes". Aujourd'hui, elles aident et conseillent d'autres femmes ayant subi des violences, par le biais de la fondation Ana Bella qui les emploie, une association sévillane fondée en 2006 et qui vient d'être récompensée par le ministère de santé publique.
L'histoire de la fondatrice de l'association est elle-même exemplaire. Ana Bella s'est mariée à 18 ans. Bien trop tôt, dit-elle. Trop jeune pour réaliser que le comportement tyrannique de son mari, qui l'empêchait de sortir seule et la défiait en permanence, n'était pas un comportement "normal". Il aura fallu onze ans à Ana pour se résoudre à quitter le confort matériel d'une maison pour se retrouver du jour au lendemain dans un centre d'accueil avec ses quatre enfants de 8, 6, 4 ans et 9 mois. Sans expérience professionnelle, la jeune femme doit reprendre le travail et se battre pour offrir une vie digne à ses enfants. De cette difficile expérience, elle tire une motivation sans faille pour aider des femmes dans sa situation et décide de monter une association.
Ana Bella conseille des femmes victimes, les soutient dans les difficiles démarches juridiques, les accueille parfois plusieurs semaines ou plusieurs mois chez elle, se démène pour leur trouver du travail et un logement. Aujourd'hui, la Fondation est organisée, emploie une dizaine de femmes, est propriétaire de deux logements qui peuvent accueillir des familles, compte plusieurs juristes et psychologues bénévoles, a lancé une entreprise de nettoyage et une de catering.
Reportage sur la fondation Ana Bella réalisé par Canal Sur
La prévention dans des écoles et l'apport de témoignages, comme ici à Almensilla, est un autre aspect essentiel du travail de la Fondation. A Almensilla, la discussion s'échauffe quand le débat porte sur le dépôt de plainte. A quel moment faut-il le faire ? Les assistantes sociales d'Almensilla insistent pour déposer plainte au plus vite. Antonia et Gracia nuancent : "Le plus important pour porter plainte est de se sentir d'abord protégée. Nous ne pouvons faire pression pour dénoncer car nous savons la panique que cela peut provoquer." Pour Antonia, le processus doit être engagé par la femme, quand elle se sent prête. "Chacune doit faire son propre cheminement pour acquérir sa liberté. Notre devoir est d'apporter tous les outils – juridiques, médicaux, psychologiques, financiers – nécessaires à ce processus. Mais la démarche doit venir de chacune."
Chary Contreros approuve. Elle aussi a longuement hésité avant de porter plainte et a gardé un souvenir amer de certains rendez-vous avec des assistantes sociales qui la poussaient à engager les démarches alors qu'elle ne se sentait pas prête. Aujourd'hui, femme fière et indépendante, à la tête d'une petite entreprise de nettoyage, Chary a néanmoins toujours peur. Son ancien mari habite dans le même village, il lui arrive de voir sa voiture garée près de la boulangerie ou du distributeur automatique. "Je ne peux pas quitter ce village. Mes parents vivent ici et ils ont besoin de moi", dit-elle, tout en estimant qu'un jour, pour être complètement libérée, il lui faudra certainement faire le pas.
La lutte contre les violences conjugales en Espagne
Fin 2004, l'Espagne votait l'une des lois les plus avancées contre les violences de genre. Adoptée à l'unanimité des députés, l'Espagne a été un des premiers pays à prendre le problème comme un phénomène global, affectant tous les aspects de la vie des femmes. La loi a posé les galons d'une série de mesures s'appliquant dans les domaines de l'éducation et de la prévention, de la santé, de l'accueil et de la protection des victimes, de la formation professionnelle, etc. La législation est enviée à l'étranger, mais suscite quelques critiques en interne. "Quand sept ans après son entrée en vigueur, on dénombre 500 assassinats, il est difficile de rester optimiste sur l'efficacité de cette loi", écrit l'avocate féministe Lidia Falcon dans le quotidienPublico, qui reproche à cette législation d'être trop restrictive sur les cas auxquels elle s'applique.
Mathilde Gérard

