Par Delphine Roucaute Publié le 23 février 2023
Selon un rapport de plusieurs agences onusiennes publié jeudi, une femme meurt toutes les deux minutes dans le monde en lien avec sa grossesse. C’est en Afrique subsaharienne que ces décès sont les plus nombreux.
Accoucher représente toujours un risque mortel pour des centaines de milliers de femmes dans le monde. En 2020, 287 000 femmes sont mortes pendant leur grossesse, au moment de l’accouchement, ou dans les quarante-deux jours suivant l’interruption de grossesse, selon un rapport de plusieurs agences onusiennes publié jeudi 23 février. Cela signifie que, à travers le monde, une femme meurt toutes les deux minutes en lien avec sa grossesse. Certes, la situation s’est améliorée depuis vingt ans – le nombre de morts maternelles a diminué de 34 % entre 2000 et 2020 –, mais les données stagnent depuis 2016 autour de 225 décès maternels pour 100 000 naissances vivantes au niveau mondial.
Ces chiffres globaux cachent de grandes disparités au niveau régional. C’est en Afrique subsaharienne que ces décès sont les plus nombreux, concentrant environ 70 % des morts maternelles dans le monde. Le taux de mortalité maternelle de la région, de 545 décès maternels pour 100 000 naissances vivantes, est ainsi 136 fois plus élevé que ceux de la Nouvelle-Zélande et de l’Australie, premières du classement. « En 2020, une jeune fille de 15 ans en Afrique subsaharienne a le risque le plus élevé [de mourir à cause d’une grossesse], soit environ 400 fois plus qu’en Australie et en Nouvelle-Zélande », notent les auteurs du rapport. Outre l’Afrique, les régions les plus à risque sont les Caraïbes, la Mélanésie et l’Asie du Sud et du Sud-Est.
« La mortalité maternelle est un indicateur-clé du fonctionnement d’un système de santé, explique Lale Say, cheffe d’unité à l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Malgré l’augmentation du nombre de femmes accouchant dans des établissements de santé, les résultats en termes de mortalité ne s’améliorent pas. Cela montre que nous devons investir dans les systèmes de santé, intensifier les efforts pour former les agents et veiller à ce qu’ils disposent des outils et des médicaments nécessaires. » L’enjeu, pour la scientifique, est de faire de la santé reproductive et maternelle une priorité mondiale, au même titre que les situations d’urgence ou la crise climatique.
Hausse des décès aux Etats-Unis
Car même les pays à hauts revenus ne sont pas épargnés par le phénomène. Si l’Europe et les Etats-Unis font partie des régions enregistrant les taux de mortalité maternelle les moins élevés, leur tendance est à la hausse depuis plusieurs années. En Europe, les cas de la Grèce et de Chypre inquiètent particulièrement, avec un doublement en vingt ans pour arriver respectivement à 8 et 68 décès maternels pour 100 000 naissances vivantes en 2020. Dans les deux cas, la hausse, qui avait déjà commencé en 2015, a été particulièrement accentuée en 2020, année marquée par le début de la pandémie de Covid-19.
« En règle générale, les décès maternels augmentent lorsque les femmes ont moins accès à des services de qualité, en temps opportun, en particulier au moment de l’accouchement, à une protection sociale ou à une assurance maladie, explique Jenny Cresswell, épidémiologiste à l’OMS et autrice du rapport. C’est aussi lié à la situation économique du pays, certaines femmes devant payer de leur poche pour accéder aux services. » Plusieurs études ont en effet montré l’impact de la crise financière de 2008 sur les mortalités maternelle et néonatale en Europe, et notamment en Grèce.
Pénurie de sages-femmes
Au niveau mondial, les principales causes de ces décès sont les hémorragies graves, l’hypertension artérielle, les infections liées à la grossesse, les complications d’un avortement à risque et les affections sous-jacentes pouvant être aggravées par la grossesse, comme le sida ou le paludisme. « Nous pouvons et devons faire mieux en investissant de toute urgence dans la planification familiale et en comblant la pénurie mondiale de 900 000 sages-femmes, a commenté Natalia Kanem, directrice exécutive du Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA). Nous avons les outils, les connaissances et les ressources nécessaires pour mettre fin aux décès maternels évitables. Ce dont nous avons besoin maintenant, c’est la volonté politique. »
D’autant que la pandémie a compliqué les choses. « Après le Covid-19, il va être encore plus compliqué pour les pays à faible revenu d’investir dans la santé, souligne Lale Say. C’est pourquoi il va d’autant plus falloir mettre la santé maternelle et reproductive au cœur de ces questions, pour construire des systèmes de santé résilients. » Pour tenir l’objectif onusien de réduction du taux de mortalité maternelle mondial à moins de 70 morts maternelles pour 100 000 naissances vivantes d’ici à 2030, il faudrait enregistrer une baisse moyenne de 11,6 % par an, alors que ces dernières années, la tendance annuelle était plutôt à – 2,7 %. Les défis à relever, partout dans le monde, sont de taille.
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