Publié le : 04/04/2023
Censés améliorer l’accès à des soins de qualité à des prix abordables, les centres de santé à bas coût se sont multipliés. Après plusieurs scandales, leur encadrement a été renforcé.
Fin de mois compliquée, éloignement géographique et délai d’attente trop importants dans le réseau classique sont autant de raisons de pousser les portes d’un centre de santé à bas coût. Adoptée en 2009, la loi Bachelot avait pour objectif de développer l’installation de ces structures dans des déserts médicaux afin de permettre l’accès à des soins de qualité à des prix abordables. Depuis, les centres dentaires et ophtalmologiques se sont multipliés, notamment en Île-de-France et dans les grandes métropoles régionales.
Parmi les principaux acteurs de ce marché, Dentego, créé en 2013, compte aujourd’hui 87 agences implantées partout en France et revendique plus de 840 000 patients reçus. De son côté, le groupe Point Vision recense une quarantaine de centres pour les yeux regroupant ophtalmologistes, chirurgiens et orthoptistes. Cependant, après le scandale Dentexia, en 2015 – 3 000 plaignants –, et la fermeture de deux centres Proxidentaire en Bourgogne-Franche-Comté, en octobre 2021, l’Assemblée nationale a adopté une proposition de loi visant à améliorer l’encadrement de ces structures médicales en novembre 2022.
LUTTER CONTRE L’OPACITÉ DES CENTRES
Le texte rétablit notamment l’agrément des agences régionales de santé (ARS) pour l’ouverture des structures dentaires et ophtalmologiques. Il prévoit également un renforcement du contrôle (vérification des diplômes et des contrats de travail) des soignants qui y exercent. Une évolution dont se félicitent les Chirurgiens-dentistes de France : « Ce texte va permettre de lutter contre l’opacité caractérisant les centres de santé dentaires, notamment les liens entre les associations loi 1901 sans but lucratif et les structures commerciales qui sont gestionnaires des centres », insiste Pierre-Olivier Donnat, le président du syndicat. « Le texte améliore de nombreux points. Mais il faudra regarder comment les ARS vont contrôler les centres. Je crains qu’elles n’aient pas les moyens de mener à bien toutes leurs missions », tempère pour sa part Thierry Bour, président du Syndicat national des ophtalmologistes de France (Snof).
FAUX MÉDECINS ET RENDEZ-VOUS INUTILES
Dans ce contexte, et alors que le dispositif 100 % Santé donne à tous la possibilité, depuis le 1er juin 2021, de s’équiper de lunettes, d’appareils d’aide auditive ou de prothèses dentaires sans avoir à débourser un centime (lire l’encadré ci-dessous), pour quels types de soins ces centres médicaux peuvent-ils constituer une alternative intéressante ? Et surtout, quels sont les points de vigilance qui doivent attirer l’attention des patients ?
« Les centres de santé n’indiquant pas les noms des praticiens, il faut s’assurer que le professionnel que l’on a en face de soi est réellement médecin. Il est arrivé que des patients se retrouvent avec des prescriptions affichant l’en-tête d’un autre professionnel que celui qu’ils avaient consulté », pointe le président du Snof. Alors que les centres de santé n’ont pas le droit de faire de la publicité, cette interdiction peut être contournée par des affichages attirant l’œil sur les prestations proposées en devanture des centres. « Une vitrine tapageuse doit éveiller la vigilance des patients potentiels », insiste Thierry Bour.
En ce qui concerne le prix des soins, les centres de santé ont l’obligation de pratiquer le tarif opposable (secteur 1), sans possibilité de dépassement. « Mais il arrive qu’ils fassent revenir les patients pour des actes qui auraient pu être pratiqués au cours de la première consultation. Ils doivent donc s’attendre à être convoqué au centre une deuxième fois », met en garde le président du Snof.
« Près de 80 % des actes réalisés par les chirurgiens-dentistes sont consacrés aux soins conservateurs et préventifs dont les tarifs sont opposables. Aucun professionnel ou centre de santé ne peut déroger à cette règle », précise de son côté Alain Vallory, le secrétaire général des Chirurgiens-dentistes de France. Toutefois, il faut reconnaître que l’implantologie ne fait pas partie du périmètre du 100 % santé, tout comme l’alignement ou le blanchiment, « ce qui explique pourquoi certains centres se sont spécialisés sur ces actes lucratifs, qu’ils pratiquent parfois à l’échelle industrielle », note en guise de conclusion le président des Chirurgiens-dentistes de France.
Le 100 % santé • Une solution pour réduire ses dépenses
S’équiper de lunettes, d’une aide auditive ou d’une prothèse dentaires sans débourser un centime, c’est possible depuis le 1er janvier 2021. Promesse de campagne du candidat Macron en 2017, le dispositif, baptisé 100 % santé a été lancé progressivement entre 2019 et 2021. Aujourd’hui, les personnes disposant d’une complémentaire santé responsable peuvent bénéficier de cette offre. Le public concerné est large, puisque 96 % des assurés ont une complémentaire santé et 95 % des contrats sont, selon l’assurance maladie, dits responsables. Pour vérifier que le vôtre l’est bien et qu’il est donc éligible, il suffit d’interroger l’organisme qui vous couvre.
