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vendredi 2 décembre 2011


Les experts psychiatres

LE LUNDI 28 NOVEMBRE 2011 À 14:45

L’affaire de Chambon-sur-Lignon a mis les projecteurs sur plusieurs sujets : la question de la récidive, la prise en charge des délinquants mineurs, le secret sur le passé judiciaire des personnes. Et puis le personnage de "l’expert psychiatre". On parle beaucoup de ces experts psychiatres, mais qui sont ils vraiment ? Comment sont-ils choisis ? Comment travaillent-ils ? Pour en parler, Anne Laure Gannac rédactrice en chef adjointe à Psychologies Magazine.

L'expert psychiatre est d'abord un médecin qui a fait une spécialisation en psychiatrie, le fait de devenir expert auprès des tribunaux dépend de sa seule volonté. Il dépose une candidature auprès du procureur de la république, cette candidature est examinée par une commission de magistrats puis une fois qu’elle est validée, le psychiatre prête serment. Dès lors, il peut être appelé à intervenir sur une affaire.

L'expert psychiatre est recruté sur avis du tribunal de son adresse professionnelle et par une commission de magistrats de la cour d’appel. Les critères sont les expertises qu’il a déjà pu faire, l’avis de magistrats qui l’ont fait travailler, éventuellement ses diplômes, les formations complémentaires qu’il a pu suivre en criminologie, en victimologie…

Il n'est pas sur des listes de manière définitive et doit représenter sa candidature tous les cinq ans et rendre compte des expertises qui ont été faites.

Roland Coutanceau, expert psychiatre et criminologue, explique que l'expertise est un examen classique comme il peut en faire dans un cabinet privé ou aux urgences, il reçoit le patient et procède à un examen qui vise à déterminer si le patient souffre de maladie mentale ou non. Il s’agit ensuite de déterminer le type de caractère, les éventuels troubles de la personnalité : tendance paranoïaque, mégalomaniaque, immaturité, anxiété, addictions, etc…

Il y  a ce que Roland Coutanceau appelle les deux "patates chaudes" de l’expertise, c'est-à-dire que l’expert en est venu à devoir se prononcer sur : la crédibilité des victimes : est-ce que leur témoignage est fiable ? C’est le sujet qui est sur le devant de la scène médiatique en ce moment avec l’affaire Agnès, la dangerosité criminologique. Peut-on dire si cette personne est dangereuse ou pas ? Est-ce qu’il y a un risque de récidive ?

Ils se sont décentrés de leur fonction première. On leur demande de jauger le risque que l’acte se reproduise. Ce qui veut dire que ce n’est plus seulement l’homme qui les préoccupe, mais l’acte lui-même. Cela relève de la criminologie. Pour prendre la mesure de cette dangerosité criminologique le seul paramètre de l’étude de la personnalité du patient ne suffit pas. Les éléments trahissant un risque de récidive sont aussi dans les modalités du passage à l’acte. Quelle arme a été utilisée, est-ce que l’agression a été faite sur un membre de la famille ou à l’extérieur, est-ce qu’il y a eu séquestration ou pas, etc… Autant d’éléments qui, du point de vue du criminologue, aide, statistiquement, à évaluer le risque de récidive.

Jura bernois: "Faut pas croire" visite l’hôpital psychiatrique de Bellelay

Le spirituel partenaire de la psychiatrie   

Bellelay, 28 novembre 2011 (Apic) Nouveau défi à l’hôpital psychiatrique de Bellelay, dans le Jura bernois. La dimension spirituelle est intégrée au processus thérapeutique en milieu psychiatrique. Une alliance difficile à concilier en milieu médical.

Faut pas croire (Photo: TSR)
Une des sections de l’hôpital psychiatrique de Bellelay a introduit la dimension spirituelle dans le processus thérapeutique. L’aumônier fait ainsi partie de l’équipe soignante. Il participe au processus de guérison, au même titre que les autres thérapeutes.
   L’émission religieuse de la TSR, "Faut pas croire", invite à découvrir une facette du Service aumônerie prisons, psychiatrie, addictions, sida (SAPPAS) du Jura pastoral, dont le diacre Jean-Charles Mouttet est le responsable. Un reportage de Murielle Landry, à voir le 3 décembre 2011 à 13h10 sur TSR1 et le 4 décembre à 18h25 sur TSR2. (apic/com/mr/ggc)

mercredi 30 novembre 2011


CHEZ FRANCIS

Francis est SDF depuis quinze ans. A 60 ans passés, il attend de toucher sa petite retraite et rêve d'une autre vie sous le soleil de l'Equateur. Mais d'ici là, « il faut tenir ». Chronique d'une saison à la rue pour Francis, Anouar, Philippe, Jeff et tous les autres.



Ils sont SDF, psychotiques et « piqués » : qui ça arrange ?

