par Jennifer Padjemi publié le 13 mai 2023
Docteur en pharmacie et pharmacien d’officine, Alexis Sean est également expert auprès de la Haute Autorité de santé. Dans ses travaux de recherche, il s’intéresse aux mutations de la pharmacie d’officine pour un meilleur accès aux soins.
Comment revenir vers une séparation bien distincte entre pharmacie et parapharmacie ? Le flou semble volontairement entretenu.
Deux acteurs jouent un rôle clé. Les laboratoires de parapharmacie, pour commencer. Par des artifices de packaging, certains produits rappellent le médicament, ce qui les valorise aux yeux du consommateur. D’ailleurs, certains médicaments font le chemin inverse et demandent le statut de dispositif médical ou de complément alimentaire, car moins contraignant au niveau réglementaire. Ces mécanismes contribuent à maintenir le flou auprès des consommateurs. Ainsi, le pharmacien doit effectuer une sélection pertinente des produits de parapharmacie sur la base de critères objectifs comme les recommandations de sociétés savantes [des associations d’experts, ndlr].
Ensuite, le pharmacien : la surexposition de la parapharmacie entretient la confusion entre espace beauté et établissement de santé. L’agencement de la pharmacie doit en finir avec le modèle mercantile et s’inscrire dans une démarche de prise en charge clinique afin de valoriser l’acte pharmaceutique. Ce point pose la question du modèle économique de la pharmacie qui doit être repensée.
L’accès aux produits de beauté et aux compléments alimentaires n’est -il pas en train de transformer les pharmacies en simples lieux de consommation, où le profit prévaut ?
L’accès à la parapharmacie y contribue mais ce n’est, à mon sens, pas un phénomène nouveau car l’une des composantes du métier de pharmacien est la recherche du profit dans un contexte concurrentiel où chacun présente la même offre. L’idéalisme du pharmacien se heurte souvent à la réalité économique… Par ailleurs, je pense qu’il y a aussi une volonté de regagner des parts de marché perdues en jouant sur le terrain des grandes et moyennes surfaces (GMS), ce qui est symptomatique d’une absence de volonté de renouveler le métier. Cette motivation mercantile biaise l’approche du pharmacien vis-à-vis de son patient, qui devient alors client.
Quel est le futur de ce modèle ?
On tend de plus en plus à mimer les codes des GMS en adoptant leurs techniques de vente. A mon avis, le pharmacien se trompe de combat en jouant sur ce terrain et il convient d’anticiper le devenir de notre métier en lui donnant une orientation clinique. A terme, la parapharmacie risque de décrédibiliser la pharmacie en l’associant à une image commerçante éloignée des principes du serment de Galien, censé garantir un cadre déontologique. Il existera sans doute deux types de pharmacies. Celles organisées en groupements avec une politique commerciale mercantile imposée, et celles ayant gardé leur indépendance, spécialisées dans la prise en charge du patient et motivées par une approche clinique de la profession.
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