Le viol conjugal, un crime peu sanctionné

LEMONDE | 25.11.11
Première image d'un montage de photos tirées d'un film de sensibilisation pour renforcer la lutte contre les violences conjugales.
Première image d'un montage de photos tirées d'un film de sensibilisation pour renforcer la lutte contre les violences conjugales.AFP/-
Devant la juge, l'homme reconnaît les viols, ce qui devrait donner lieu à un procès en assises. Néanmoins, la vice-procureure du tribunal de Paris, Danièle Marhic, suggère à Elodie de "correctionnaliser" son affaire, requalifiée en "agression sexuelle". Elle accepte, afin que son époux soit moins lourdement sanctionné. Il est condamné à dix-huit mois de prison avec sursis, et 600 euros de dommages et intérêts, ce qui ne couvre même pas les frais d'avocat.
Cette histoire est emblématique des affaires de viol conjugal, estime le Collectif féministe contre le viol (CFCV). "Très souvent, la violence physique commence pendant la grossesse", a constaté Marie-France Casalis, cofondatrice du CFCV, lors d'un colloque organisé par la Préfecture de police de Paris. Les experts psychologiques ont d'ailleurs noté que le mari d'Elodie P. souffre d'une "forte angoisse d'abandon", réactivée par l'arrivée du deuxième enfant.
"DÉQUALIFIÉS"
On reconnaît dans cette affaire un phénomène d'emprise, dont les ressorts ont été mis au jour par la psychiatre Marie-France Hirigoyen. D'abord, le mari impose l'isolement, vis-à-vis de la famille, des amis qui, à ses yeux, "sont tous des imbéciles", a expliqué Mme Casalis. Souvent il y a privation du téléphone, comme a essayé de le faire le mari d'Elodie.
Ces tentatives s'accompagnent souvent d'humiliations, de paroles dévalorisantes. "Ces femmes perdent l'estime d'elles-mêmes", explique MmeCasalis. Le mari inverse les responsabilités : si la relation s'est envenimée, c'est la faute de la femme. Une stratégie pour la dissuader de porter plainte. L'homme instaure un climat de peur, tout "en étant charmant avec les policiers ou les thérapeutes". Il tape, mais "fait croire qu'il n'y a pas eu d'agression, en offrant des fleurs ou un dîner au restaurant, constate Mme Casalis. Si bien que ces femmes qui viennent nous demander de l'aide nous disent : "Il est tellement gentil !"...".
Ce qui les décide à porter plainte, c'est la peur que le mari s'en prenne aux enfants. Elles le font à leurs risques et périls. Elles peuvent, certes, demander en urgence une protection au juge aux affaires familiales. Mais il se passera au moins un mois avant l'audience contradictoire. Une période pendant laquelle tout peut arriver, et parfois le pire, constate l'avocate d'Elodie, Me Isabelle Steyer.
Lorsqu'elles ont le courage de maintenir leur plainte, en dépit des pressions et de leur propre ambivalence, les faits sont systématiquement "déqualifiés", ironise le Collectif, pour suggérer qu'ils sont requalifiés "à la baisse". "Les affaires sont renvoyées devant le tribunal correctionnel, alors qu'elles relèvent des assises, parce que la justice n'a pas les moyens d'une audience de deux jours avec des jurés payés, et que les prisons sont saturées", déplore le Collectif.
En 2010, il y a eu 35 condamnations aux assises, 194 en correctionnelle. Le viol conjugal est passible de vingt ans de prison. L'agression sexuelle, elle, de sept ans.

CFCV.asso.fr. Tél. : 0800-05-95-95.

 


Le plan 2011-2013 de lutte contre les violences faites aux femmes

Le troisième plan interministériel de lutte contre les violences faites aux femmes couvre la période de 2011 à 2013. Il s’inscrit dans la continuité des précédents en maintenant sur les questions de violences intrafamiliales, de mariages forcés et de polygamie une vigilance soutenue. Mais il aborde également la question des violences sexistes et sexuelles au travail, ainsi que le viol et les agressions sexuelles, et les liens entre la prostitution et la traite des êtres humains. Il conjugue trois orientations : protection, prévention et solidarité.
Protection : dans chaque département seront mis en place un accueil de jour en charge de préparer ou d’éviter le départ du domicile de la femme victime d’un conjoint violent, un « référent violences » coordonnateur de l’action publique et un lieu de rencontre familiale permettant que la femme victime de violences au sein du couple ne soit pas exposée lorsque le conjoint éloigné du domicile rencontre leurs enfants communs.
Prévention : un programme d’études permettra d’évaluer l’efficacité des politiques publiques sur l’ensemble des volets du plan. Des formations destinées à améliorer le repérage et la prévention des situations de violence seront dispensées à l’ensemble des professionnels : magistrats, policiers et gendarmes, travailleurs sociaux, professionnels de santé et aussi personnels des ambassades et des consulats et personnels de l’état civil.
Solidarité : les violences faites aux femmes engagent la responsabilité citoyenne des personnes témoins de ces violences, proches, voisins, ou collègues de travail. Trois campagnes d’information seront lancées à destination du grand public sur la dénonciation du viol, sur les violences sexistes et sexuelles au travail et sur les liens existant entre prostitution et traite des êtres humains.
Au lendemain de la grande cause nationale 2010 dédiée aux violences conjugales, ce plan témoigne que la lutte contre les violences faites aux femmes est au coeur des préoccupations du Gouvernement. Il mobilisera 31,6 millions d’euros sur trois ans, soit une augmentation de plus de 30 % par rapport au plan précédent.
Synthèse du plan (pdf - 96.1 ko)