Publié le 25/11/2011 à 06h09
Le regard embrumé, une sexagénaire erre autour de la Halte Femmes, dans le XIIe arrondissement de Paris. « Elle est sous traitement retard », commente Solange, animatrice dans cet accueil de jour depuis quatre ans.
« Elle a eu son injection hier. »
« La plupart des gens qui vivent dehors savent ce qu'est l'injection retard », affirme Jeff, 31 ans, à la rue depuis sa majorité.
Le traitement à effet retard, dit « injection retard », est prescrit par les psychiatres contre les psychoses – notamment la schizophrénie, les troubles bipolaires et les états limites. Seuls sont concernés les bénéficiaires de la couverture maladie universelle (CMU).
Cette injection antipsychotique évite d'avoir à prendre des médicaments tous les jours. La piqûre libère lentement le principe actif dans l'organisme du malade, appelé à revenir toutes les deux à quatre semaines pour renouveler sa piqûre. Jeff :
« Pendant, les deux-trois premiers jours, c'est sûr qu'on est “out”. »
JEFF, 31 ANS, SDF, SUR L'INJECTION RETARD

Un sans-abri francilien sur trois souffre de troubles psychiatriques

VOIR LE DOCUMENT
L'enquête Samenta de 2009 a confirmé la mauvaise santé mentale des SDF d'Ile-de-France et la surreprésentation des troubles psychiatriques sévères dans la rue. Un tiers des sans-abri franciliens souffrent de troubles psychotiques (13% de la population sondée, avec 8,4% de schizophrénie), de troubles de l'humeur et troubles dépressifs sévères (6,5%) et enfin, de troubles anxieux (12,2%).
Dans les centres médico-psychologiques (CMP) et accueils de jour spécialisés, on encourage souvent l'injection retard pour les sans-abri délirants.

Assimilée à un soin vétérinaire

« J'ai des exemples de gens qui vont à leur piqûre retard, qui baissent la chemise et ils s'en vont le plus vite possible », constate Bruno, à l'Unafam, organisme d'aide aux familles et amis de malades psychiques.
Parfois assimilée à un soin vétérinaire, l'injection retard a mauvaise réputation.

Une femme, dans un accueil de jour (Aurélie Champagne/Olivier Volpi)
Les malades qui sont passés par là ont souvent honte d'en parler. Les témoignages sont décousus, varient d'une semaine sur l'autre.
Pour Sylvie et Christiane, infirmières psychiatriques au service santé mentale et exclusion sociale (Smes) de Sainte-Anne (Paris XIVe), l'injection retard « est un outil ».
« C'est comme un marteau : tu peux t'en servir pour accrocher un tableau ou mettre un coup sur la tête. »
Entendons-nous, il ne s'agit pas de remettre en cause ici les bénéfices de l'injection retard. Pour Sylvie, « quand tu as un psychotique qui a des crises d'angoisse massives, heureusement qu'il a un traitement ». Mais l'injection n'est pas sans danger pour celui qui vit à la rue, pour l'entourage et les soignants.

« Le médecin est tranquille »

On ne guérit pas de la schizophrénie, « on soigne les effets et pas la cause », déplore Bruno, de l'Unafam. La plupart du temps, les grands schizophrènes qui vivent à la rue ne demandent rien, voire refusent les traitements :
« Ce sont des personnes qui sont souvent dans le déni de cette pathologie. »

« Quand une personne n'est plus sous traitement » (Aurélie Champagne/Olivier Volpi)
L'injection retard a l'avantage de régler certains problèmes pratiques liés aux conditions de vie à la rue : elle évite d'aller à la pharmacie, d'avoir à gérer des ordonnances et tout un tas de paperasse. Elle évite aussi les vols de médicaments.
La piqûre étouffe les symptômes délirants, calme les malades agités, agressifs et prévient des éventuels passages à l'acte. Sylvie constate que l'injection est « le traitement royal du suivi en ambulatoire ».
« Ça rassure tout le monde à commencer par le soignant : si c'est sur quinze jours, le médecin est tranquille. Je ne sais pas si ça rassure le patient. »
SYLVIE ET CHRISTIANE, INFIRMIÈRES PSY À SAINT-ANNE, PARIS
Il y a quelques temps, le fils de Bruno a fugué à la rue.
« Son séjour à la rue, il ne m'en a jamais parlé tant la souffrance a dû être immense. Il a dû être ramassé par Médecins du monde à Marseille. Il était en lambeaux. Il s'était fait écraser les pieds dans un parking par une voiture. »

« Une personne qu'on pique… »

Bruno a accompagné plusieurs fois son fils pour son injection.
« Le jour de la piqûre, on retombe de façon peut-être plus difficile que quand on prend son traitement au quotidien. C'est quand même douloureux au niveau de l'image. Une personne qu'on pique… »
Parfois traumatisante pour le patient, la piqûre accentue une mauvaise image chez des personnes dont l'estime d'elles-mêmes est souvent dégradée. L'injection prive également la personne du contrôle de son état et de la régulation des médicaments.

Troubles de l'érection, prise de poids...