- Pour les audioprothèses, l’offre donne accès à un large choix de modèles, intra-auriculaires, écouteur déporté, contours d’oreilles avec 12 canaux de réglage ou de qualité équivalente. Des fonctionnalités comme le réducteur de bruit du vent, le Bluetooth ou un système antilarsen sont aussi disponibles.
- Pour les prothèses dentaires, divers types de couronnes sont couverts par le 100 % santé.
- Pour les lunettes de vue, les opticiens sont tenus de proposer 17 modèles de montures adultes en deux coloris et 10 versions enfants également en 2 coloris, ainsi que des verres qui répondent à tous les besoins de correction et qui présentent de bonnes performances techniques (amincissement, antirayures, antireflets…).
Lorsqu’il vous donne un devis, l’audioprothésiste ou l’opticien a l’obligation de vous proposer au moins un équipement sans reste à charge. De même, dans le devis du dentiste, doit figurer une offre totalement remboursée si les soins à réaliser existent dans le panier 100 % santé ou, si c’est impossible techniquement, dans celui aux tarifs maîtrisés. Voilà pour la théorie. Mais les professionnels respectent-ils bien les règles du jeu ? Des progrès restent à faire, si l’on se réfère à l’enquête de la répression des fraudes publiée en juillet 2022. Un certain nombre d’anomalies ont été relevées, dont la modification des modèles de devis normalisés censés faciliter la comparaison et le choix du client. Dans des cas plus rares, les contrôles ont épinglé une offre peu exposée en point de vente, présentée en nombre insuffisant ou non signalée comme relevant du 100 % santé.
Cabines de téléconsultation • Attention à l’affichage des tarifs
Medadom, Tessan, H4D… les cabines de téléconsultation gagnent du terrain. On les retrouve dans les pharmacies, les locaux communaux et même les supermarchés. À l’intérieur, plusieurs équipements connectés (tensiomètre, thermomètre, stéthoscope, balance, dermatoscope…) pilotés à distance par le médecin. Grâce à eux, le praticien peut affiner son diagnostic. En octobre 2022, Medadom, l’un des principaux acteurs du marché, affirmait avoir franchi le cap du million de téléconsultations. En 2023, il vise l’installation de 6 000 dispositifs.
Côté tarif, si vous faites le choix d’une téléconsultation dans l’un de ces équipements avec un médecin généraliste conventionné en secteur 1, vous aurez droit à la même prise en charge que pour une consultation classique. Gare, cependant, aux défauts d’information sur les tarifs et les honoraires. C’est ce qui ressort de la première enquête de la répression des fraudes sur le secteur de la télémédecine, dont les résultats ont été dévoilés en avril 2021. Selon elle, 23 % des opérateurs ont présenté des « anomalies », principalement des « défauts d’information sur les tarifs et les honoraires ». Plus grave, la répression des fraudes a aussi relevé « une pratique commerciale trompeuse telle que la présentation confuse d’un service de téléconseil qui, lui, n’est pas pris en charge par l’assurance maladie, à la différence d’une téléconsultation ».
3 questions à Maria Roubtsova, chargée de mission études et lobby santé à l’UFC-Que Choisir
Que Choisir Argent. Quel regard portez-vous sur le dispositif 100 % santé ?
Maria Roubtsova. L’UFC-Que Choisir se bat pour que la santé soit accessible à tous. Le 100 % santé va dans le bon sens, mais il importe que les consommateurs connaissent leurs droits. Libres à eux, bien sûr, de prendre ou non des lunettes ou des aides auditives dans le cadre de ce dispositif. Il faut aussi que les professionnels respectent leurs obligations.
QCA. Ce n’est pas suffisamment le cas ?
M. R. L’enquête menée par la répression des fraudes, dont les résultats ont été publiés en juillet 2022, a pointé de sérieux manquements. L’UFC-Que Choisir se félicite que ces contrôles aient pu avoir lieu. Malheureusement, peu de sanctions ont suivi…
QCA. Que conseillez-vous aux assurés ?
M. R. Quand ils présentent leur ordonnance, ils doivent exiger un devis sur lequel figure une offre avec un reste à charge zéro. Certains opticiens dénigrent les produits éligibles au panier 100 % santé. Ce sont pourtant eux qui les choisissent… En sélectionnant les montures les plus disgracieuses, ils tentent d’inciter le client à en acheter une avec un reste à charge. Dans ce cas, il ne faut pas hésiter à aller voir plusieurs professionnels. Un produit 100 % santé ne doit pas être assimilé à une offre low cost ou de moindre qualité. En avril 2022, l’étude réalisée auprès de notre lectorat a montré que les audioprothèses éligibles au 100 % santé étaient autant appréciées que celles de classe 2, plus chères.
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