par Elsa Maudet publié le 18 février 2023
La question hante nombre de parents d’enfants handicapés : que va devenir mon fils, que va devenir ma fille, lorsque je mourrai ? Elle se pose avec d’autant plus d’acuité que l’espérance de vie s’allonge. Les personnes trisomiques peuvent par exemple aujourd’hui espérer vivre jusqu’à 60 ans, contre 25 ans dans les années 80. «Toute une génération va survivre à ses parents, ce qui n’était pas le cas avant», note Martin Blanchard, réalisateur du documentaire Mon Enfant après moi, diffusé ce samedi soir à 21 heures sur Public Sénat.
Dès lors, comment s’assurer que son enfant, quadra ou quinqua mais pas autonome, sera entre de bonnes mains une fois passée l’arme à gauche ? Un lieu unique en France offre une solution : la maison d’accueil familial Le Boistissandeau. Située aux Herbiers (Vendée), elle propose un hébergement et un accompagnement médico-social à des personnes handicapées et à leurs parents vieillissants, sorte de mix entre une résidence séniors, un Ehpad et une maison pour adultes handicapés. C’est là que Martin Blanchard a posé sa caméra.
«C’est extrêmement difficile pour les parents»
On y découvre notamment Annie et sa fille Marie-Madeleine, pliant bagage et quittant la maison avec jardin où elles vivaient ensemble car la mère, septuagénaire, craint de n’avoir plus assez de force pour épauler correctement la fille. Une entrée précoce en institution pour Annie, largement assez en forme pour continuer à vivre chez elle, pas assez pour poursuivre son rôle d’aidante.
Elles sont plusieurs à raconter cette entrée au Boistissandeau, cette impression d’arriver en prison, ce renoncement à leur quotidien, ce sentiment de solitude. «C’est l’ultime sacrifice qu’elles font en s’installant là et c’est très, très lourd à porter, a pu constater Martin Blanchard. Mais autant c’est extrêmement difficile pour les parents, autant les enfants sont plutôt heureux. Ils trouvent une forme de sérénité.» Les parents – des mères, beaucoup – doivent apprendre à lâcher du lest, à passer le relais au personnel de la maison d’accueil, et à s’autoriser enfin du temps pour eux, après une vie à s’être mis entre parenthèses.
«Parce que je suis handicapée, ma famille ne veut pas de moi»
Mon Enfant après moi pointe, en creux, ce qui n’est plus à démontrer, à savoir le manque abyssal d’accompagnement des personnes handicapées. La communauté du Boistissandeau réunit des personnes âgées qui ont porté, leur vie durant, la responsabilité de ces enfants devenus adultes à qui l’on n’a pas donné les moyens de mener une vie autonome. Comme Claudette, 85 ans, qui s’est occupée de Joëlle, aujourd’hui 64 ans, «365 jours sur 365», y compris avec 40 de fièvre, parce qu’«il n’y a pas d’autre solution».
Armelle, 56 ans, est terrifiée à l’idée que sa mère, sa boussole, décède. «J’ai personne. Si elle s’en va, la famille voudra pas de moi. Parce que je suis handicapée, ils veulent pas de moi», dit-elle avec une grande lucidité. La maison d’accueil est justement là pour offrir une transition, la moins terrible possible, lorsque cet inévitable décès surviendra. Une solution certes pas idéale puisqu’une vie en institution n’a rien d’un paradis, mais qui a le mérite de permettre à ces parents d’aborder leur fin de vie plus sereinement et à ces enfants de ne pas être lâchés sans parachute.
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