D'après l'enquête Samenta, 26,8% des malades en rupture de traitement mentionnent une inefficacité du traitement, 20% évoquent une forte contrainte, 18% des effets secondaires.
« En général, les mecs arrêtent vite parce qu'ils ne bandent plus. Ça, c'est un grand problème pour les messieurs qui sont à la rue », lâche Christiane. Sylvie précise :
« Il n'y a pas les mêmes effets secondaires en fonction des médicaments. La prise de poids est énorme avec les antipsychotiques : 50% des patients prennent de 10 à 30 kg. »

« A la rue, être “out”, ça peut être dangereux »

Les jours suivant l'injection, le malade est « tassé » pendant deux ou trois jours. « Et à la rue, être “out”, ça peut être dangereux », commente Jeff. L'injection rend vulnérable et les malades peuvent être la cible de violence ou de vol.
« Il faut vraiment que le type ait des amis qui s'occupent de lui. Si au moins l'hôpital donnait deux ou trois nuits d'hôtel pour ces jours-là, ce serait bien. C'est pas ce qui se fait. »

« Tassée » (Aurélie Champagne/Olivier Volpi)
Bruno résume le dilemme auquel il doit faire face :
« Est-ce qu'il faut choisir d'être un peu ramolli pendant deux ou trois jours ? Tassé, recroquevillé. Ou est-ce qu'il faut choisir des angoisses sans fond ? Des angoisses gigantesques, qu'on ne peut pas imaginer d'ailleurs. Parfois, j'ai eu dix, quinze appels par jours de mon propre fils tellement il était angoissé parce qu'il était pas sous traitement. Ou parce qu'il avait oublié. »
BRUNO, DE L'UNAFAM, SUR LE DANGER DE LA PSYCHOSE À AL RUE
Le père a tranché :
« Moi, je pense que le soin est indispensable. C'est d'ailleurs le drame des SDF actuels. »

« Piqué », comme « à voté ! »

Mais l'injection ne fait pas tout. Elle calme les délires mais la validité du traitement dépend d'un suivi psy régulier et de l'adhésion du malade. Sylvie :
« C'est une toute petite part de liberté qu'il leur reste encore et la possibilité de s'affirmer en tant que sujet et pas seulement en tant que malade à traiter ou à hospitaliser. Le soin ne peut pas être synonyme de contrainte, sinon ça ne s'appelle pas du soin. »
Les conditions de vie à la rue et l'évolution de la psychiatrie permettent de moins en moins de garantir le suivi nécessaire à donner du sens aux médicaments.
Un infirmier témoigne des injections retard qu'il effectue à la chaîne :
« Il me semble que l'on ne soigne que des personnes qui cheminent autour de leur maladie. Ces rencontres obligées par l'injection retard ont souvent quelque chose d'un rituel “désaffectivé”. “ A voté ! ” On pourrait aussi bien écrire “ piqué ”. D'ailleurs c'est ce que l'on fait : “ Clopixen I.M. : Fait. ” »

La peur du personnel soignant

Depuis la fin des années 90, la réforme du diplôme d'infirmier psychiatrique amène sur le terrain des soignants moins bien formés.
« Maintenant, les étudiants arrivent en psy et ils ont peur. A l'observatoire de la violence sur Saint-Anne, la majorité des infirmiers se sentent en insécurité sur leur lieu de travail », constate Sylvie.
La peur, le développement du soin sous contrainte et la promotion du principe de précaution renforcent une vision sécuritaire de la maladie mentale à la rue.
« C'est l'équation “folie = danger”. Or, pour rencontrer des gens, il ne faut pas avoir peur. Ni des symptômes, ni de la folie. »

« Certains délires aident à survivre à la rue »

Pour Sylvie et Christiane, il existe une forme de délire protecteur qui aide à survivre la rue. L'intérêt du malade n'est pas toujours d'annihiler le délire.
« Quitte à les laisser à la rue – puisque dans les faits, c'est ce qui se passe –, on peut se dire que quand le délire n'est pas mortifère ou traversé d'angoisse terrorisantes, certains délires sûrement aident à survivre ».
SYLVIE ET CHRISTIANE, SUR « LES RAISONS D'ALLER BIEN »

« A la rue, certains délires aident à vivre » (Aurélie Champagne/Olivier Volpi)

« Une fois qu'ils ont fait la piqûre, c'est “ bye bye” »

« Plus on psychiatrise la précarité et moins on remet en cause la société », concluait Sylvie, il y a quelques mois.
Faute de suivi digne de ce nom, l'injection retard n'est plus qu'un moyen comme un autre de garantir la paix sociale en étouffant la souffrance psy à la rue.
« L'injection, je veux bien, mais dans l'intérêt de qui ? » demande Jeff.
« Une fois qu'ils ont fait la piqûre, c'est “ bye bye, rendez-vous dans un mois ” […]. Ce sera pas dans une semaine pour savoir si vous allez mieux. Ce sera le mois prochain. C'est comme si on était inexistant. Ils nous calment… ou plutôt, ils nous cament. »
JEFF : « COMME ÇA, ON EST TRANQUILLE »

Jeff en terrasse (Aurélie Champagne/Olivier Volpi)